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dans les formes prefcrites par le fufdit Article XXIII. le billet eft réputé appartenir audit Robelot, & il peut être faifi par fes créanciers, & compenfé par fes redevables. Cela a été jugé par plufieurs Arrêts de la Cour, & entr'autres par un Arrêt rendu à la Grand Chambre, au Rapport de Monfieur Hervé, le 21. Mars 1681. fur l'appel interjetté d'une Sentence des Juge & Confuls de Tours par Eftienne Gillot, Marchand Banquier à Paris, qui juge que l'ordre paffé au dos d'une lettre de change par la veuve Coullard & Vanopital, au profit dudit Gillot, ne fert que pour endoffement & non d'ordre, parce qu'il n'étoit point daté, ladite Sentence auroit été confirmée par cet Arrêt. Et la Cour a de plus ordonné que les Articles XXIII. XXIV. & XXV. du Titre V. de l'Ordonnance du mois de Mars 1673. feront exécutés avec défenfes à toutes perfonnes d'y contrevenir, & que pour cet effet à la diligence des Substituts de Monfieur le Procureur Général aux Châtelets, il feroit lû, publié aux deux Présidiaux, & aux Juge & Confuls de Paris, les Au diences tenant, & affiché à la Place du Change, ce qui auroit été exécuté.

Sur la quatriéme & derniere Queftion.

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Si le billet en queftion a toujours appartenu à Robert, & non à Jolly, pour raifons alleguées fur la précédente queftion; ainfi ledit Jolly n'en ayant jamais été propriétaire, n'a pû transporter par fon ordre ledit billet à Cayet, ni ledit Cayet à Butort, auffi par leurs ordres ; & par conféquent Butort n'ayant rien à la chose, eft mal fondé en fon action par lui intentée contre les héritiers dudit Royer; & partant il y a lieu de le débouter de fa demande avec dépens.

Déliberé à Paris le 18. Mars 1685:

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Tome 11.

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PARERE LVII I.

I. Si ceux fur qui des Lettres de Change font tirées, refufans de les accepter, font obligés par leur réponse dans le proteft de déclarer les caufes de la compenfation qu'ils prétendent faire avec la provifion qu'ils ont en main, pour payer ces Lettres de Change, ou avec ce qu'ils doivent, & s'ils fe rendent non-recevables faute de déclarer qu'ils prétendent compenfer?

II. Si faute d'avoir fait les protefts felon l'ufage du lieu où les Lettres de Change font payables, & les avoir dénoncés au tireur dans les tems prefcrits, l'on eft non-recevable à prétendre faire compenfation de ces Lettres avec ce que l'on doit au tireur ?

III. Si des porteurs de Lettres de Change peuvent être obligés de juftifier avec qui ils ont négocié les Lettres de Change dont ils font porteurs, & quelle valeur ils ont donnée ? Et fi les ordres paffés à leur profit, portant valeur reçûe comptant d'eux, font des titres fuffifans pour leur tranfmettre la propriété de ces Lettres?

IV. Si la preuve par témoins eft recevable, que la valeur déclarée reçûe de ceux au profit de qui les Lettres de Change font payables, n'a pas été par eux, mais par un autre particulier, qui fert de fimulation pour se faire payer de ces Lettres ?

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E fouffigné qui a vû & examiné un Memoire qui lui a été mis ès mains, eftime que pour donner un avis judicieux fur le différend des Parties, il faudroit voir toutes les pieces, parce qu'il y a peut-être quelques circonftances qui peuvent changer les faits propofés dans le Memoire; néanmoins il ne laissera pas de donner fon avis fur lefdits faits propofés.

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y a quatre chofes en cette affaire qui forment autant de queftions fur lesquelles roule tout le différend des Parties.

La premiere, fuppofé que les Juifs dénommés au Memoire euffent eu provifion en main lorfque les protefts leur ont été faits des lettres dont le fieur Matry eft porteur, s'ils étoient tenus de déclarer qu'ils étoient porteurs des lettres de change tirées par de Launay & Robiete fur de Brie de Bruxelles, payables en la Ville d'Anvers, dans les tems y portés ? Et fi faute d'avoir fait cette déclaration ils font aujourd'hui non-recevables en leur action & demande en compenfation?

La feconde, fi faute par lefdits Juifs d'avoir fait protefter les lettres de change dont ils font porteurs, fur de Brie, dans le tems porté par l'ufage de la Ville d'Anvers, où les protests devoient être faits, & étant faits à tems, fi faute de les avoir fait dénoncer à de Launay & Robiere, tireurs d'icelles lettres, dans le tems prefcrit par l'Ordonnance de 1673. lefdits Juifs font encore non-recevables en leurdite action & demande en compensation?

La troifiéme, fi les Juifs font tenus de juftifier avec qui ils ont négocié les lettres dont ils font porteurs? quelle valeur ils en ont reçue? & fi les ordres paffés au dos defdites lettres à leur profit, portant valeur reçue comptant d'eux, font des titres fuffifans pour leur tranfmettre la proprieté defdites lettres?

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Er la quatriéme & derniere, fi ledit fieur Matry eft recevable à faire rant par titres que par témoins, que les lettres dont les Juifs font porteurs, quoique payables aux ordres de de Varenne & de Guerin, néanmoins que ç'a été un Particufier qui a payé la valeur desdites lettres à de Launay & Robiete fous leurs noms. Qu'ainfi lesdites lettres appartenoient à ce Particulier, & non aufdits de Varenne & Guerin, qui fe fervent des noms des Juifs, pour le faire payer defdites lettres au préjudice dudit Matry?

Le foufligné estime, fçavoir:

Sur la premiere Queftion.

Que dès le moment qu'un proteft faute d'acceptation ou de payement eft fait fur celui fur qui une lettre de change eft tirée, & qui a provifion en main du tireur, pour l'acquitter & payer, celui au profit duquel elle est tirée, & à la Requête duquel le proteft eft fait, devient faififfant ès mains du refufant d'accepter ou payer jufqu'à la concurrence de la fomme portée par la lettre de change; parce qu'une lettre de change eft une ceffion, tranfport & vendition d'argent. En telle forte que le tireur n'a plus rien en la fomme cedée au moyen de la valeur qu'il en a reçue de celui au profit duquel il l'a tirée, & qui partant en devient le maître & le proprietaire. Il en eft de même de l'ordre paffé au dos de cette lettre de change. Car celui au profit duquel ledit ordre a été paffé, devient auffi le maître & le proprietaire de la lettre au moyen de la valeur qu'il en a donnée au paffeur d'ordre. Ainfi le tireur ni l'endoffeur n'ayant plus rien en la chofe cedée, elle n'eft plus fufceptible d'aucune faifie de la part des créanciers du tireur, ni de l'endoffeur. Tout ce qui vient d'être dit préfuppofé (comme il eft véritable); il eft certain que fi les Juifs étoient débiteurs, ou qu'ils euffent provision en main pour payer les lettres fur eux tirées par de Laun ay & Robiete, lorfque les protefts leur ont été faits les 15. & 17. Avril 1683. faute d'acceptation ou de payement du contenu efdites lettres à la Requête du porteur d'icelles; ledit porteur eft faififfant ès mains defdits Juifs des fommes qu'ils avoient entre les mains, appartenant aufdits de Launay & Robiete, pour acquiter lefdites lettres. En forte que lesdites fommes ne font plus fufceptibles de faifie de la part des créanciers defdits de Launay & Robiete, parce qu'ils n'avoient plus rien à la chofe. De forte que fi les Juifs étoient porteurs des lettres de change en question tirées par lefdits de Launay & Robiete fur de Brie de Bruxelles, & qu'ils en euffent été les proprietaires au moyen des ordres qui ont été paffés à leur profit par de Varenne & de Guerin, au profit defquels elles étoient tirées, & qu'au moyen de la faillite arrivée aufdits de Launay & Robiete, lefdits Juifs prétendiffent leur garantir lefdites lettres jufqu'à ce qu'elles, euffent été payées & acquitées à leur échéance par de Bric; il falloit pour pouvoir prétendre la compenfation des fommes qu'ils avoient en leurs mains appartenant aufdits de Launay & Robiete, avec le montant des lettres de change, dont ils étoient porteurs, qu'avant que les protefts euffent été faits des lettres, dont le fieur Matry eft por

teur, ils fiffent faifir entre leurs mains lefdites fommes, comme tiers détempteurs en vertu de l'Ordonnance du Juge pour fûreté & confervation de la garantie qu'ils avoient contre lesdits de Launay & Robiete, jufqu'à ce que lesdites lettres euffent été payées & acquittées par de Brie, & cette faifie eût été bonne & valable, à .caufe que lefdits de Launay & Robiete étoient en faillite. Or en ce cas il n'y a pas de doute que lefdits Juifs feroient bien fondés aujourd'hui en leur action & demande en compenfation, parce que de Brie n'a pas payé les lettres dont ils font porteurs, à caufe de la faillite qui lui eft arrivée enfuite de celle de de Launay & Robiete.

Mais fi les Juifs n'ont point fait faifir entre leurs mains comme tiers détempteurs en vertu de l'Ordonnance du Juge pour la garantie des lettres de de Launay & de Robiete, par eux tirées fur de Brie, dont ils étoient porteurs avant les 16. & 17. Avril 1683. que les protefts ont été faits des lettres tirées fur eux par de Launay & Robiete, faute d'acceptation ou de payement, à la requête du porteur d'icelles lettres, & qu'ils n'ayent point déclaré lorfque lefdits protefts leur ont été faits, qu'ils étoient faififfans entre leurs mains comme tiers détempteurs pour la garantie du payement par de Brie des lettres dont ils étoient porteurs; il eft conftant qu'au moyen defdits protefts ledit porteur étant devenu faififfant ès mains desdits Juifs, comme il a déja été dit, ils doivent vuider leurs mains des fommes dont ils étoient débiteurs, ou qu'ils avoient entre leurs mains appartenant aufdits de Launay & Robiete, au jour que lesdits protests ont été faits ès mains du sieur Matry, porteur defdites lettres protestées.

Il eft inutile aufdits Juifs de dire qu'ils n'étoient pas obligés lors des protests defdites lettres de change, de déclarer qu'ils vouloient faire cette compenfation, parce qu'ils vouloient voir auparavant fi les lettres tirées fur de Brie feroient acquittées, d'autant que quand même ils auroient fait cette déclaration, elle n'auroit produit aucun effet, parce que les lettres de de Launay & Robiete, dont ils étoient porteurs, ne les rendoient pas leurs débiteurs, mais fimplement leurs garants, en cas qu'elles ne fuffent pas acquittées par de Brie, fur qui ils les avoient tirées. Ainfi les Juifs n'étant point encore créanciers defdits de Launay & Robiete, lorfque les lettres dont Matry eft porteur ont été protestées fur eux, ils ne pouvoient demander de compenfation. En effet les Juifs ne pouvoient devenir créanciers de de Launay & de Robiete que du jour qu'ils leur auroient dénoncé les protefts qu'ils auroient faits fur de Brie, faute de payement des lettres dont ils étoient porteurs, & fait appeller en recours de garantie. Or les lettres dont ils étoient porteurs n'étant point encore échues lorfque les protefts des lettres dont Matry eft porteur, leur ont été protestées, ils ne pouvoient demander compenfation, parce qu'il falloit qu'ils fuffent créanciers, & que leur créance fût liquide, parce que la compenfation n'a point lieu que de liquide à liquide. Mais lefdits Juifs n'étoient point créanciers par toutes les raifons ci-deffus déduites. Ainfi ils font non-recevables en leur action de demande en compenfation.

Sur la feconde Question.

Que lefdits Juifs étoient tenus indifpenfablement de faire protefter les lettres dont ils étoient porteurs fur de Brie, faute de payement dans le tems qui fe pratique à Anvers, où les lettres étoient payables, c'est-à-dire, dans cinq jours après

celui de l'échéance, fuivant l'ufage du pays, & qu'ils devoient faire dénoncer les protefts, & fe pourvoir en recours de garantie contre de Launay & Robiete tireurs d'icelles, dans le tems porté par l'Article XIII. du Titre V. de l'Ordonnance du mois de Mars 1673. & s'ils n'ont fait ni l'un ni l'autre, ils font non-recevables en leur action en garantie contre lesdits de Launay & Robiete, conformément à l'Article XV. du Titre V. de l'Ordonnance, ne fervant à rien aux Juifs de dire qu'ayant droit de compenfer avec lefdits de Launay & Robiete, dès le moment de leur faillite, & qu'ils leur devoient pour les lettres tirées fur de Brie, ils n'étoient pas obligés de faite protefter ni de faire aucune diligence contre ledit de Brie. La raison eft, premierement, que la faillite de de Launay & de Robiete ne leur produifoit point une action de compenfation, parce que de Launay & Robiete n'étoient point encore leurs débiteurs, & ils n'avoient fimplement que la faculté de faifir entre leurs mains comme tiers détempteurs, en vertu de l'Ordonnance du Juge, pour la garantie des lettres dont ils étoient porteurs, en cas qu'elles ne fuffent pas acquittées par de Brie à leur échéance, pour les raifons alleguées fur la précedente queftion; & c'eft ce qu'ils n'ont point fait. "Secondement, parce qu'un proteft ne peut être fupplée par aucune prétention ni par aucun acte. Cela eft conforme à l'Article X. du même Titre V. de l'Ordonnance de 1673. De forte que fi les Juifs font non-recevables en leur action en garantie contre de Launay & Robiete, à plus forte raison font-ils'non-recevables en leur action de demande en compenfation, puifqu'ils ne leur doivent rien.

Sur la troifiéme Queftion.

Qu'on ne peut obliger les Juifs de juftifier avec qui ils ont négocié les lettres dont ils font porteurs, parce que les ordres paflés au dos d'icelles étant à leur profit, & paroiffant qu'ils en ont donné la valeur aux paffeurs d'ordres, cela fuffit, & le fieur Matry trouve quelque chofe à redire aufdits ordres, c'est à lui à fe pourvoir, fi bon lui femble, par les voyes de droit, pour annuller lefdits ordres ; & il n'y a aucun doute que les ordres portant valeur reçue en deniers comptans, font titres fuffifans pour tranfmettre aufdits Juifs la proprieté defdites lettres.

Sur la quatriéme & derniere Question.

Qu'il n'y a aucune difficulté que le fieur Matry peut être reçû à faire la preuve tant par titre que par témoins, que les lettres dont les Juifs font porteurs, n'ont jamais appartenu à de Varenne ni à Guerin, à qui elles étoient payables, & qui en ont paffé leurs ordres au profit defdits Juifs, mais à un Particulier qui en a payé la valeur à de Launay & Robiete, & que les Juifs n'ont point donné la valeur defdites lettres aufdits de Varenne & Guerin, que lefdits Juifs ne les ont point négociées avec eux, mais bien avec ce particulier, à qui elles appartiennent, parce qu'en matiere de lettres de change & fait de marchandifes dans routes les Jurifdictions Confulaires du Royaume, les Juges ordonnent la preuve par témoins, à quelque fomme que la chofe puiffe monter, quoique dans les Jurifdictions ordinaires les Parties ne foient point reçues à faire la preuve par témoins au-deffus de cent livres. Cette Jurifprudence Confulaire n'a jamais été revoquée en doute, & elle a été même confirmée par l'Article II. du Titre XX.

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