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CHAPITRE IV.

Figure, Habillement,

Caractere "

Ufages, Mœurs, Arts & Langues

des Mexicains.

QUOIQUE

UOIQUE l'efpace d'environ deux fiécles n'ait pu mettre beaucoup de changement dans les Mexique, qualités naturelles des Mexicains; la domination & le commerce de l'Espagne ayant prefqu'entierement, changé leurs ufages, il n'eft pas furprenant qu'une fi grande révolution, dans leurs habitudes mórales, ait eu quelque influence fur le fond de leur caractere, & fur leur figure même, qui dépendent aflez fouvent, dans les hommes, des occupations & du genre de vie dans lefquels ils fe trouvent engagés. Auffi les peintures des Hiftoriens & des Voyageurs diffèrent-elles beaucoup, fuivant la différence des temps. On lit, dans les premieres Relations, que les hommes du Mexique étaient d'une taille médiocre, & plus gras que maigres; que la couleur de leur teint tirait fur celle du poil de lion; qu'ils avaient les yeux grands, le front large, les narine's fort ouvertes, les cheveux gros, plats & diver

fement coupés ; qu'ils étaient fans barbe, ou qu'ils Mexique. en avaient fort peu, parce qu'ils fe l'arrachaient, ou qu'ils s'oignaient la peau d'un onguent qui l'empêchait de fortir. H s'en trouvait peu d'auffi blancs que les Européens. Leur ufage commun était de le peindre le corps, & de fe couvrir la tête, les bras & les jambes, de plumes d'oiseaux, ou d'écailles de poiffon, ou de poils de tigres ou d'autres animaux. Ils fe perçaient les oreilles, le nez, & le menton même, pour y porter, dans de grandes ouvertures, des pierreries, ou de l'or, ou quelques offemens. On y voyait aux uns, les ongles & le bec d'un aigle; aux autres, les dents mâchelieres de quelqu'animal, ou des arêtes de divers poiffons. Les Seigneurs y portaient des pierres très-fines, & de petits ouvrages d'or d'un travail fort recherché.

La taille & la couleur des femmes étaient peu 'différentes de celles des hommes; mais elles entretenaient leurs cheveux dans toute leur lon

gueur, avec un foin extrême de les noircir, par diverfes fortes de poudre & d'onguent. Les femmes mariées fe les liaient autour de la tête, & s'en faifaient un nœud fur le front. L'ufage des filles était de les porter flottans, fur le fein & fur les épaules. A peine étaient-elles devenues meres, que leurs mammelles croiffaient, jufqu'à pouvoir en nourrir les enfans qu'elles portaient fur le

dos. Elles mettaient leur principale beauté dans

la petitefle du front ; &, par des onctions conti- Mexique, nuelles, elles faifaient croître leurs cheveux jufques fur les tempes. Il ne manquait rien à leur propreté. Elles fe baignaient fouvent ; & cette habitude était fi forte, qu'en fortant du bain chaud, elles entraient fans danger dans un bain froid, pour se farder enfuite avec un lait de grains & de femences, qui fervait moins à les embellir qu'à les garantir, par fon amertume, de la piquure des mouches, & d'autres infectes.

Le commun des Mexicains avait le corps & les pieds nuds, à l'exception des Soldats, qui, pour le rendre plus terribles, fe couvraient de la peau entiere de quelqu'animal, dont ils ajustaient même la tête fur la leur. Cette parure, avec un cordon de cœurs, de nez & d'oreilles d'hommes en bandouliere, terminée par une tête qu'ils y portaient fufpendue, leur donnait un air de férocité. Les Empereurs mêmes & les Seigneurs ne fe couvraient que d'une forte de manteau compofée d'une pièce de coton quarrée & nouée fur l'épaule droite. Ils avaient, pour chauffure, des fandales, affez semblables à celles que les Espagnols nomment apoftoliques. Sur la tête, ils ne portaient que des plumes, & quelques légers cordons qui fervaient à les foutenir. Les femmes du Peuple étaient auffi prefque nues, Elles avaient

e une espèce de chemife, à demi-manches, qui Mexique. leur tombait fur les genoux, mais ouverte fur

la poitrine, & fi mince, qu'étant ajustée for la peau, à peine en paraiffait-elle diftinguée. Elles ne portaient pas d'autres coëffures que leurs cheveux, fur quoi les Espagnols obferverent qu'elles avaient la tête plus forte & le crâne plus endurci que les hommes.

Si l'on confulte des relations plus modernes, tous les Mexicains, hommes & femmes, font naturellement d'une couleur brune. La plupart font d'affez haute taille, fur-tout dans les Provinces qui regardent le Nord. Ils fe garantiffent les joues du froid & de la piquure des mouches en fe frottant avec des herbes pilées. Ils fe barbouillent auffi d'une terre liquide, pour fe raffraîchir la têre, & fe rendre les cheveux noirs & doux. Leur habillement confifte aujourd'hui » dans un pourpoint court, & des haut-de-chauffes fort larges. Ils portent fur les épaules un man≫teau de diverfes couleurs, qu'ils appellent tilma, & qui, paffant fous le bras droit, fe lie fur l'épaule gauche par les extrémités. Ils font chauf fés; mais ils fe fervent de focs, au lieu de fou»liers. Jamais ils ne quittent leurs cheveux, quand »la pauvreté les obligerait d'être nus, ou de se couvrir de haillons. Les femmes portent le guaipil, qui eft une efpèce de fac fous la cobixa,

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fine étoffe de coton, à laquelle elles en ajoutent une autre fur les épaules, lorfqu'elles paraiffent Mexique en public. A l'Eglife, elles relevent la derniere »jufqu'à s'en couvrir la tête. Leurs jupes font étroites, ornées de figures de lions, d'oifeaux, nou de fleurs, & comme tapiffées, en plufieurs endroits, de belles plumes de canards. Les femmes des Métis, des Noirs & des Mulâtres, qui font en fort grand nombre, ne pouvant prendre l'habit Efpagnol, & dédaignant celui » des Américains, ont inventé le ridicule ufage » de porter une efpèce de jupe en travers, » fur les épaules & fur la tête. Mais leurs maris, & leurs enfans du même fexe, font parvenus, par degrés, à s'attribuer le droit de fuivre tous les ufages d'Espagne, &, fans pofféder aucun emploi, ils s'honorent entre eux du titre de Capitaine. »

Un des premiers Hiftoriens attribue aux femmes Mexicaines deux pernicieufes pratiques, dont la figure & la fanté de leurs enfans ne pouvaient manquer de fe reffentir. Pendant leur groffeffe, elles fe médicamentaient les unes & les autres avec différentes herbes, qui produisaient d'auffi mauvais effets fur les meres que fur le fruit qu'elles portaient dans leur fein; &, lorfque les enfans commençaient à voir le jour, non-feulement elles s'efforçaient de leur raccourcir la nuque du cou,

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