qu'il ne pouvoit fe difpenfer d'appeller rois ceux qui AN. 1458. Occupoient les roiaumes, que c'étoit la coûtume du faint fiége, & que Callixte fon prédeceffeur en avoit ufé de même envers Pogebrac roi de Bohême.

XCI.

Pogebrac roi de
Bohême.

Tous ces ambaffadeurs aïant rendu publiquement leurs devoirs & leur obéiffance au pape dans l'églife, celui du roi de Bohême voulut faire fes foumiffions dans un confiftoire fecret, dans l'apphréhension de faire perdre à fon maître une partie de fon roïaume s'il se soûmettoit entierement au faint fiége. Il eft vrai que Pogebrac avoit abjuré fon hérefie l'année précedente; mais chacun étoit perfuadé que cette abjuration n'étoit pas fincere, & que ce prince vouloit faire fervir les chofes les plus faintes au deffein qu'il avoit de demeurer paisible possesseur de la BoPlaintes des hême.C'eft pourquoi les députez des Silefiens proteSilefiens contre fterent qu'ils ne vouloient point reconnoître Pogebrac pour leur roi, fe plaignirent que le pape l'eûr ainfi qualifié dans fes lettres, & demanderent du fecours pour fe garantir du peril où la religion catholique fe trouvoit dans leur païs. Sur cela le pape leur promit d'écrire au roi de Bohême, de l'exhorter à ne les point troubler, & de l'avertir de renvoier au faint fiége tous les differends qui naîtroient à ce sujet ; & ilajoûta, que fi le roi n'obéiffoit, il y pourvoiroit autrement. Pour commencer à exécuter fa promeffe, il envoïa en Bohême Jerôme archevêque de Créte Cochlée hift. & François de Tolede archidiacre de Seville. Ils arriverent à Prague fur la fin du mois d'Octobre, & après avoir porté le roi à la paix, ils pafferent à Bref law pour en conferer avec les principaux de la ville & du clergé. Ils retournerent à Prague à la fin de

Huffit. lib. 2.

Decembre avec des envoiez de Breflaw, & après toutes ces négociations, on conclut à la paix qui fut AN.1459% faite à ces conditions: Que le roi ne conferveroit plus de haine ni d'animofité contre la ville & le clergé de Breslaw, ni aucune autre de celles qui avoient entré dans leur parti, & qui l'avoient favorifé: Qu'il conferveroit tous les privileges: Qu'il défendroit les droits & la liberté des églifes: Qu'il feroit respecter & garder les cenfures ecclefiaftiques dans tous fes états: Qu'il les protegeroit contre tous ceux qui vou-droient introduire des hérefies dans la ville & le dioçése de Breslaw & ailleurs : Qu'il accorderoit à ladite ville trois années de tréve avant que de lui prêter hommage; que cependant ils promettoient de lui obéir comme des fideles fujets, & de confirmer cette promeffe par l'engagement ordinaire après ce terme de trois années. Le roi de Bohême admit toutes ces conditions, & promit obéiffance au faint fiége, & de défendre avec zéle la foi orthodoxe. Ce fut ainfi que la paix fut concluë, & l'acte fcellé le treiziéme de Janvier 1460. & le dix-huitéme les envoiez fe retirerent de Prague, & le rois'achemina le même jour vers la Moravic. La Bohême eût pû être heureuse en effet fous le regne de Pogebrac, fi Roquefane ne lui eût pas infpiré fes erreurs dès fon enfance, en ne lui débitant que des calomnies contre l'églife Romaine, & lui faisant accroire qu'il vivoit dans fa religion fuivant le concordat du concile de Bafle,que les Huffites n'observoient cependant en aucume maniere.. C'est ce qui fit que ce prince aima mieux s'expofer à toutes fortes de périls, que de quitter les premierss fentimens.

!

AN. 1459.

XCII.

me à Prague un

de l'églife. Cochlée hift. Huffit. lib. 2.

Ce qui excita de nouveaux troubles dans ce roïaume, fut que le pape y envoïa Venceslas docteur en Le pape nom- droit canon, & déja doïen de l'églife catholique de adminiftrateur Prague, pour être administrateur de l'archevêché. Ce doien partit de Rome & vint à Prague; il y fit lire publiquement les lettres apoftoliques par lesquelles il étoit pourvû de cette dignité. Le premier magiftrat de la ville, & les partifans de Rocquefane s'y oppoferent fortement, parce qu'ils prétendoient que l'archevêché aiant été promis au même Rocquefane dès le tems de l'empereur Sigifmond, ils ne vouloient point d'autre administrateur que lui feul. Les deux partis eurent recours au roi qui fe trouvant également preffé par les uns & par les autres, promit de les proteger tous, & laiffa néanmoins l'affaire indécife; enforte qu'il y eut pendant plusieurs années deux adminiftrateurs, l'un Catholique, & l'autre Huffite. Ce fut alors que Rocquefane fit un long traité des facremens de l'église selon la foi univerfelle contre la fecte des Thaborites, afin de fe juftifier dans l'efprit des Catholiques, de la doctrine defquels il paroiffoit ne fe pas beaucoup éloigner. Mais pour revenir au voiage du pape,fa fainteté partit de Sienne pour fe rendre à Florence, où le fameux Cofme de Medicis qui gouvernoit abfolument cette république, & qui paffoit pour le plus riche parPaul. Fou ticulier de l'Europe, le reçut avec beaucoup d'honGobel. Perf. neur & de magnificence. Il étoit né le vingt- feptiéme de Septembre 1 399. fut Gonfalonnier de Florence, & mourut l'an 1464. âgé de foixante-cinq ans trois mois & vingt jours, amaffa des trésors immenfes par fon commerce dans tous les pais d'Europe &

XCIIL

Le pape arrive

à Florence où

il eft reçu par

Cofme de Medicis.

elog. lib. 7.

Comment.Pii ll.

Jib. 2.

d'Afie.

d'Afie. Son bonheur lui fufcita beaucoup d'envieux AN. 1459. par les intrigues defquels il fut exilé avec fon frere. Il fe retira à Venife où il fut reçû comme un fouverain, & quelques tems après les Florentins le rappellerent avec beaucoup d'honneur, le reçurent avec un applaudissement univerfel, & l'honorerent du titre de pere du peuple, & de liberateur de la patrie. Comme il aimoit les fciences & les fçavans, il en attira par fes liberalitez à Florence plufieurs qui travaillerent à rendre fon nom immortel par leurs ouvrages. Il fit une très-belle bibliotheque enrichie de manufcrits rares & de bons livres que Catherine de Medicis partagea depuis avec fon frere le duc de Tofcane. Quelques-uns de ces manufcrits grecs & latins ont été apportez en France. Enfin le pouvoir de Cofme de Medicis fut fi grand, qu'il ne lui manquoit que le titre & le nom de roi, & que la plupart des villes & des Comment Rid fouverains d'Italie fuivoient fes confeils, parce qu'il étoit exactement informé de tout ce qui fe paffoit dans l'univers,par fes correfpondances avec les marchands de tous les pays.

II. lib. 2.

XCIV.

Mort de faine Antonin arche

vêque de Flo

Antonini.

Pendant que le pape étoit à Florence, faint Antonin fon archevêque mourut le deuxième jour de Mai un mercredi veille de l'Ascension, à l'âge d'environ reace. foixante-dix ans. Il étoit religieux de faint Domini- vincent. Mayque, & étoit né à Florence en 1 389. de Nicolas Pier-nard in vita S. rozzi, fecretaire public de la ville, & de Thomafie Trithem. & fon époufe.Il paffa avec honneur par toutes les char- fcrip. ecclefiaft. ges de fon ordre. Cofme de Medicis lui donna dans toutes les occafions des marques d'eftime & de bienveillance. La république de Florence l'employa auffi en diverses ambassades, auprès des papes Nicolas V. Tome XXIII.

K

Bellarm. de

V. fon élection

128.

Callixte III. & Pie II. Il étoit fçavant dans la jurif AN. 1459. prudence civile & canonique, & dans l'histoire ecclefiaftique. Le pape Eugene IV. le nomma en 1446. 1.109. de cette à l'archevêché de Florence qu'il remplit après Zabahift. n. 127.rella, de Padouë. Pie II. qui l'eftimoit beaucoup, venoit de le charger avec plufieurs autres de travailler XCV. à la reforme des ecclefiaftiques & des laïques. Pie II. à fes funerailles voulut être prefent à fes funerailles. On porta le corps du Saint de la cathédrale au convent des Dominiquains, où il avoit choifi le lieu de fa fépulture, que Dieu honora bien-tôt d'un grand nombre de miracles qui s'y opererent par l'interceffion de ce faint archevêque.

Le pape affifte

XCVI.

S. Antonin.

pag. 95.

Baillet, des Vies des Saints.

Il nous refte de lui quelques ouvrages, dont le Ouvrages de principal est la somme historique ou chronique tripartite depuis le commencement du monde jufqu'à Dupin bibl. l'année de fa mort 1459. Il eft divifé en trois parties. des Aut.tom.12 La premiere s'étend depuis la création du monde jusqu'au pontificat de faint Sylveftre, & l'empire de Conftantin. La feconde contient ce qui s'eft paffé depuis ce prince jusqu'en 1198. fous Innocent III. pape, & Henri VI. empereur. Et la derniere finit dans cette année. C'eft une compilation tirée de plusieurs hiftoriens fans beaucoup de choix, dans laquelle on voit clairement, fur-tout dans les chofes éloignées du tems de l'auteur, que fon application ou plûtôt fon loifir n'a pas toûjours également répondu à l'amour qu'il avoit pour la verité, ni à l'engagement où le mettoit la qualité d'hiftorien, pour difcerner le vrai d'avec le faux, ou démêler le certain d'avec le douteux. Cet ouvrage fut imprimé à Venise pour la premiere fois en 1480. à Nuremberg en 1484. à