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AN. 1461.

police de fon roïaume, il travailla puissamment à la réformation de l'églife, & fut fi religieux, qu'il ne voulut point la charger d'aucunes décimes. Mais étant d'une humeur un peu trop facile, il fe laiffa trop gouverner par fes favoris & par ses maîtresses. Sur la fin de fa vie il devint craintif, défiant & foupçonneux aude-là de ce qu'on peut imaginer ; mais avec tous ces défauts on peut le regarder comme un grand prince. Polydore Virgile a fait fon élogengi. en peu de mots, en difant qu'il fut la gloire des Fran- 25. çois&le restaurateur de fon roïaume. Ce prince mourut âgé de cinquante-neuf ans & fix mois, & en avoit regné trente-neuf & neuf mois.

Polydor. Virgil.

XXX.

Charles VII.

Il laiffa onze enfans legitimes de fon époufe Ma- Famille & enrie fille de Louis II. duc d'Anjou ; fçavoir quatre fils fans du roi & fept filles. Des fils, deux feulement vécurent jufques dans un âge avancé, Louis dauphin qui lui fucceda, & Charles qu'il avoit envie de faire reconnoître pour fon fucceffeur à la couronne, fi la mort ne l'eut pas prévenu. Les filles étoient Radegonde qui mourut étant déja fiancée avec Sigifmond fils aîné de Frederic V. archiduc d'Autriche; Yolande qui époufa Amedée VIII. duc de Savoye; Catherine époufe de Charles duc de Bourgogne; Jeanne qui fut mariée à Jean II. duc de Bourbon; Magdelaine mariée à Gaston prince de Viane & comte de Foix, une autre Jeanne & Marie fœurs gemelles, ne pafferent point les années de l'enfance.

XXXI.
Ses funerailles

Le corps du roi défunt demeura en dépôt à Meun jufqu'au Mercredi cinquième jour d'Août, qu'on à Notre-Dame l'apporta dans l'églife cathédrale de Paris. Le convoi fe fit principalement aux dépens de Tannegui du

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de Paris & à

faint Denis.

AN. 1461.

Jean Chartier,

hift. de Charles

VII.

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Chatel gentilhomme de Bretagne, & premier gentilhomme de la chambre, que Charles avoit relegué dans une de fes terres. Dès qu'il eut appris la mort de fon prince, il accourut promptement, & n'épargna point la dépenfe pour faire tranfporter fon corps à Paris d'une maniere honorable. On dit qu'il lui en coûta plus de cinquante mille livres. Et pour mieux marquer fon défintereffement après les funerailles, il fe retira en Bretagne. Sans l'attention de ce fidele fujet, Charles eût été transporté fans aucune pompe. Les feigneurs François empreffez de faire leur cour au dauphin Louis, fils aîné du défunt, negligerent abfolument de rendre à leur prince ces derniers devoirs que la réconnoiffance & l'obligation demandoient d'eux. Quatre feigneurs de la cour du parlement vêtus en robes rouges, tenoient les quatre coins du poële qui étoit auffi tenu par plufieurs autres feigneurs de ladite cour. Après le corps couvert d'un drap d'or très-riche, & pofé fur une litiere,fuivoient à cheval le duc d'Orleans, les comtes d'Angoulême, d'Eu & de Dunois ; après eux le chariot fur lequel on avoit mis d'abord le corps du roi depuisMeun jufqu'à Paris, tiré par fix chevaux couverts jufqu'à terre de velours noir. Enfuite fix pages montez fur autant de chevaux. Ce convoiétoit précedé de Louis de Harbist. de Charles Court archevêque de Narbonne qui officia pontificalement à Nôtre-Dame & à faint Denis. Le recteur de l'université de Paris marchoit enfuite, les officiers de la chambre des comptes, les maîtres des requêtes, le prevôt de Paris, le Châtelet, & plufieurs ordres de religieux. Le corps fut placé dans le milieu du chœur de l'églife cathedrale, où l'on commença

Fean Chartier,

VIL.

à chanter les vêpres des morts, & le lendemain qui
étoit un vendredi fixiéme d'Août, l'on fit fes obfe- AN. 1461.
ques où l'archevêque de Narbonne celebra la messe.
Sur les trois hures après midi on transporta le même
corps à faint Denis, où le même prélat celebra auf-
fi la meffe. Le docteur Thomas de Courcelles pro-
nonça l'oraison funebre : & toutes ces ceremonies
achevées, on plaça le corps dans la chapelle suivant
la coutume.

XXXII.
Louis dauphin

reçoit en Flan-
la mort du

dres la nouvelle

de

roi.

Monftrelet. vol.

Le dauphin avoit appris la mort de fon pere à Genep en Brabant par trois couriers qui lui furent dépêchez par Charles d'Anjou comte du Maine; & qui arriverent, à ce qu'on prétend, le jour même que Charles mourut. Le dauphin parut moins fâché de fa mort, que réjoui de fe voir roi, il ne fe mit pas 3. f. 88. même en peine de fauver les apparences. La conduite Franc. l.1. num. que ce prince avoit tenuë jusqu'alors, tant à l'égard "XXXIII. du roi fon pere, qu'envers les peuples du Dauphiné, Louis XI. lui donnoit affez à connoître ce qu'on devoit attendre de fon gouvernement.

Bellef. hift.

fuccede.

XXXIV.

Il va à Rheims

couronner.

Comme il y avoit à la cour un parti affez confiderable en faveur de Charles II. fils du roi défunt qui fe faire facrer & auroit pu tendre à exclure l'aîné, le premier foin de Louis fut de partir en diligence, & de venir le faire facrer & couronner à Rheims. Le duc de Bourgogne & fon fils l'accompagnerent avec quatre mille hommes de troupes choifies. La cérémonie de fon facrese fit le quinziéme jour d'Août fête de l'assomption de la Vierge, par Jean Juvenal des Urfins archevêque de Rheims: mais avant que de recevoir l'onction, il voulut que le duc de Bourgogne le fit che-Gaguin. l. 10. valier : enfuite le nouveau roi fit le même honneur in princip.

in Ludovic. XI.

.

1.

AN. 1461.

à cent dix-fept seigneurs. Après le repas, le duc dé Bourgogne rendit à Louis XI. pour fon duché de Bourgogne & les comtez de Flandre & d'Artois l'hommage que les guerres continuelles qu'il avoit eues avec Charles VII. jufqu'au traité d'Ârras, l'avoient empêché de lui rendre, & il le fit en cette maniere. Il fe mit à genoux devant le roi, & le pria d'oublier les injures qu'on lui avoit faites, & de pardonner à ceux qui avoient été les auteurs de la difcorde entre fon père & lui. Le roi en lui accordant cette grace en excepta fept perfonnes, & fous ce pretexte il ne pardonna à aucun. On trouve dans cet hommage qui fut rendu par le duc certaines claufes qui n'étoient pas d'ufage; ce qu'il fit fans doute pour mieux affurer le roi de fon parfait dévoüement,

Sur la fin du même mois Louis XI. fe rendit à Paris, & y fit fon entrée le dernier jour d'Août suivi de douze mille chevaux, & toûjours accompagné du duc de Bourgogne qui prit congé de lui après la fête finie, pour s'en retourner en Flandre: pendant que fon fils le comte de Charolois alla faire un voïage de dévotion à faint Claude en Franchecomté, au retour duquel le roi lui donna le gouvernement de Normandie avec une penfion de douze mille écus, qui ne lui fut pas païée; le roi n'étant pas fort porté à executer fes promeffes. Comme la reine veuve de Charles VII. s'étoit retirée à Amboise après la mort de fon époux, le nouveau roi l'y alla voir. Cette princeffe mourut peu de tems après cette Changemens vifite au grand regret des gens de bien, qui euffent qu'il fait dans le fouhaité que le refpect que fon fils avoit pour elle, cût fervi plus long-tems de bride à fes violences: car

XXXV..

gouvernement.

à peine fut-il entré dans fon roïaume, qu'il s'y gouverna comme dans un païs de conquête. Il dépofa AN. 1461. plusieurs ministres de fon pere qui étoient des perfonnes recommandables par leur probité; ii deftitua prefque tous les officiers de la maison roïale, de la juftice & des finances; il maltraita toutes les créatures du défunt roi, & prit plaifir à caffer tout ce qu'il avoit fait. Il ne donna à fon frere que le Berry pour tout appanage, mit le duc d'Alençon en liberté, le comte de Dammartin Antoine deChabanes àla bafftille,parce qu'il avoit été envoïé par le feu roi six ans auparavant pour l'arrêter. Il rétablit le comte d'Armagnac dans fes terres, chargea le peuple d'impôts, dépouilla les grands, & attira l'indignation de tout le clergé par les chagrins qu'il lui caufa.

XXXVI

Comme il fçavoit de quelle confequence i étoit Sa conduite en pour lui de s'affurer des ducs de Bourgogne & de vers le duc de Bretagne, & qu'il avoit de grandes obligations au premier, il voulut en apparence le menager. C'étoit dans cette vûë qu'il avoit donné le gouvernement de Normandie au comte de Charolois fon fils; mais dans te deffein d'humilier ce duc, il confirma fecretement l'alliance que Charles VII. son pere avoit faite avec les Liégeois qui étoient ennemis irreconciliables de la maifon de Bourgogne, contre la parole qu'il avoit donnée au duc peu de mois auparavant, de se déclarer même en fa faveur contr'eux. Il obligea auffi le duc de Bretagne à venir en perfonne lui faire homde fes états. Le roi étoit alors à Tours, d'où il alla en pelerinage à faint Sauveur de Rhedon en Bretagne: & le duc qui avoit pris les devants l'y reçut avec beaucoup d'honneur.

mage

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