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qu'un homme.... Oui, vous le fouffrirez, interrompit la Gouvernante; n'eft pas une chofe fi extraordinaire que vous vous l'imaginez. Cela arrive tous les jours; & plût au Ciel que toutes les filles qui reçoivent de pareilles vifites euffent des intentions auffi bonnes que les vôtres! D'ailleurs,' qu'avez-vous à craindre? Ne ferai-je pas avec vous? Si mon pere venoit nous furprendre, reprit Léonor? Soyez encore en repos là-deffus, répartit la Dame Marcelle. Votre pere a l'efprit tranquile fur votre conduite. Il connoît ma fidélité. Il a une entiére confiance en moi. Léonor, fi vivement pouffée par la Duegne, & preffée en fecret par fon amour, ne pût réfifter plus longtems. Elle confentit à ce qu'on lui propofoit.

Le Comte en fut bien-tôt informé. Il en eut tant de joye, qu'il donna fur le champ à fon Agente cinq cens piftoles, avec une bague de pareille valeur. La Dame Marcelle voyant qu'il tenoit fi bien fa parole, ne voulut pas être moins exacte à tenir la fienne. Dès la nuit fuivante, quand elle jugea que tout le monde repofoit au logis, elle attacha à un balcon une échelle de foye, C 6

que

que le Comte lui avoit donnée, & fit entrer par-là ce Seigneur dans l'apartement de fa Maîtreffe.

Cependant, cette jeune perfonne s'abandonnoit à des réfléxions qui l'agitoient vivement. Quelque panchant qu'elle eut pour Belflor, & malgré tout ce que pouvoit lui dire fa Gouvernante, elle fe reprochoit d'avoir eu la facilité de confentir à une vifite qui bleffoit fon devoir. La pureté de fes intentions ne la raffuroit point. Recevoir la nuit dans fa chambre un homme qui n'avoit pas l'aveu de fon pere & dont elle ignoroit même les véritables fentimens, lui paroiffoit une démarche non-feulement criminelle, mais digne encore des mépris de fon Ámant. Cette derniére penfée faifoit fa plus grande peine, & elle en étoit fort occupée, lorfque le Comte entra.

Il fe jetta d'abord à fes genoux, pour la remercier de la faveur qu'elle lui faifoit. Il parut pénétré d'amour & de reconnoiffance. & il l'affora, qu'il étoit dans le deffein de l'époufer. Néanmoins comme il ne s'étendoit pas làdeffus autant qu'elle l'auroit fouhaité: Comte, lui dit-elle, je veux bien croire que vous n'ayez pas d'autres vûes que celles

celles-là; mais quelques affurances que vous m'en puiffiez donner, elles me feront toujours fufpectes, jufqu'à ce qu'elles foient autorifées du confentement de mon pere. Madame, répondit Belflor, il y a long-tems que je l'aurois demandé, fi je n'euffe pas craint de l'obtenir aux dépens de votre repos. Je ne vous reproche point de n'avoir pas encore fait cette démarche, reprit Léonor; j'aprouve même fur cela votre délicateffe: mais rien ne vous retient plus, & il faut que vous parliez au plûtôt à Don Luis; ou bien, réfolvez-vous à ne me revoir jamais.

Hé pourquoi, repliqua-t'il, ne vous verrois-je plus, belle Léonor? Que vous êtes peu fenfible aux douceurs de l'amour! Si vous fçaviez auffi bien aimer que moi, vous vous feriez un plaifir de recevoir fecrettement mes foins, & d'en dérober, du moins pour quelque-tems, la connoiffance à votre pere. Que ce commerce mystérieux a de charmes pour deux cœurs étroitement liez! İl en pourroit avoir pour vous, dit Léonor; mais il n'auroit pour moi que des peines. Ce rafine. ment de tendreffe ne convient point à une fille qui a de la vertu.

Ne me van

tez

tez plus les délices de ce commerce coupable. Si vous m'estimiez Vous ne me l'auriez pas propofé; & fi vos intentions font telles que vous voulez me le perfuader, vous devez, au fond de votre ame, me reprocher de ne m'en être pas offenfée. Mais, hélas! ajoûta-t'elle en laiffant échaper quelques pleurs, c'eft à ma feule foibleffe que je dois imputer cet ouvrage; je m'en fuis rendu digne, en faifant ce que je fais pour vous.

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Adorable Léonor, s'écria le Comte c'eft vous qui me faites une mortelle injure! Votre vertu trop fcrupuleufe prend de fauffes allarmes. Quoi! parce que j'ai été affez heureux pour vous rendre favorable à mon amour Vous craignez que je ne ceffe de vous estimer? Quelle injuftice! Non, Madame, je connois tout le prix de vos bontez. El les ne peuvent vous ôter mon eftime & je fuis prêt à faire ce que vous exigez de moi. Je parlerai dès demain au Seigneur Don Luis. Je ferai tout mon poffible , pour qu'il confente à mon bonheur. Mais je ne vous le céde point, j'y vois peu d'aparence. Que ditesvous, reprit Léonor avec une extrême furprife? Mon pere pourra - t'il

ne

ne pas agréer la recherche d'un homme qui tient le rang que vous tenez à la Cour? Eh! c'eft ce même rang, répartit Belflor, qui me fait craindre fes refus. Ce difcours vous furprend: vous allez ceffer de vous étonner.

Il y a quelques jours, pourfuivit - il, que le Roi me déclara qu'il vouloit me marier. Il ne m'a point nommé la Dame qu'il me destine; il m'a feulement fait comprendre, que c'eft un des premiers partis de la Cour, & qu'il a ce mariage fort à cœur. Comme j'ignorois quels pouvoient être vos fentimens pour moi, car vous fçavez bien que votre rigueur ne m'a pas permis jufqu'ici de les déméler, je ne lui ai laiffé voir aucune répugnance à fuivre fes volontez. Après cela, jugez, Madame, fi Don Luis voudra fe mettre au hazard de s'attirer la colére du Roi, en m'acceptant pour gendre.

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Non, fans doute, dit Léonor. Je connois mon pere. Quelque avantageufe que foit pour lui votre alliance, il aimera mieux y renoncer, que de s'expofer à déplaire au Roi. Mais quand mon pere ne s'opoferoit point à notre union, nous n'en ferions pas plus heureux; car enfin, Comte, com.

ment

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