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CHAPITRE V.

Prife de Mexico.

LES MEXICAINS, informés depuis longtemps des préparatifs de Cortez, avaient des troupes nombreufes derriere une montagne voifine, dont plufieurs défilés rendaient le paffage fort difficile, fi ces Peuples avaient connu l'art des retranchemens. Deux mille Tlafcalans eurent ordre de nettoyer les chemins; &, pendant l'efpace de deux lieues, qui reftaient jufqu'au fommet de la montagne, on continua de marcher auffi tranquillement que fur les terres de Tlascala.

De la hauteur où l'on était parvenu, on découvrait dans l'éloignement, le grand lac de Mexico. Le Général ne manqua point d'exciter fes troupes par le fouvenir des richeffes qu'elles y avaient laiffées, & des injures qu'elles avaient à venger. La fumée qu'on remarquait dans les bourgades, & qui pallait fucceffivement de l'une à l'autre, fut prife pour un avis que les Mexicains fe donnaient de l'approche de l'armée. On

Cortez.

Cortez.

n'avança pas avec moins de réfolution, quoique par des chemins fort rudes, & dans l'épaiffeur des bois. Enfin l'armée ennemie s'offrit de loin dans la plaine. Les Espagnols poufferent des cris de joie, & les Tlafcalans entrerent dans une efpèce de fureur, que Cortez eut beaucoup de peine à modérer. L'ennemi était en bataille, audelà d'une grande ravine, formée par les eaux qui tombaient impétueufement des montagnes. On la paffait fur un pont de bois, que les Mexicains auraient pu rompre; mais Cortez apprit, dans la fuite, qu'ils l'avaient confervé dans le deflein d'attaquer les Efpagnols au paffage. Cependant, à peine eurent-ils reconnu la nombreuse armée qui les menaçait, que le courage paraiffant leur manquer pour la défenfe de leur pofte, ils firent leur retraite avec beaucoup de précipitation. Comme ils s'étaient dérobés prefque tout-d'uncoup, à la faveur des bois, fans qu'on pût juger fi ces apparences de crainte ne couvraient pas quelqu'artifice, Cortez ne diminua rien de fes précautions. Il fe crut fort heureux, en obfervant les bords efcarpés de la ravine, qu'on ne lui difputât point le paflage du pont. Sa Cavalerie, qu'il fit paffer la premiere, n'alla pas loin fans découvrir les ennemis. Ils s'étaient ralliés derriere les bois; mais l'approche des chevaux, & quelques décharges

décharges de l'artillerie, que Cortez avait fait pofter fur un bord élevé de la ravine, leur firent oublier toutes leurs rufes, pour s'abandonner à la fuite. Toute l'armée, ayant paflé le pont avant la nuit, fe logea dans un bourg désert, fans autre précaution, que de placer des corps-degarde à toutes les avenues.

Toujours prévenu par la fortune, Cortez n'eut pas befoin d'attaquer Tezeuco. Cacumatzin, Cacique de ce canton, dépofé par Motézuma, & rétabli par le nouvel Empereur, imagina de tendre un piége aux Espagnols, de leur ouvrir Tezeuco avec toutes les apparences de l'amitié, & d'y introduire, la nuit, les Troupes Mexicaines, pour les égorger pendant leur fommeil. Mais, quand il vit que Cortez, en acceptant fes offres, fe tenait toujours fur fes gardes, & entrait dans Tezeuco comme dans une Ville ennemie, la frayeur le faifit, il s'enfuit à Mexico, & il laiffa aux Espagnols une place importante, qui leur avait fi peu coûté.

Cortez y établit un nouveau Cacique, & Tezeuco devint une place de sûreté pour les fiens, & difputa toujours aux Tlafcalans l'honneur du zèle & de la fidélité.

Le nouveau Cacique, informé du projet de ses Alliés, qui était de rendre l'entrée du lac navi

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Cortez.

gable , pour les brigantins, employa fix ou fept Cortez. mille de fes fujets à donner plus de profondeur aux premiers canaux. Pendant ce travail, Cortez, dont tous les mouvemens fe rapportaient à fon expédition, réfolut d'attaquer la ville d'Iztacpalapa, avec une partie de fes troupes. Ce pofte étant avancé dé fix lieues, il lui parut important d'ôter leur principale retraite aux canots des Mexicains, qui venaient quelquefois troubler les travailleurs de Tezeuco, fans compter la nécessité de donner de l'exercice à fes troupes, pour lefquelles il craignait les dangers de l'inaction. On a déjà fait obferver qu'Iztacpalapa était affise sur la chauffée par où les Espagnols avaient fait leur premiere entrée, & dans une fituation fi bizarre, qu'une partie de fes maifons, qui montaient à plus de dix mille, étaient bâties dans le lac même, dont les courans s'introduisaient dans la Ville par des canaux fermés d'éclufes, qui lâchaient ou retenaient les eaux, fuivant le befoin des habi. tans. Cortez fe chargeant lui-même de cette entreprife, prit trois cens Efpagnols & dix mille Auxiliaires, dont Alvarado & d'Olid eurent le commandement fous fes ordres. Il s'engagea fur la chauffée, dans le deffein de former fon attaque par terre, & d'employer fon artillerie à déloger l'ennemi des autres poftes. En approchant de la Ville, fes premiers rangs découvrirent, à quelque

distance des murs, un gros de fept ou huit mille hommes, qui femblaient fortis pour les défendre, Cortez, & qui attendaient les Efpagnols avec affez de fermeté pour foutenir un combat de quelques momens. Enfuite, faisant leur retraite fans défordre jufqu'aux portes de la Ville, on fut furpris qu'au lieu de les fermer, ou de continuer le combat, ils fe jetterent tous dans le lac, en pouffant des cris, & fecouant leurs armes, avec autant de fierté qu'ils en avaient marqué dans l'action. Cortez jugea qu'une retraite de cette nature, couvrait quelque piége. Cependant, après avoir fait reconnaître la place avec toutes les précautions militaires, il réfolut d'y entrer. Les maisons fe trouverent abandonnées, & l'on n'entendait plus qu'un bruit confus fur le lac, dans un affez grand éloignement. L'approche de la nuit, qui ne permettait point aux Espagnols de courir les risques d'un nouveau combat, leur fit prendre le parti de fe loger dans un lieu dont on ne leur difputait point la poffeffion, & Cortez était déjà réfolu de garder ce pofte. Mais, quelques heures après, on s'apperçut que l'eau commençait à déborder les canaux, avec une impétuofité qui lui fit couvrir, en un moment, les plus baffes parties de la Ville. C'était le ftratagême que Cortez n'avait fait que preffentir, & qui réduifit la plupart de fes foldats à la néceffité de faire leur retraite

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