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lerent le nonce, & pour réponse ils lui dirent AN.1359.que le clergé ne pouvoit donner un fubfide fi extraordinaire; & que l'Empereur étoit fur tout indigné, de ce que le Pape s'adreffoit aux Allemans plûtôt qu'aux autres nations de l'Europe pour leur impofer cette charge. Il dit donc au nonce avec émotion; Seigneur Evêque, d'où vient que le Pape demande au clergé tant d'argent, & ne fonge point à le reformer? Vous voïés comme ils vivent, quelle eft leur hauteur leur avarice, leur luxe, leurs delices.

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L'Empereur parlant ainfi remarqua dans l'affemblée Conrad de Falqueiftein chanoine de Maïence, qui avoit été coadjuteur de l'Arche-. vêque Henri, & depuis fut Archevêque de TreSup. n. 20. ves. Il portoit fur la tête un chaperon magnifique orné d'or & de pierreries, que l'Empereur mit fur la fienne, & donna à Conrad fon chaperon qui n'étoit que d'un fimple drap. Puis il dit aux Seigneurs Que vous en femble? Suis-je pas avec ce chaperon plus femblable à un chevalier qu'à un chanoine? Et aiant repris fon chaperon il dit à Gerlac Archevêque de Maïence: Nous vous ordonnons par la foi que vous nous devés de reformer vôtre clergé felon les canons; & quant aux rebelles & aux défobéïffans, vous faifirés les fruits de leurs benefices pour être appliqués à nôtre fifc: vous pourrés même, s'il eft befoin, emprifonner les oppofans. Il donna le même ordre aux autres Evêques du

roiaume.

Le nonce Philippe aiant reçu cette réponse negative, & voïant le clergé d'Allemagne réuni contre le Pape, s'embarqua huit jours après avec fes domestiques, & defcendit à Cologne par le Rein, d'où il retourna à Avignon. Le Pape aïant appris le peu de fuccès de fa negociation,

& ne voulant pas en avoir entierement le démenti, envoïa des nonces prefque par toute l'Alle- AN.1359. magne avec ordre de recueillir la moitié du revenu de tous les benefices vacans alors, & qui vaqueroient pendant deux ans & les referver au profit de la chambre apoftolique.

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Le déreglement du clergé d'Allemagne venoit en partie des guerres civiles & du fchifme que fomenta Louis de Baviere. Or l'Empereur Charles y voulant remedier, outre les ordres donnés verbalement à la diéte de Maïence, écrivit encore aux Prélats, menaçant de faire mettre en fequeftre les revenus ecclefiaftiques par les mains Rain.1359. des princes feculiers. Sur quoi le Pape lui écrivit ainfi: Nous loüons vôtre zele; mais prenés garde que ce que vous faites à bonne intention, ne nuife à la dignité du faint Siege & à la liberté ecclefiaftique. C'eft pourquoi nous vous prions de vous abftenir de ces menaces de fequeftre, & fi elles ont eu quelque effet, de le reparer: mais excités les Prélats que vous y jugerés les plus propres à faire leur devoir contre ce clergé, comme nous les y exhorterons de nôtre côté. La lettre eft du vingtiéme d'Avril.

Le Pape écrivit effectivement fur ce fujet aux Archevêques de Cologne, de Maïence, de Treves, de Breme & de Salsbourg. La lettre eft du vingt-neuvième du même mois d'Avril, & le Pape y dit: Nous avons appris depuis peu qu'en Allemagne quelques ecclefiaftiques, même des Evêques s'abandonnent à leurs paffions, & imitent les feculiers, prenant part aux joutes, aux tournois & aux autres exercices militaires : qu'ils por-/ tent des habits, des fouliers & des ornemens qui leur font défendus, & diffipent ainfi les biens des pauvres au grand fcandale du peuple. C'eft pourquoi nous vous exhortons & vous enjoignons de reprimer ces excès en toutes perfonnes ecclefiaftiH 2 ques

ques de quelque rang & dignité qu'elles foient, AN.1359. & de les faire vivre fuivant la gravité & la modeftie de leur profeffion. Vous ordonnerés aux Evêques vos fuffragans de veiller de même fur la conduite du clergé qui leur eft foûmis.

Conftitu

tion de

l'Empe

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L'Empereur de fon côté publia une constituXXXIX. tion pour la confervation des droits de l'Eglife où il dit: Les chapitres de Magdebourg, de Maïence & de Cologne se font plaints à nous que reur pour quelques Ducs, Comtes, Barons & autres Seile clergé Gold.conflit. gneurs temporels, quelques confuls & recteurs to. 2, p. 92, des villes & des bourgades ont fait des ftatuts &

des ordonnances contre les perfonnes ecclefiaftiques & contre les droits, la liberté & les privileges des Eglifes: par exemple qu'aucuns biens temporels ne puffent être transferés au pouvoir de l'Eglife; que les clercs in facris ne foient point reçus à poftuler ou porter témoignage dans les affaires civiles, principalement en caufes pieufes; & que les laïques excommuniés & denoncés ne foient point exclus de comparoître en cour laïque. De plus ces feigneurs & ces magiftrats faififfent & arrêtent le bien des clercs, diminuent & reftraignent les oblations des fidéles, extorquent des tailles & d'autres exactions fur les biens ecclefiaftiques, pillent & brûlent les maifons & les terres; refufent d'enregistrer & feller les contrats legitimes paffés entre les clercs & les laïques: ils ufurpent les donations & les legs faits aux fabriques, & tirent des Eglifes & des cimetieres ceux qui s'y refugient. C'eft pourquoi nous caffons & annullons tous ces ftatuts & ces reglemens ordonnant fous peine du ban de l'empire à tous feigneurs & magiftrats de ces provinces de les revoquer & fupprimer. Nous declarons auffi que quiconque aura défié, pris ou detenu en prifon, fpolié, tué ou mutilé un prêtre ou un clerc outre les peines canoniques fera declaré

infame & exclus de toute affemblée des nobles. Donné à Prague le treiziéme d'Octobre l'an 1359. AN.1359. indiction douzième.

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Pierre Thomas évêque de Patti nonce du Pa- XL. pe à C. P. y étant arrivé & n'y trouvant point, Suite de 'Empereur jean Paleologue qui étoit à la guer- de Pierre la legation re, alla le trouver à fon armée & en fut reçu Thomas. avec grand honneur & défraïé liberalement : Sup. n.28. mais l'Empereur ne fit pas fi-tôt réponse à la let- Vita .5. ap. Boll. 29. tre du Pape, étant occupé des affaires de la guer- Janv. to. 2. re. Il promit cependant de faire dépofer le pa- p. 1000. triarche Grec, c'eft Callifte, ennemi de l'union des Eglifes, & d'en faire élire un autre, & il communia de la main du nonce, Puis étant de retour à C. P. il écrivit au Pape une lettre, où il dit en fubftance: Nous travaillons avec tout le foin poffible à la réunion de nôtre Eglife avec la fainte Eglife Romaine & par le confeil des grands nous avons répondu au Seigneur Pierre vôtre nonce, que comme nous l'avons promis, nous voulons être obéiffans, fidelés & devoués à l'Eglife Romaine, & nous en avons fait ferment entre fes mains en prefence de plufieurs Evêques. Mais je ne puis faire quant à prefent que tous mes fujets lui obéiffent, parce que tous ne me font pas fidéles & ne m'obéiffent pas à moi-même: au contraire plufieurs cherchent l'accafion de s'élever contre moi: mais j'accomplirai tout fi vous m'envoïés le fecours que j'ai demandé. Toute ma famille dès le commencement a voulu obéir à l'Eglife Romaine; & mon bifaïeul eft mort dans cette obéiffance. Il veut dire fon trifaïeul Michel Paleologue qui fit fa réunion au concile de Lion. La lettre continue: Je voulois vous envoïer mon fils le defpote, c'eft Manuel : mais LXXXVI.". le nonce ne l'a pas jugé à propos quant à prefent. J'efpere qu'il ira bien-tôt. Plût à Dieu que je pusle aller moi-même rendre à vôtre Sainteté, le

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44.

Sup. livi

refpect que je lui dois. Ne craignés rien du paAN.1359 triarche, je le depoferai, & en mettrai un autre que je fai être fidéle à l'Eglife Romaine. Je vous remercie de nous avoir envoïé un homme fi fage & fi prudent: il nous a fort confolés & tous les Grecs & les Latins, qui par fes instructions ont été convertis ou confirmés dans la vertu. Donné à C. P. au palais de Blaquernes l'an du monde 6866. le feptiéme de Novembre indiction onzieme, c'eft l'an de JESUS-CHRIST 1357.

Vita t. 6.

1001.

Le nonce Pierre Thomas aïant pris congé de l'Empereur Jean Paleologue paffa en l'île de Chipre, & arriva à Famagoufte, où il fut très-bien reçu par le roi Hugues de Lufignan, qui vintaudevant de lui, & le mena à Nicofie ville de fa refidence. Pierre y tomba malade, & la reine lui preparoit à manger de fes propres mains. Etant gueri il alla à Jerufalem, vifita les lieux Saints, & prêcha publiquement fans craindre les Sarafins. Ce que le fultan d'Egypte aïant fu après le départ du faint Evêque, il fit couper la tête à l'émir de *. 7. Jerufalem pour l'avoir laifle aller. L'Evêque Pierre revint enfuite à Avignon où le Pape Innocent bien informé de fon merite lui donna la legation univerfelle de Chipre & des provinces voisines. La Rain 1359. bulle eft du onziéme Mai 1359. & pour mieux foûtenir fa dignité le Pape le transfera à l'évêché de Coron en Morée, plus proche des païs de fa legation, & plus riche que celui de Patti en SiRocche Pier- cile dont il pourvut jean Graffée de l'Ordre p.40.404. des freres Mineurs.

n. 16.

Le même jour onzième de Mai le Pape donna une autre bulle adreffée au même legat, au patriarche Latin de C. P. aux Archevêques du refte de la Romanie, de Chipre, de Crete, de Smirne, & à leurs fuffragans par laquelle il leur reprefente les progrès des Turcs & les ravages qu'ils font dans la Chrétienté. Il conclut en ordonnant

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