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reduit à prendre de toutes mains ; & c'est à quoi fe termina l'humilité de ces freres, & leur zele pour la pauvreté & la perfection évangelique.

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Hift. liv. XIX. 7. 25.

Au refte, fi la mandicité des religieux n'a été autorifée dans l'Eglife que depuis le treiziéme fiecle ce n'eft pas que l'invention en fût nouvelle. De tout tems on a vû des Mandians, même fous prétexte de philofophie ou de religion. Les philofophes Cyniques mandioient, & on trouva une fois Diogene, deDiog.Laerts mandant à une ftatuë , pour s'exercer, difoit- Har. 80. #8. il à être refufé. C'eft à l'occafion des hereti- 4. 5. 6. ques Maffaliens que faint Epiphane marque les inconveniens de la mandicité, infiftant fur les lâches complaifances aufquelles elle engage pour les riches, même pour ceux dont les biens font mal acquis, vifites actives & paffi ves, flatteries, converfations de nouvelles, ou d'autres matieres mondaines; & la pire de toutes les complaifances, qui eft la facilité des abfolutions, & l'affoibliffement de la theologie morale, Guillaume Durandi Evêque de Hift. liv. Mende, dans fes avis pour le concile de Vienne, xc1. 11. 52. marque une grande eftime pour les religieux mandians mais, ajoûte-t-il, on devroit pourvoir à leur pauvreté, enforte qu'ils euffent en commun des revenus fuffifans ou qu'ils fubfiftaffent du travail de leurs mains, comme les Apôtres.

ment gene

Les moines & les autres anciens religieux XII. tomberent dans un grand mépris depuis l'in- Relâchetroduction des Mandians. Ils n'étoient plus ral des relivenerables comme autrefois par leur amour gieux. pour leur retraite, leur frugalité, leur défintereffement la plûpart s'abandonnoient à l'oifiveté & à la molleffe, les études mêmes qu'ils prétendoient avoir fubftituées au travail des mains,

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pas

mains, étoient chez eux fort languiffantes; en un mot, ils ne paroiffoient être d'une grande utilité à l'Eglife. On voïoit au contraire les Freres Mandians remplir les chaires des écoles & des Eglifes, & par leurs travaux infatigables, fuppléer à la negligence & à l'incapacité des Prélats & des autres pafteurs. Ce mépris excita les anciens moines à relever chez eux les études comme nous avons vû dans la fondation du college des Bernardins à Paris; & le Pape Benoist XII. dans fa bulle pour la reforme Hift. liv. des moines noirs s'étend beaucoup fur les étusciv. n.48. des.

Hft. liv.

LXXXII.2.

47.

LXXXI, 7. 12,

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Mais comme on n'imaginoit pas alors qu'on pût bien étudier ailleurs que dans les Univerfitez, on y envoïoit les moines ce qui fut

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une nouvelle fource de relâchement : par la diffipation des voïages, la frequentation inévitable des étudians feculiers peu reglez dans leurs mœurs pour la plûpart, la vanité du doctorat & des autres grades, & les diftinctions qu'ils donnent dans les monafteres. Or les moines en general non feulement de la grande regle, mais encore de Clugni & de Cifteaux étoient déja tombez dans un grand relâcheHift. liv. ment. On le voit par le concile de Cognac tenu en 1238. où il eft marqué que les moines & les chanoines reguliers recevoient en argent leur nourriture & leur veftiaire en forte que les places monacales étoient comme de petits benefices. Les moines fortoient fans permiffion, mangeoient en ville chez les feculiers & s'y cachoient. Ils avoient leur pecule en propre, empruntoient de l'argent en leur nom & fe rendoient cautions pour d'autres. Ils mangeoient de la viande, portoient du linge & couchoient dans des cellules ou chambres particulieres.

C'eft

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Ceft ici le lieu ce me femble d'examiner les caufes ou plûtôt les pretextes du relâchement des religieux dont un des plus communs & des plus fpecieux eft l'affoiblissement de la nature. Les corps, dit-on ne font plus tels qu'ils étoient il y a mille ans ou plus du tems de faint Antoine & de faint Benoift: les hommes ne vivent plus fi long-tems & n'ont plus la même force. C'eft un très-ancien préjugé & qui fe trouve dans Homere & dans Virgile mais ce n'eft qu'un préjugé non feulement fans preuve, mais détruit par des faits conftans. Du tems de Moïfe, il y a plus de trois mille ans, la vie humaine étoit bornée à cent ou fix vingts ans ; & toutefois dans un pfeaume qui porte fon nom, elle eft Pf. 89. 10. réduite à foixante & dix ou quatre vingt ans. Parcourez toutes les hiftoires vous n'y trouverez prefque perfonne qui ait plus vécu de-. puis trois mille ans, fi ce n'eft les anciens moines; & pour nous réduire à la France depuis treize cens ans que dure la monarchie aucun de nos rois n'a tant vêcu que le dernier.

mort.

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Il faut donc renoncer à ce préjugé popu laire, qui a produit tant de relâchement non feulement chez les religieux, mais dans toute l'Eglife. De cette erreur eft venuë la liberté que l'on s'eft donnée d'avancer de quatre ou cinq heures l'unique repas du Carême, & d'y en ajoûter un fecond. Dès le douziéme fiecle Pierre le Venerable voulant excufer le relâchement de l'observance de Clugni, difoit que la nature humaine eft affoiblie depuis le tems de Hift. liv. faint Benoift, & toutefois faint Bernard dans le LxvII. . même tems, témoigne que tous les fidéles jeû, so. noient encore le Carême jufques au foir. Cependant fur ce faux préjugé on a avancé le repas

*.*

de

comme il étoit du tems de

de vêpres à none,

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S. Th. 2.2. faint Thomas d'Aquin & de none à midi 2.147.4.7.comme il eft encore: fans qu'aucune communauté religieufe pour auftere qu'elle foit ait gardé l'ancien ufage.

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La caufe la plus generale du relâchement des religieux, eft la legereté de l'efprit humain, & la rareté d'hommes fermes & conftans, qui perfeverent long-tems dans une même refolution. Ceft la raifon des voeux introduits fi fagement pour fixer l'inquietude naturelle, qui font l'effentiel de la profeffion religieufe. Ör afin que ces vœux ne fuffent pas temeraires on avoit ordonné avec la même fageffe de S.Th. 2. 2. rigoureufes épreuves. Loin d'attirer les fecu9.189.art.9.liers à la vie religieufe, comme on a cru non Caff. IV. feulement permis, mais meritoire dans les derniers tems les anciens emploïoient tous les moyens capables de rebuter ceux dont la vo cation n'étoit pas folide; & faint Benoist l'ordonne expreffement. C'eft qu'il n'eft pas neceffaire qu'il y ait des religieux dans l'Eglife; mais s'il y en a, ils doivent tendre à la per fection, il ne leur eft plus permis d'être des Chrétiens mediocres.. Le bienheureux Guigues: 1.80.7.12. Chartreux avoit raifon de dire : S'il eft vrai que la HA. liv. voïe qui mene à la vie eft étroite, & que peu de XVII. n. gens la trouvent: l'inftitut religieux qui admet

Inft. 1.3.
Reg. c. 5.8.

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fe moins de fujets eft le meilleur & le plus fublime; & celui qui en admet le plus, eft le moins eftimable.

Un moine relâché eft donc un homme qui fe contredit perpetuellement. Il a promis à Dieu de vivre dans la retraite & le filence; & il cherche les compagnies & les converfations: il demande des nouvelles & en debite lui-même. Il a promis de garder une exacte pauvreté & fe reduire au neceffaire, toutefois il est bien-aise

d'avoir

d'avoir en fon particulier quelque livre, quelque petit meuble, quelque peu d'argent, une chambre plus propre & plus commode qu'un autre. Il affifte à l'office; mais il aime les occafions de s'en difpenfer, & l'expedie promptement, comme s'il avoit à faire enfuite quelque chofe de plus important. Et je ne parle point des relâchemens plus fenfibles: des religieux qui femblent avoir honte de leur habit & de leur profeffion; & fe déguifent pour approcher autant qu'ils peuvent de l'exterieur des feculiers qui font les agréa bles &, les bons compagnons dans les repas & les voïages, & fe font rechercher pour les parties de plaifir.

ner,

D'autres plus ferieux prétendent fe diftinguer par des talens finguliers: Pun fait des fecrets in connus à toute la faculté de medecine, l'autre excelle dans les mathematiques, l'architecture ou quelque autre art, qui le fait rechercher : l'autre enfin entend la conduite des affaires, foit publiques foit particulieres, il eft capable de gouver non-feulement des familles, mais des états,. ou du moins il le croît être. Tous ces gens-là ce me femble font du nombre de ceux qui regardent derriere, après avoir mis la main à la cha ruë. Car pourquoi quitter le monde & y rentrer enfuite par tant de portes? Un vrai moine ne cherche qu'à oublier le monde & en être entie-rement oublié, & tout autre religieux à proportion.

Je compte entre les caufes du relâchement; les récreations introduites dans les derniers S. Th.. Introd.S.Ft.

tems car la regle de faint Benoît n'en dit pas S. un mot, ni aucune autre ancienne regle que je fache. Cet ufage femble fondé fur l'opinion. de quelques theologiens modernes, qui ont cru que la converfation libre & gaïe étoit un foulagement neceffaire après l'application d'ef **6

prit

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