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leurs demandes. Après ces paroles il congedia l'afAN.1459. femblée, parce qu'il étoit incommodé d'une toux violente & de grands maux d'eftomach. Mais les François aiant publié que la maladie du pape étoit une maladie feinte, & qu'il n'agiffoit ainsi que pour ne leur pas répondre, parce qu'il étoit dans l'impuiffance de le faire; le pape informé de ces bruits,. leur fit dire qu'il leur répondroit, quand il devroit mourir au milieu de l'affemblée, que la douleur ne diminueroit rien de fon courage, & que fes infirmi tez ne l'en empêcheroient pas..

Il tint en effet fa parole; il affembla d'abord les cardinaux ausquels il communiqua la réponse qu'il devoit faire aux ambaffadeurs de France, il fit enfuite venir tous les ambaffadeurs des autres princes; & le fouverain pontife, quoique languissant & souffrant même de violentes douleurs, fortit de fa chambre, fe rendit dans une grande falle où l'on avoit élevé un trône sur lequel il monta, & aïant prié qu'on l'écoutât fans l'interrompre, il parla près de Spicileg. Da trois heures. Il parur au commencement fi pâle & fi inquiet, qu'à peine pouvoit-il ouvrir la bouche; mais quand il fut un peu animé, les expreffions fe Le pape jufti- préfentoient d'elles-mêmes. Le pape fe juftifia d'afie fa conduite bord fur la conduite qu'il avoit tenue à l'égard du roïaume de Si- roiaume de Sicile; il fe plaignit de la maniere peu

shery tom. VIII.

CXVIII.

à l'égard du

cile,

mefurée dont ils l'avoient traité, fans aucun égard à fa qualité de fouverain pontife & de chef de l'église.. Il releva beaucoup la gloire des François, & ajoûta. qu'il avoit eu de bonnes raifons pour investir Ferdinand, que ce prince étoit prêt à fondre fur le patrimoine de l'églife, & que les François étoient trop

fauf

éloignez pour le défendre; que d'ailleurs il avoit
fait mettre dans l'acte d'inveftiture ces mots,
le droit d'autrui; ce qui mettoit le droit de René
d'Anjou en fureté. En effet dans la réponse qu'il
avoit fait publiquement à ces mêmes ambaffadeurs,
ce prince avoit été qualifié roi de Sicile, ce qui avoit
fort choqué les ambaffadeurs de Ferdinand qui s'en
étoient plaints.

AN. 1459.

CXIX.

fanction.

En adreffant la parole en particulier aux ambaffe plaint de fadeurs de France, & de René d'Anjou, il leur dit la pragmatique qu'il étoit furpris que la France attendît de lui une fi grande grace que celle de l'inveftiture du roïaume pour un prince François, tandis qu'on continuoit d'y foutenir la pragmatique-fanction, & qu'on fuivoit dans la pratique une fi damnable regle, & qu'on regardoit comme une ordonnance de l'église l'acte le plus injurieux à l'autorité pontificale qui eût jamais été fait. Les François pouvoient répondre ces plaintes du pape, comme ils le firent fans doute, que cette pragmatique-fanction avoit été reçuë & approuvée par lui-même dans le concile de Bafle, dont il fut un des plus zélez défenfeurs & des plus forts appuis ; & qu'elle étoit l'ouvrage de ce concile. Mais Æneas Sylvius élevé fur la chaire de S. Pierre changea de fentiment en changeant d'état & de nom. Il n'étoit plus fimple particulier fecretaire du concile de Bafle; c'eft ce qui fut caufe fans doute que parlant de la pragmatique dans ce difcours, il affura qu'il ne pouvoit dire des François, ce que S. Paul dit corint. cap. 11. des Chrétiens: Je vous ai fiancé à cet unique époux qui eft Jefus-Chrift, pour vous préfenter à lui comme une Vierge toute pure, tant qu'ils porteroient

Epift. 2. ad

V. 2.

avec eux la tache de cette pragmatique : & parlant AN. 1459. de la maniere dont elle avoit été introduite, il ajoûta

CXX.

amballadeurs

pc.

Collect. concil.

Labbe tom. 13.. ad calcem.p.

27959

ge

que ce n'avoit été ni par l'autorité d'un concile néral, ni par aucun décret des pontifes Romains. On verra bien-tôt comme ce discours du pape fut reçu en France.

Dans la réponse que les ambaffadeurs François lui Réponse des firent, ils ne manquerent pas de relever ce qu'il avoit de France au dit de la pragmatique. On reprend notre roi, didifcours du pa- rent-ils, de foûtenir cette loi dans fon roïaume, & l'on prétend qu'elle déroge aux privileges du fiége apoftolique, ce qui eft une tache & une foüillure pour ce roiaume. Comme nous fommes obligez de défendre l'honneur, la réputation & l'innocence du roi, nous vous dirons que les décrets du concile general de Bafle ont été autrefois préfentez à notre roi très-chrétien, & qu'en présence des plus confiderables perfonnes de fon roiaume, après avoir pris le confeil des archevêques & évêques, des universitez & des plus fçavans docteurs, il connut que la pragmatique étoit le réglement d'un concile qui n'avoit été affemblé que felon les ftatuts des deux précedens conciles de Conftance & de Sienne, & par l'ordre de deux fouverains pontifes Martin V.& Êugene IV. pour la réformation de l'églife dans fon chef & dans fes membres. Le roi connut encore que ces decrets étoient confirmez par les canons des anciens conciles & les ftatuts des fouverains pontifes. Toutes ces raisons le porterent à accepter ces mêmes decrets avec quelques additions & modifications qui ne femblent déroger en aucune maniere aux pri vileges du fiége apoftolique.

Comme ils avoient représenté au pape qu'il n'étoit pas poffible que le roi leur maître envoïât des AN. 1459. troupes contre les Turcs, tant qu'il n'y auroit point de paix entre la France & l'Angleterre, le fouverain pontife voulut y travailler. Il y avoit déja longtems qu'on traitoit de paix entre ces deux couronnes, & la conteftation rouloit fur le lieu des conferences. Le roi d'Angleterre vouloit opiniâtrement qu'on les tint, comme autrefois, dans le voisinage de Calais, & le roi de France prétendoit qu'il étoit de fon honneur de ne pas recevoir fur ce préliminaire la loi du roi d'Angleterre. Le pape pour ôter cet obftacle, fit inftance auprès des deux rois, pour le choix d'Avignon, de Metz, de Cologne, ou de quelque autre place hors de leurs domaines, où leurs ambaffadeurs fe rendroient à la faint Jean prochaine. Mais comme ce point ne pouvoit fe décider à Mantoüe, parce que les ambassadeurs de France n'avoient rien là-deffus dans leurs inftructions; fa fainteté fut obligée d'envoier un légat en France, & un autre en Angleterre pour faire accepter l'une de ces places aux deux. rois..

Le pape convaincu que le roi de France ne pouvoit lui fournir des troupes contre les Turcs jufqu'à ce qu'il eût fait la paix avec le roi d'Angleterre, n'in fifta pas plus long-tems fur cette demande, il se contenta de propofer qu'il lui fût permis de lever une taxe fur le clergé de France, pour les frais de la guerre contre les Turcs. Les ambaffadeurs lui répondirent que non-feulement ils n'avoient point d'ordre là-deffus, mais que fa fainteté ne devoit point compter fur un tel fond; qu'on avoit fait déja de

de

CXXI.

Le pape demanune taxe fur France, on la

le clergé de

lui refufe.

AN. 1459.

CXXIL
Le roi d'An-

Les ambafla

touë.

II. lib. 3•

puis peu de tems une pareille levée d'argent, & qu'aflurément on ne lui accorderoit pas une nouvelle. Toutes ces réponses jointes à la prévention où le pape étoit déja contre la France à caufe de la pragmatique-fanction, firent qu'il ne ceffa de chagriner les ambaffadeurs, & qu'il affecta dans toutes les occafions où s'agit des démelez du roi avec le duc de Bourgogne, de prendre toûjours les interêts du dernier, dans les vûës qu'il avoit d'empêcher que les François ne fe rendiffent trop puissans en Italie, où ils poffedoient l'état de Genes, & où le duc de Modene leur étoit dévoué, & les Florentins attachez depuis long-tems à leurs intérêts. Il apprehendoit pour la liberté de Sienne qui étoit fa patrie, s'ils étoient maîtres du roïaume de Naples. Peu s'en fallut neanmoins qu'il ne vît arriver ce que fa politique appréhendoit fi fort.

Pie II. avant que de partir de Rome pour se rengleterre envoie dre à Mantoue, avoit envoié l'évêque de Terny en deurs à Man- Angleterre pour appaifer les troubles de ce roiaume, & demander du fecours au roi contre les Turcs. Ce prince avoit défigné quelques princes & barons pour Comment. Piles ambaffadeurs à Mantouë. Mais comme on ne faifoit aucun cas de fes ordres, tant il étoit méprifé, il fut contraint de charger de cette commiffion deux fimples prêtres, que le pape voiant leurs patentes fcellées du fceau du roiaume, qui n'avoient point d'autre fignature que ces mots: Henri moi-même étant témoin: reçut affez mal & ne voulut pas les voir davantage, ce qui ne paroît pas vraisemblable, d'autant que le roi d'Angleterre informoit le pape des raifons qu'il avoit pour ne luipointen voïçnune

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