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AN. 1458.

Comment. Pii

II. lib. 2.

Surita. lib. 16.

moigner ouvertement, parce qu'il craignoit fa puiffance, fit éclater auffi-tôt après fa mort fa haine contre Ferdinand. A peine fon pere eut-il les yeux fermez, qu'il confera tous les évêchez que le défunt lui avoit empêché de donner, & déclara le roïaume Gap. 38. & feq. de Naples vacant. En confequence il refufa l'investiture à Ferdinand, prétendant qu'Alphonse étant décedé fans enfans légitimes, le roiaume de Naples comme fief du faint fiége, étoit dévolu à l'églife. Il défendit donc à Ferdinand de prendre la qualité de roi de Naples, fous peine d'excommunication, & avertit les princes & les villes fous les mêmes peines de ne lui point obéir. Il tâcha fecretement de faire révolter fès fujets contre lui, publiant par fes lettres qu'il étoit fils supposé d'Alphonse, & non pas fon veritable enfant. Quelques historiens ont avancé que le deffein du pape étoit de faire Borgia fils de fa fœur, roi de Naples, après l'avoir déja créé duc de Spolete, quoiqu'il fût adonné à beaucoup de vices. Cette conduite du faint pere ne fervit qu'à irriter Ferdinand, qui fe difpofà à lever une armée pour venir à Rome, dans le deffein d'appeller du fouverain pontife au concile. Il publia par-tout qu'il refpectoit la dignité de Callixte & non pas fa perfonne ; qu'il tenoit de Dieu fon roïaume de Naples par le bienfait de fon pere, par la conceffion des papes Eugene & Nicolas, & par le confentement des feigneurs, des villés & des peuples; que les raifons de Callixte, pour s'emparer de fes états, étoient frivoles; qu'il ne craignoit ni fes menaces, ni ses armes, ni fes cenfures. Cependant avant que d'en venir à ces extrémitez, il effaia par fes lettres & par

fes

fes ambaffadeurs d'adoucir l'efprit aigri de Callixte, fans en pouvoir venir à bout.

AN. 1458.

LV. Contestations

entre plufieurs roiaume de Na

princes pour le

Ferdinand eut encore d'autres ennemis qui travaillerent à faire tomber le roiaume de Naples en d'autres mains. Quelques-uns agiffoient pour Charles prince de Viane, héritier du roiaume de Navarre, ples. comme fils légitime du frere d'Alphonse, qui faute de puiffance plûtôt que de bonne volonté, se retira de Naples pour ne donner aucun foupçon, & pour attendre quel feroit l'évenement de tous ces troubles. D'autre prétendoient que ce roïaume appartenoit à dom Juan roi d'Arragon, & frere d'Alphonse, qui s'en mit fort peu en peine, étant affez bien partagé, & fe contentant des états d'Efpagne qui lui étoient plus affurez. Jean d'Anjou fils de René competiteur d'Alphonfe, faifoit auffi valoir ses droits. Charles VII. roi de France l'avoit envoïé à Genes, après que les Genois s'étoient mis fous la protection de la France, pour s'opposer aux vexations d'Alphonfe. Ce prince fe comporta d'abord avec affez de valeur & de prudence, s'étant rendu maître d'une bonne partie du roïaume de Naples; mais la fin fut malheureuse, parce qu'il fut entierement chassé de toute l'Italie fix ans après fon arrivée.

La mort de Callixte délivra Ferdinand de beau

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LVI.

Callixte III.

coup d'inquiétudes, & il resta paisible poffeffeur de Mort du pape la couronne. Ce pape mourut à Rome le fixiéme du mois d'Août de cette année, âgé de quatre-vingt ans, après avoir occupé le faint fiége trois ans & quatre mois moins trois jours. Sa maladie avoit duré quarante jours. Jean-Antoine Campanus Italien & évêque de Texamo dans l'Abruzze fit fon oraison fuTome XXIII.

F

AN. 1458.

Antonin. tit.

22.cap. 26. §. 1. Ciacon, in Callixt.

nébre qu'on trouve parmi fes ouvrages. Il avoit été fecretaire de ce pape, qui laiffa en mourant cinquante: Platina in vita mille écus d'or, felon Platine, quoique faint AntoCallixti, III. nin faffe monter la fomme jufqu'à cent cinquante mille. Les cardinaux voiant que le fouverain pontife alloit bien-tôt expirer, tirerent le château SaintAnge des mains des Catalans, moïennant quelques milliers d'écus; & les Romains maltraiterent fort ceux de cette nation qui s'étoient comportez durant la vie du pape avec beaucoup de violence. Pierre neveu de fa fainteté fe retira dans la vieille ville, craignant les Urfins: mais il mourut peu de tems après. Les funérailles de Callixte étant faites dans l'églife entrent au con- de faint Pierre, & fon corps pofé dans un tombeau de marbre, les cardinaux qui étoient à Rome au nombre de vingt-un, entrerent dans le conclave dix jours après les obféques, selon la coutume.

LVII.

Les cardinaux

clave pour un pape.

élire

Platina in Callixt. III

Comm. Pii II.

lib. 1.

On tint ce conclave dans le palais de faint Pierre, où l'on avoit préparé deux falles & deux chapelles. Dans la plus grande des falles on avoit conftruit des cellules pour le logement des cardinaux. L'assemblée fe tint dans la plus petite qu'on appelloit la chapelle de faint Nicolas, le refte des appartemens étant demeuré commun pour la promenade des conclaviftes. On ne fit rien la premiere journée : la feconde fut emploiée à regler certains articles qui devoient être obfervez par le nouveau pape qui feroit élû; & tous les cardinaux firent ferment de s'y conformer. Dans le troifiéme jour on alla aux fcrutins, après la messe du Saint-Esprit. Les cardinaux de Boulogne & de Sienne (ce dernier étoit Æneas Sylvius) furent ceux qui eurent le plus grand nombre de voix. Tous les

autres n'en eurent pas plus de trois. Guillaume car- AN. 1458. dinal de Rouen n'en eut aucune, foit qu'il ne fût pas aimé,foit qu'on ne le jugeât pas capable de bien gouverner l'églife.

Quoique les cardinaux ayent coûtume de conferer ensemble après les fcrutins pour voir fi quelqu'un veut changer de fentiment, ce qu'on appelle aller à l'acceffit, on n'en ufa pas ainfi ce jour-là: ce qui donna beaucoup de chagrin à ceux qui croyoient avoir le plus de part à l'élection. Après le dîné on fit des conventicules où les plus puissans briguerent des voix pour leurs amis, & employerent les prieres, les promeffes, & même les menaces. Enfin les cardinaux agiffoient avec tant de chaleur, qu'ils ne fe donnoient aucun repos. Le cardinal de Rouen qui craignoit celui de Sienne plus que les autres, difoit à chacun en particulier : "A quoi penfez-vous de “ vouloir élever au fouverain pontificat Enée Picco-" lomini? Ne voyez-vous pas qu'il eft pauvre, & goutteux ? Sa fanté pourra-t-elle fupporter le poids de cette charge? Que fçavons-nous fi l'inclination « qu'il a pour l'Allemagne, d'où il n'eft revenu que « depuis peu de jours, ne l'obligera point d'y trans- “ ferer le fiége de faint Pierre ? Peut-on dire que cet homme ait la moindre teinture des belles let- ": tres & du droit canon? Un poëte comme lui eft- " il propre à gouverner l'églife? Il voudra la regir « fuivant la loi des gentils. Voudriez-vous don- « ner auffi vôtre voix au cardinal de Boulogne qui n'a" pas affez d'efprit pour gouverner fa propre églife, & qui manque de la docilité néceffaire pour fuivre " un bon confeil?"

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LVIII.

Le cardinal

de Rouen fe Ancas Sylviuse

déclare cortre

.AN. 1458.

Ce cardinal avoit attiré dans fon parti celui d'A vignon, homme entreprenant & intereffé, qui agiffoit fortement en fa faveur, tant parce qu'il étoit François, que parce qu'il efperoit gagner par cette élection, l'archevêché de Rouen, le palais que ce cardinal avoit à Rome, & la charge de vice-chancelier qu'il poffedoit. Il avoit auffi mis de fon côté les cardinaux de Genes & de faint Sixte, qui tous deux avoient été de l'églife Grecque. Profper Colonne, les cardinaux de Pavie, de Boulogne, des Urfins & de faint Anastase ne s'étoient pas encore déclarez. Ainfi il étoit affûré d'onze voix, & il étoit à présumer qu'il s'en joindroit quelqu'autre pour faire la douzième. La veille du fcrutin le cardinal de Boulogne alla trouver Enée Piccolomini à minuit, & lui On penfe à é- dit: "Sçavez-vous que le cardinal de Rouen va être dinal de Rouen." pape? Sa brigue eft faite, il n'attend plus que

LIX.

LX.

Sentiment d'E

ni fur cette é

lections

"

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le

,, jour du fcrutin; je vous confeille de vous lever „ promptement, & de l'aller trouver pour lui offrir vôtre voix, de peur qu'il ne conferve quelque reffentiment de ce que vous avez été fon concur,, rent. Pour moi je veux éviter le malheur qui m'arriva au dernier conclave. Callixte III. ne m'a jamais été favorable; je vous donne aujourd'hui le même confeil que je veux fuivre."

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*

Piccolomini lui répondit, qu'il pouvoit faire ce née Piccolomi- qu'il voudroit, mais que pour lui il ne vouloit pas donner fon fuffrage à un homme qu'il trouvoit si indigne de ce facré caractere. "Dieu me garde, continua-t-il, de commettre un fi grand peché; fi d'autres lui donnent leurs voix, ce fera à eux à en

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