rel, sentit quelques mouvemens de compaffion, & dit à Don Kimen, qu'il voyoit accablé de douleur : Seigneur Cavalier, ne desespérez point de la guérifon de votre Dame. Vous avez à Siguença des Docteurs en Médecine, qui pourront en venir à bout par leurs remédes; mais ne nous arrètons pas ici plus long-tems. Vous, Seigneur Hubert du Lion, ajoûta-t'il en parlant à Julio, vous qui sçavez où sont les ecuries de ce Château, menez-y avec vous Antifort & les deux fils du Marquis Olivier. Choisiffez les meilleurs Coursiers, & les mettez au Char de la Princesse. Je vais pendant ce tems-là dresser mon Procès verbal. En disant cela, il tira de ses poches une écritoire & du papier; & après avoir écrit tout ce qu'il voulut, il presenta la main à Angélique, pour l'aider à descendre dans la Cour, où, par les foins des Paladins, il se trouva un carosse à quatre mules prêt à partir. Il monta dedans, avec la Dame & Don Kimen; & il y fit entrer auffi la Duegne, dont il jugea que le Corrégidor feroit bien aise d'avoir la déposition. Ce n'est pas tout, par ordre du Chef de la Brigade, on chargea de chaînes Julio, & 1 & on le mit dans un autre carosse, auprès du corps de Don Guillem. Les Archers remontérent ensuite sur leurs chevaux; après quoi, ils prirent tous ensemble ia route de Siguença. par vos La fille de Stephani dit en chemin mille extravagances, qui furent autant de coups de poignard pour fon Amant. Il ne pouvoit fans colére envisager la Duegne: C'est vous, cruelle vieille, lui disoit-il, c'est vous qui, persécutions, avez pouffé à bout Emerenciana, & troublé son esprit. La Gouvernante se justifioit d'un air hypocrite & donnoit tout le tort au défunt. C'est au seul Don Guillem, répondit - elle, qu'il faut imputer ce malheur. Ce pere trop rigoureux venoit chaque jour effrayer sa fille par des menaces qui l'ont fait enfin devenir folle. En arrivant à Siguença, le Commandant alla rendre compte de fa commiffion au Corrégidor, qui fur le champ interrogea Julio & la Duegne, & les envoya dans les prisons de cette Ville, où ils font encore. Ce Juge reçut auffi la déposition de Lizana, qui prit enfuite congé de lui pour se retirer chez son pere, où il fit fuccéder la joye à la tristeffe & à l'inquiétude. Pour Dona Emerenciana, le Corregidor eut soin de la faire conduire à Madrid, où elle avoit un Oncle du côté maternel. Ce bon Parent, qui ne demandoit pas mieux que d'avoir l'administration du bien de sa Niéce, fut nommé son Tuteur. Comme il ne pouvoit honnêtement se dispenser de paroître avoir envie qu'elle guérit, il eut recours aux plus fameux Médecins : mais il n'eut pas fujet de s'en repentir, car après avoir perdu leur Latin, ils déclarérent le mal incurable. Sur cette décision, le Tuteur n'a pas manqué de faire enfermer ici la Pupille, qui, suivant les aparences, y demeurera le reste de ses jours. La triste destinée, s'écria Don Cléo fas! J'en suis véritablement touché. Dona Emerenciana méritoit d'ètre plus heureuse. Et Don Kímen, ajouta-t'il, qu'est-il devenu? Je suis curieux de sçavoir quel parti il a pris. Un fort raifonnable, répartit Afmodée. Quand il a vu que le mal étoit sans reméde, il est allé dans la nouvelle Espagne: il espére qu'en voyageant, il perdra peu à peu le souvenir d'une Dame que fa raison & fon repos veulent qu'il oublie Mais, poursuivit le Diable, après vous ... avoir montré les Fous qui sont enfermés, il faut que je vous en fasse voir qui mériteroient de l'ètre. CHAPITRE X. Dont la matière est inépuisable. REgardons du côté de la Ville, & à mesure que je découvrirai des sujets dignes d'être mis au nombre de ceux qui font ici, je vous en dirai le caractére. J'en vois déja un que je ne veux pas laisser échaper. C'est un nouveau marié. Il y a huit jours que, fur le raport qu'on lui fit des coquetteries d'une Avanturiére qu'il aimoit, il alla chez elle plein de fureur, brifa une partie de ses meubles, jetta les autres par les fenêtres; & le lendemain, il l'époufa. Un homme de la forte, dit Zambulo, mérite assurément la premiére place vacante dans cette maifon. Il a un voisin, reprit le Boiteux, que je ne trouve pas plus sage que lui. C'est un garçon de quarante-cinq ans, qui a de quoi vivre, & qui veut se mettre au service d'un Grand. J'aperçois la Veuve Veuve d'un Jurisconsulte. La bonne Dame a douze lustres accomplis. Son mari vient de mourir. Elle veut se retirer dans un Couvent, afin, dit-elle, que sa réputation soit à l'abri de la médisance. Je découvre aussi deux Pucelles, ou pour mieux dire, deux filles de cinquante ans. Elles font des vœux au Ciel, pour qu'il ait la bonté d'apeller leur pere, qui les tient enfermées comme des Mineurs. Elles espérent, qu'après la mort, elles trouveront de jolis hommes qui les épouferont par inclination. Pourquoi non, dit l'Ecolier? Il y a des hommes d'un goût si bizarre! j'en demeure d'accord, répondit Asmodée. Elles peuvent trouver des épouseurs: mais elles ne doivent pas s'en flâter. C'est en cela que consiste leur folie. Il n'y a point de Pays où les femmes se rendent justice sur leur âge. Il y a un mois, qu'à Paris une fille de quarante-huit ans, & une femme de foixanteneuf allérent en témoignage chez un Commissaire, pour une Veuve de leurs amies dont on attaquoit la vertu. Le Commissaire interrogea d'abord la femme mariée & lui demanda fon âge. Quoiqu'elle eut son Extrait baptiftére , |