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ce, & qu'ils devoient veiller pendant que les tireurs & endoffeurs dormoient fur leur bonne foi; ainfi il eft juste que la fatalité tombe sur lesdits porteurs de lettre.

Mais il n'en eft pas de même à l'égard des porteurs de lettres qui n'ont pas fait faire les protefts dans les dix jours, & qui ne fe font pas pourvûs en recours de garantie contre les tireurs & endoffeurs, dans le tems porté par l'Ordonnance, quand ceux fur qui elles font tirées ont dit & déclaré lors des protests qu'ils ne peuvent payer le contenu aux lettres, parce qu'ils ne font point débiteurs des tireurs, & qu'ils ne leur ont point envoyé de provifion pour les payer; car la négligence des porteurs de lettres, ou la faveur qu'ils ont faite à ceux fur qui elles font tirées, ne porte aucun préjudice aux tireurs & endoffeurs, en ce qu'ils ne doivent rien aufdits tireurs, & qu'ils ne leur ont point envoyé de provision pour les payer & acquitter. Ainfi les tireurs & endoffeurs ne peuvent alleguer la fin de non-recevoir contre les porteurs de lettres, portée par l'Article XV. fans injustice; & fi cela avoit lieu, il s'enfuivroit que les tireurs auroient pour rien l'argent qu'ils ont reçu lors de la traite, & de même les endoffeurs celui qu'ils ont reçû de ceux au profit de qui ils ont paffé leurs ordres, & qui font porteurs des lettres. Or en France, & par tout ailleurs, l'on n'a rien pour rien, comme il a déja été dit fur la feconde queftion. Ainfi tout ce qui a été dit ci- deffus eft dans les regles de la juftice, & eft conforme à l'Article XVI. ci-devant allegué.

Sur la quatriéme Queftion.

Que les endoffeurs de lettres ne font & ne peuvent être exceptés de l'ufage, conformément à l'Article XVI. du Titre V. de l'Ordonnance, & qu'ils font tenus de même que les tireurs, à prouver en cas de négation, que ceux fur qui les lettres font tirées étoient redevables, ou avoient provifion au tems qu'elles ont dû être proteftées; finon ils doivent les garantir, parce qu'ils font tenus envers ceux au profit de qui ils ont paffé leurs ordres, aux mêmes garanties que les tireurs. La raifon eft qu'un ordre paffé au dos d'une lettre de change eft un Contrat de ceffion & tranfport d'argent, qui eft de la maniere que celui de la lettre de change; & pour le montrer il n'y a qu'à continuer l'exemple ci-devant rapporté fur la troifiéme queftion. Il a été dit que Pierre de la Ville de Paris, tire une lettre de change fur Jacques de la Ville de Rouen, de 600. livres, payable à Guillaume ou à fon ordre au 15. Mai, pour valeur reçue de lui en deniers comptans: ainfi au moyen des 600. livres que Guillaume a payées à Pierre, il eft certain que Pierre n'a plus rien en cette fomme, qu'elle appartient incommutablement à Guillaume, & que pour s'en faire payer par Jacques, fur qui elle est tirée, il eft fubrogé en tous les droits, noms, raifons & actions dudit Pierre. Ainfi Guillaume paffe fon ordre au dos de la lettre au profit de Simon, conçu en ces termes : Et pour moi payez les 600. livres mentionnées en l'autre part, au fieur Simon ou à fon ordre, valeur reçue dudit fieur en deniers comptans. Il eft certain que cet ordre eft une ceffion & tranfport qu'a fait Guillaume à Simon fur Jacques des 600. livres à lui appartenant, comme ayant droit par ceffion & tranfport qui lui en a été fait par Pierre, par la lettre de change qu'il a tirée fur ledit Jacques, & que ledit Simon eft fubrogé en tous

les droits, raisons & actions dudit Guillaume l'endoffeur, pour s'en faire payer par Jacques.

Cela fuppofé, fi Simon, au profit duquel l'ordre a été paffé par Guillaume, fait protefter la lettre fur Jacques, fur qui elle eft tirée faute de payement de 600. livres mentionnées en icelle dans les dix jours après celui de l'échéance, fuivant l'Article IV. du Titre V. de l'Ordonnance ci-devant alleguée, & qu'il ait retourné fur Guillaume l'endoffeur en recours de garantie dans le tems porté par l'Article XIII. il eft conftant que ledit Guillaume eft tenu à la garantie de fournir & faire valoir après un fimple proteft, qui eft que la lettre a dû être payée à fon échéance par Jacques, fans que Simon, porteur de la lettre, foit tenu de faire d'autre diligence, ni retourner fur Pierre le tireur, fi bon ne lui femble, parce qu'il n'a reconnu dans fa négociation que Guillaume l'endoffeur, qui eft fon cédant; & fuppofé que Simon voulût retourner fur Pierre le tireur, fon action en recours de garantie ne feroit qu'en exerçant les droits, noms, raifons & actions de Guillaume, qu'il a acquis de lui par le moyen de fon ordre, tout cela n'a jamais reçû de difficulté parmi les Marchands, Négocians & Banquiers.

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Mais fi lors du proteft de la lettre faute de payement, Jacques fur qui elle est tirée fait réponse qu'il ne doit rien à Pierre le tireur, & qu'il ne lui a point fait tenir aucune provifion pour la payer & acquitter, quoique Simon , porteur de la lettre, ne l'ait pas fait protefter dans les dix jours, fuivant l'Article IV. & qu'il ne fe foit pas pourvû en recours de garantie contre Guillaume fon endoffeur, dans le tems porté par l'Article XIII. en ce cas ledit Simon n'eft plus dans le tems, & n'est plus recevable fuivant l'Article XV. à intenter contre Guillaume fon action en recours de garantie de fournir & faire valoir & payer faute de payement à l'échéance après un fimple proteft; mais il peut intenter fon action contre Guillaume en recours de garantie de fes faits & promeffes, qui font que la fomme de 600. livres qu'il lui a cedée & tranfportée par le moyen de l'ordre qu'il a paffé à son profit, comme ayant droit par ceffion & tranfport de Pierre, porté par la lettre de change qu'il a tirée à fon profit fur ledit Jacques; ainfi il doit prouver fuivant l'Article XVI. que Jacques étoit débiteur de Pierre, lors de la traite faite fur lui; ou ne l'étant qu'il lui a fait tenir provifion au tems que le proteft a dû être fait : finon & à faute de ce faire, ledit Guillaume eft tenu de rendre à Simon les 600. livres portées par la lettre, fauf fon recours, fi bon lui femble, contre Pierre le tireur fon cédant.

pas,

Il feroit très-inutile à Guillaume l'endoffeur de fe fervir pour défenfes contre Simon le porteur, des moyens allegués dans les Mémoires ci-dessus par François l'endoffeur de la lettre de change en queftion, entre lui & Barthelemy porteur d'icelle, parce que les raifons fur lefquelles ils font fondés, ne font pas recevables; car encore qu'il foit vrai, fuppofé qu'à l'égard de la lettre Jacques fur qui elle elt tirée eût payé à Simon le 600. livres mentionnées en icelle, quoiqu'il ne dût rien à Pierre le tireur lors de la traite, ou qu'il ne lui eût point envoyé de provifion pour la payer & acquitter, n'auroit pû fe pourvoir que contre Pierre, pour fe faire rembourfer defdites 600. livres; parce que c'eft fur la bonne foi qu'il a fait honneur à fa lettre, & non contre Guillaume l'endoffeur; parce que ce n'eft point à fa confideration que Jacques a payé & acquitté la lettre à Simon,

qu'il en a fait le payement; ce n'eft pas à dire pour cela que Simon le porteur n'eût droit que contre Pierre le tireur, pour prouver en cas de négation que Jacques, fur qui la lettre eft tirée, étoit fon redevable lors de la traite des 600. livres portées par icelle, ou ne l'étant pas, qu'il lui a envoyé provifion pour la payer & acquiter lorfque le proteft a dû être fait: mais il a encore le même droit contre Guillaume l'endoffeur, & il ne peut obliger Simon de s'adreffer qu'à lui feul, fi bon ne lui femble, pour faire cette preuve, & non à Pierre le tireur; & cela pour trois raifons. La premiere, parce qu'il en eft de même d'un endoffeur en matiere du Commerce des lettres de change, comme d'un Ceffionnaire en matiere de Contrats de ceffion & transport d'argent qui fe font entre perfonnes qui ne fe mêlent point du Commerce. Car en matiere de Contrat de ceffions d'argent, fi le Ceffionnaire fait ceffion & tranfport à une tierce perfonne de la fomme à lui cedée & tranfportée par fon cédant, il eft certain qu'il eft tenu & obligé envers cette perfonne fon Ceffionnaire, aux deux fortes de garanties ci-devant expliquées. Et fi le tranfport eft fait avec la claufe de garantir, fournir & faire valoir, fans autre pourfuite ni diligence faite que d'une fimple fommation ou commandement, fi celui fur lequel eft fait le tranfport par le premier cédant, ne paye pas à la premiere fommation ou commandement qui en eft fait, quoiqu'il foit fon débiteur, la tierce perfonne à laquelle a été fait le fecond tranfport revient feulement fur fon cédant, Ceffionnaire du premier cédant, fans qu'il soit obligé, fi bon ne lui femble, de retourner fur ledit premier cédant, parce que ce n'eft pas lui qui lui a fait la ceffion; ainsi il n'a pas fuivi fa bonne foi, mais celle du Ceffionnaire fon cédant. Et fi le Contrat de ceffion & tranfport fait par le Ceffionnaire du premier cédant à cette tierce perfonne, eft fait avec la claufe fans aucune garantie, & s'il prend la fomme à lui cedée à fes rifques, périls & fortunes; fi à la premiere fommation ou commandement qui eft fait à celui fur lequel eft fait le tranfport, il fait réponse qu'il ne peut payer, parce qu'il ne doit rien au premier cédant, il n'y a pas encore de doute que cette tierce perfonne retourne feulement fur le Ceffionnaire fon cédant, en recours de garantie, de fes faits & promeffes, qui font que la fomme qu'il lui a cedée étoit dûe, & en ce cas il eft obligé de le prouver; finon & à faute de ce faire, il eft tenu de rendre & reftituer la fomme par fui cedée à cette tierce perfonne fon Ceffionnaire, fans que ladite tierce perfonne foit tenue, fi bon ne lui femble, de retourner fur le cédant de fon cédant, pour les mêmes raisons qui viennent d'être dites. Ainfi un ordre paffé au dos d'une lettre de change portant valeur reçue, étant une ceffion & tranfport d'argent, de même qu'une ceffion & tranfport que fait un Ceffionnaire à une tierce perfonne d'une fomme qui lui a été cedée par fon cédant, & qu'il n'y a aucune difference de l'une à l'autre ; cette queftion touchant l'ordre qui fe met au dos d'une lettre de change, doit être décidée par les mêmes raifons alleguées ci-deffus. La feconde raifon eft, qu'il faut obferver que les ceffions & tranfports qui fe font entre les Marchands, Négocians & Banquiers dans le Commerce de la Banque & du Change, par le moyen des lettres de change que l'on tire, & des ordres qui fe paffent au dos d'icelles, les unes fur les autres, doivent être acquittés & payés plus ponctuellement que les Contrats de ceffions & tranfports qui fe font entre perfonnes qui font d'autres profeffions; parce que fi les lettres de change ne font pas payées ponctuellement à l'échéance, & qu'elles retournent à proteft, cela fait perdre le credit à ceux qui les ont tirées, & à ceux à qui elles font payables qui les ont endoffées au profit de quelque autre, & ce crédit étant perdu, cela eft capable de leur

faire faire banqueroute: & c'est pour cette raifon qu'il fe pratique très-fouvent dans ce Commerce deux chofes.

L'une, que fi l'endoffeur juge que celui qui a tiré une lettre de change à fon profit, l'a tirée fur un Négociant ou fur un Banquier qui ne lui doive rien, & qu'ainfi il fera peut-être négligent de lui envoyer provifion pour la payer & acquitter à l'échéance, ou du moins dans le tems qu'elle pourroit être protestée, pour éviter l'inconvénient qui lui pourroit arriver; fi celui au profit duquel il a pallé fon ordre, revient fur lui en cas qu'elle fût proteftée, cela fait qu'il mande à celui fur qui la lettre eft tirée (s'il eft fon ami) que fi le tireur ne lui fait point de remise, pour payer & acquitter la lettre à l'échéance, ou du moins dans le tems que la lettre peut être proteftée, il le prie de ne laiffer point protefter la lettre, qu'il la paye celui qui en fera porteur pour l'honneur de fon endoffement, & qu'il s'en prévale fur.lui par fa lettre ou autrement, & qu'il y fera honneur. Et fi l'endoffeur n'eft pas affez connu de celui fur qui la lettre eft tirée pour lui faire credit, ledit endoffeur envoye provifion pour la payer & acquitter.

L'autre eft, que fi celui fur lequel la lettre eft tirée à l'échéance, eft refufant de la payer, ou à cause qu'il n'eft point débiteur du tireur, ou à caufe qu'on ne lui a point envoyé provifion, ou autrement, & que fur ce refùs le porteur la faffe protefter; il furvient très-fouvent, lors du proteft, que quelque autre Négociant payera & acquittera la lettre pour l'honneur de l'endoffeur: quoi faifant il demeure fubrogé en tous les droits du porteur de la lettre, quoiqu'il n'en ait point de tranfport, fubrogation ni ordre. Čelá est conforme à l'Article III. du Titre V. de l'Ordonnance ci-devant alleguée.

La troifiéme & derniere raifon eft, que cette question eft décidée par l'Article XVI. dudit Titre V. de l'Ordonnance ci-devant alleguée, c'eft-à-dire, qu'il fera permis au porteur de la lettre, de fe pourvoir en cas de négation, ou contre fon endoffeur, parce qu'il n'a reconnu que lui dans fa négociation, & par conféquent fa bonne foi, ou contre l'endoffeur de fon endoffeur, ou contre le tireur, parce le porteur eft fubrogé en tous les droits, noms, raifons & actions de fon endoffeur; c'eft pourquoi il les exerce fur l'endoffeur de fondit endoffeur, & contre le tireur.

que

Par toutes les raifons ci-deffus déduites, l'on voit qu'il n'y a aucune difficulté que les endoffeurs de lettres font tenus en cas de dénegation lors des protefts envers ceux au profit de qui ils les ont endoffées; que celui fur qui la lettre eft tirée étoit débiteur du tireur, ou qu'il lui a envoyé provifion pour la payer dans le tems le proteft a dû être fait, finon ils font tenus à la garantie du contenu en ladite

que

lettre.

Deliberé à Paris le 20. Décembre 1682.

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1. Quelle differente il y a entre un ordre & un aval mis fur une Lettre de Change?

II. Ce que veulent dire ces mots, contre-paffation d'ordre ?

III. Si un Commiffionnaire qui a vendu des marchandifes pour le compte d'un Commettant, & qui a reçu un billet de l'Acheteur pour le prix payable à lui ou à fon ordre, & mis fon ordre payable au Commettant pour valeur des marchandifes vendues, eft garant de ce billet envers celui qui s'en trouve porteur, en vertu de l'ordre du Commettant, lorfque le Commettant & l'Acheteur qui a fait le billet, fait faillite?

ont

IV. Ce que doit faire un Commissionnaire pour n'être point garant des Lettres de change; ou billets que l'Acheteur donne pour le prix des marchandises, & fur lesquelles il paffe fes ordres au profit du Commettant ?

MEMOIRE POUR CONSULTER.

21. Janvier prochain, je payerai à fix usances à l'ordre de Pierre, la fomme de 4000. livres pour marchandises d'huile d'olive reçues à mon contentement.”

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Signé, NICOLAS.

Et au dos eft écrit:

Pour moi payez le contenu de l'autre part à Jacques de Saint Malo, ou à fon ordre pour la valeur des builes que j'ai vendues pour fon compte. Signé, PIERRE.

Et au dos dudit ordre est encore écrit:

Et pour moi payez le contenu de l'autre part au fieur Louis de Saint-Malo, valeur reçue dudit fieur argent comptant. Signé, JACQUES.

LE FAI T.

Jacques, Marchand de Saint-Malo, a envoyé à Pierre fon Commiffionnaire à Rouen, des huiles d'olive pour vendre pour fon compre, lefquelles étant arrivées, il les vend à Nicolas, pour payer à fix ufances, qui fait fon billet de la maniere qu'il eft ci-deffus tranfcrit. Et Jacques le Commettant mande à Pierre son Commiffionnaire de lui envoyer la promeffe ou billet dudit débiteur. Ledit Pierre envoye ledit billet à Jacques fon Commettant, conçu en la maniere ci-deffus. Ledit Jacques le Commettant ayant reçû le billet, paffe fon ordre en faveur de Louis de Saint-Malo, en la maniere ci-deffus tranfcrite.

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