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d'une auffi grande autorité que la vôtre, moi qui n'ai encore aucun nom dans les Lettres, & qui dois par confequent me défier de ces premiers mouvemens que l'amour des Sciences infpire à ceux qui commencent à s'y appliquer. Sans cela on pourroit justement m'accufer de quelque temerité, d'avoir entrepris de découvrir dans cette matiere ce que tant de fçavans Auteurs n'ont pas découvert ; & je craindrois de m'être laisse tromper par ces illufions flateufes de la nouveauté, qui abusent d'ordinaire les hommes, lorfqu'ils fe piquent d'avoir des opinions particulieres. Je puis dire néanmoins, MESSIEURS, que ce n'est pas l'ambition de me Signaler par des idées extraordinaires qui m'a pouffé à écrire ce petit Traité; c'est un effai que j'ai voulu faire de mes forces pour être connu de vous, & pour vous donner occafion de m'encourager dans l'étude que j'ai embraffée. Si je n'ai pas tout ce qui eft neceffaire pour inftruire les autres, j'ai du moins toute la docilité qu'il faut pour être inftruit je ne me flatte point auffi d'avoir établi des principes certains dans ce Projet, ni d'en pouvoir tirer des confequences infaillibles. Vous en jugerez mieux que perfonne, MESSIEURS, VOUS qui pénetrez fi avant dans les Sciences les plus relevées. On fait que rien n'échappe à vos foins & à votre exactitude. La Nature fi avare aux autres de fes tréfors,

fi obstinée à fe cacher, n'a pû se défendre contre la

pénétration de votre efprit, & contre la fubtilité de vos recherches: Vous en avez plus découvert en vingt ans, qu'on n'avoit fait en plufieurs fiecles. Vos Obfervations Aftronomiques ont dévoilé ( pour ainfi dire) des Planettes qui fe déroboient à nos yeux; vos mefures fi précises fur la terre, par rapport à celles que vous preniez en même tems dans le Ciel, ont rectifié mille erreurs de nos anciens Géographes. La Phyfique vous doit ce qu'elle a de plus curieux, foit dans la diffection du Corps humain des Animaux, foit dans la defcription des

dans l'analyse des Plantes, des Eaux Mineraux. Que ne vous doivent point auffi les Mathématiques en général pour tant d'Ouvrages célebres que vous avez mis au jour ? Enfin il n'y a point de Science que vous n'ayez perfectionnée, & que vous n'enrichiffiez de tems en tems par vos travaux. Que n'attend-t'on pas encore de vous, animez comme vous êtes par les bienfaits d'un Grand Roy, qui veut rendre fon Regne auffi glorieux par les Sciences & par les Arts, qu'il l'eft déja par fes prodigieufes Conquêtes, & Les héroïques actions? A quoi ne devez-vous pas afpirer vous-mêmes aujourd'hui fous la protection d'un Miniftre si fage & fi vigilant, qui excite tout le monde par fes ordres par fon exemple à illuftrer & à célebrer un Regne fi plein de merveilles? Souffrez donc MESSIEURS, s'il vous plaît, vous qui êtes comme

à la fource de toutes les Sciences humaines, & à qui rien ne manque pour continuer vos recherches, & pour augmenter vos connoissances, que j'ofe vous offrir & mettre au jour ce que j'ai puifé dans cette fource ; & qu'en effayant de vous fuivre & de vous imiter, je puiffe quelquefois profiter de vos lumieres, & vous affûrer que je fuis avec une parfaite vénération,

MESSIEURS,

Votre très-humble & très-
obéiffant ferviteur,

VARIGNON,

PREFACE.

PREFACE

L'ouverture du fecond Tome des Lettres de M. Defcartes, je tombai fur un endroit de la 24. où il dit que c'est une chofe ridicule, que que de vouloir employer la rai fon du Levier dans la Poulie. Cette réflexion m'en fit faire une autre ; fçavoir, s'il eft plus raisonna-> ble de s'imaginer un Levier dans un poids qui eft fur un plan incliné, que dans une Poulie. Après y avoir penfé, il me fembla que ces deux Machines étant pour le moins auffi fimples que le Levier, elles n’en devoient avoir aucune dépendance, & que ceux qui les y rapportoient, n'y étoient forcez, que parce que leurs principes n'avoient pas affez d'étendue pour en pouvoir démontrer les proprietez indépendamment les unes des au

tres.

En effet en examinant ces principes un peu de près, il me parut qu'ils ne pouvoient servir tout au plus qu'à démontrer que l'équilibre fe trouve coû jours dans un Levier auquel font appliquez deux poids! qui font entr'eux en raifon reciproque des diftances de leurs lignes de direction à fon point d'appuis encore n'étoit ce qu'en ce cas: 1°. Que ce Levier fut droit. 2°. Que fon point d'appui fût entre les lignes de direction. des poids qui y font appliquez, 3°. Que ces mêmes lignes

Tome I.

LT AT
LUCO

fuffent paralleles entr'elles, perpendiculaires à ce Levier. Auffi Guid-Ubalde, & les autres qui s'en tiennent à la démonftration d'Archiméde, ontils été obligez de faire revenir de gré ou de force toutes fortes de Machines à cette efpece de Levier, & de réduire de même tous les autres cas à celui ci..

C'eft peut être ce qui a porté M. Defcartes & M. Wallis à prendre une autre route. Quoi qu'il en foit, ce n'a pas été fans fuccès; puifque celle qu'ils ont fuivie, conduit également à la connoiffance des ufages de chacune de ces Machines fans être obligé de les faire dépendre l'une de l'autre, outre qu'elle a mené M. Wallis beaucoup plus loin qu'aucun Auteur, que je fçache, n'eût. encore été de ce côté-là.

La comparaifon que je fis de ces deux fortes de Principes, me fit fentir. que ceux d'Archimédé n'étoient ni fi étendus, ni fi convainquans que ceux de M. Defcartes & de M. Wallis; mais je ne fentis point que les uns ni les autres m'éclai raffent beaucoup. J'en cherchai la raison, & ce défaut me parut venir de ce que ces Auteurs fe font tous plus attachez à prouver la neceffité de l'équilibre, qu'à montrer la maniere dont il fe fait.

Ce fut ce qui me fit prendre le parti d'épier. moi-même la nature, & d'effayer fi en la fuivant pas à pas, je ne pourrois point appercevoir.com-ment elle s'y prend, pour faire que deux puif fances, foit égales, ou inégales, demeurent en

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