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promis. Nous irons, où il vous plaira continuer nos obfervations. Nous fommes ici dans un endroit propre à cela, répondit l'Esprit. Il y a dans ces prifons, un grand nombre de coupables, & d'innocens. C'eft un féjour qui fert à commencer le châtiment des uns & à purifier la vertu des autres. Il faut que je vous montre quelques prifonniers de ces deux efpéces, & que je vous dife pourquoi on les retient dans les fers.

CHAPITRE VII.

Des Prifonniers.

Avant que j'entre dans ce détail, ob

fervez un peu les Guichetiers qui font à l'entrée de ces horribles lieux. Les Poëtes n'ont mis qu'un cerbére à la porte de leurs Enfers: il y en a ici bien davantage, comme vous voyez. Ces Guichetiers font des hommes qui ont perdu tout fentiment humain. Le plus méchant de mes Confréres pourroit à peine en remplacer un. Mais je m'aperçois, ajoûta-t'il, que vous confidérez avec horreur ces chambres où il n'y a pour tous

meubles

meubles que des grabats: ces cachots affreux vous paroiffent autant de tombeaux : vous êtes justement étonné de la mifére que vous y remarquez, & vous déplorez le fort des malheureux que la Juftice y retient. Cependant, ils ne font pas tous également à plaindre. C'est ce que nous allons examiner.

Premiérement, il y a dans cette grande chambre à droite, quatre hommes couchez dans ces deux mauvais lits. L'un eft un Cabaretier accufé d'avoir empoifonné un Etranger qui creva l'autre jour dans fa taverne. On prétend, que la qualité du vin a fait mourir le défunt; l'Hôte foutient que c'eft la quantité; & il fera cru en Juftice, car l'Etranger étoit Allemand. Eh! qui a raison, du Cabaretier, ou de fes accufateurs, dit Don Cléofas? La chofe eft problématique, répondit le Diable. Il est bien vrai, que. le vin étoit frelaté; mais, ma foi, le Seigneur Allemand en a tant bu, que les Juges peuvent en confcience remettre en liberté le Cabaretier.

Le fecond Prifonnier eft un affaffin de profeffion, un de ces fcélérats qu'on apelle Valientes, & qui, pour quatre ou cinq piftoles, prêtent obligeamment leur miniftére à tous ceux qui veulent

faire cette dépense pour fe débarraffer de quelqu'un fecrettement. Le troifiéme, un Maître à danfer, qui s'habille comme un Petit-Maître, & qui a fait faire un mauvais pas à une de fes Ecoliéres. Et le quatrième, un Galant qui a été furpris la femaine paffée par la Ronda, dans le tems qu'il montoit par un balcon à l'apartement d'une femme qu'il connoît, & dont le mari eft abfent. Il ne tient qu'à lui de fe tirer d'affaire, en déclarant fon commerce amoureux; mais il aime mieux paffer pour un voleur & s'expofer à perdre la vie, que de commettre l'honneur de fa Dame.

Voilà un Amant bien difcret, dit l'Ecolier! Il faut avouer que notre Nation l'emporte fur les autres, en fait de galanterie. Je vais parier, qu'un François, par exemple, ne feroit pas capable, comme nous, de fe laiffer pendre par difcrétion. Non, je vous affure, dit le Diable: il monteroit plûtôt exprès à un balcon, pour deshonorer une femme qui auroit des bontez pour lui.

Dans un Cabinet auprès de ces quatre hommes, poursuivit-il, eft une fameufe Sorcière, qui a la réputation de fçavoir faires des chofes impoffibles. Par le pouvoir de fon Art, de vieilles Douairiéres Tome I. F

trou

trouvent, dit-on, de jeunes gens qui les aiment but à but; les maris deviennent fidèles à leurs femmes; & les coquettes véritablement amoureufes des riches Cavaliers qui s'attachent à elles. Mais il n'y a rien de plus faux que tout cela. Elle ne poffede point d'autre fecret que celui de perfuader qu'elle en a, & de vivre commodément de cette opinion. Le Saint Office reclame cette créaturelà, qui pourroit bien être brûlée au premier Acte de Foi.

ne,

Au-deffous du cabinet, il y a un cachot noir qui fert de gîte à un jeune Cabaretier. Encore un Hôte de tavers'écria Léandro! Ces fortes de gens-là veulent-ils donc empoifonner tout le monde? Celui-ci, reprit Afmodée, n'eft pas dans le même cas. On arrêta ce miférable avant- hier, & l'Inquifition le reclame auffi. Je vais en peu de mots vous dire le fujet de fa détention.

2

Un vieux Soldat, parvenu par fon courage, ou plûtôt par fa patience, à l'emploi de Sergent dans fa Compagnie vint faire des recrues à Madrid. II alla demander un logement dans un cabaret. On lui dit qu'il y avoit à la vérité des chambres vuides, mais qu'on ne pou

voit lui en donner aucune " parce qu'il revenoit toutes les nuits dans la maifon un Esprit qui maltraitoit fort les Etrangers, quand ils avoient la témérité d'y vouloir coucher. Cette nouvelle ne rebuta point le Sergent: Que l'on me mette, dit-il, dans la chambre qu'on voudra. Donnez-moi de la lumiére, du vin, une pipe & du tabac; & foyez fans inquiétude fur le refte. Les Esprits ont de la confidération pour les gens de guerre, qui ont blanchi fous le harnois.

On mena le Sergent dans une chambre, puifqu'il paroiffoit fi réfolu, & on lui porta tout ce qu'il avoit demandé. Il fe mit à boire & à fumer. Il étoit déja plus de minuit que l'Efprit n'avoit point encore troublé le profond filence qui régnoit dans la maison. On eût dit qu'effectivement il refpectoit ce nouvel hôte. Mais entre une heure & deux, le grivois entendit tout à coup un bruit horrible, comme de férailles, & vit bien-tôt entrer dans fa chambre un fantôme épouvantable, vêtu de drap noir, & tout entortillé de chaînes de fer. Notre fumeur ne fut pas autre. ment ému dans cette aparition. Il tira fon épée, s'avança vers l'Esprit, & lui

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