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XXIX.

L'ordre de dignité eft fixe, invariable, évident, & ainfi on ne peut en aucune maniére fe difpenfer des devoirs aufquels il oblige. Je dois honorer un Prêtre, parce qu'il eft Prêtre, tel que puiffe être celui qui en à le caractére, tant que l'Eglife le reconnoit mais cet honneur n'emporte pas de foi une cftime pour l'efprit & la lumiere de celui à qui on le rend, étant certain qu'on n'eft pas obligé d'eftimer l'efprit & la lumiere de tous les Prêtres du monde. Cet ordre étant evident, il eft quelquefois permis d'exiger les devoirs qui y font attachés, c'eft-à-dire, par exemple, qu'un Prêtre peut fe plaindre fans orgueil qu'on ne rend pas ce qu'on doit à fon caractere.

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Mais dans l'ordre de lumiere il n'en eft pas toujours de même, parcequ'encore que ceux qui ont moins de lumiere, doivent avoir de la déference & du refpect pour ceux qui en ont davantage; ceux néanmoins qui font plus éclairés n'ont pas tou jours droit de prétendre qu'on doive les croire plus éclairés, ni de fe plaindre qu'on ne rend pas ce que l'on doit à leur lumiere. Celui qui eft le plus éclairé, merite qu'on ait de la déference pour lui; mais il n'eft pas de l'humilité de fe croire plus éclairé les autres, & encore moins d'exiger qu'on

le croye.

XXXI.

que

Pour mettre néanmoins quelque ordre entre les perfonnes à l'égard de la lumiere on peut diftinguer la lumiere véritable & la

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lumiere préfumée. Car il y en a qui ont réellement plus de lumiere que les autres. Et il y en a qui font préfumés en avoir davantage, foit que cela foit en effet, foit que cela ne foit pas: & cette préfomtion se tire de l'âge & de l'étude.

XXXII.

Perfonne ne peut exiger des autres aucun refpect à caufe de fa lumiere réelle, parcequ'il ne peut pas forcer les autres à la reconnoitre, quoiqu'il foit vrai que ceux qui ne la reconnoillent pas, peuvent avoir tort s'ils en ont affez de preuves.

XXXIII.

Mais quant à la lumiere préfumée, il y a quelque refpect qui peut en quelque forte être exigé car il eft certain qu'un jeune homme doit refpecter un vieillard: une perfonne qui a peu étudié, en doit refpecter une autre qui a employé plus de tems à l'étude: : une perfonne de peu de réputation doit refpecter ceux qui font eftimés dans le monde. L'opinion publique fait un droit, auquel les perfonnes fages font obligées de s'accommoder.

Mais on n'a jamais droit de porter le refpect fi avant que nous nous offensions quand on n'approuve pas nos fentimens puifqu'autrement il faudroit que les jeunes gens fuiviffent les fentimens de tous les vieillards qui font fouvent oppofes entr'eux, auffi bien que ceux des autres.

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Prov.3.

27.

34

TROISIEME TRAITE.

Du mal qu'il y a de détourner une perfonne de la pratique de l'obéiffance,

I.

'Empêchez point, dit le Sage, de faire le bien celui qui le peut faire Faites-le vous-même fi vous le pouvez NOLI prohibere benefacere cum qui poteft: fivales, & ipfe benefac. Il eft bien clair qu'il n'y a rien de plus contraire à la charité que ce qui eft deffendu par ce précepte; car La charité nous obligeant de defirer le bien du prochain, quelle raifon peut-on avoir de fempêcher de faire le bien, puifqu'il ne peut acquerir en cette vie un plus grand tréfor que celui de fes bonnes œuvres. Si vous n'avez pas le courage de les faire, au-moins ne les enviez pas à ceux qui les veulent faire. Le pouvoir & la volonté qu'ils en ont font des dons de Dieu: les empêcher d'en ufer c'est donc s'oppofer expreflément à Dieu,

II.

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Or il n'eft pas moins certain que l'on fait ce qui eft deffendu par cette maxime, quand on détourne quelqu'un de faire une bonne

euvre, qu'on le porte à quitter une vie plus parfaite pour en embrafler une moins parfaite, & enfin lorsqu'on lui infpire de féloignement de quelque confeil evangelique, comme de la pauvreté, de l'obéiflance, de la virginité, quoiqu'il fût accoutume à le pratiquer la pratique qu'il en faifoit marquoit qu'il le pouvoit faire, & qu'il en avoit la volonté. C'eft donc s'opposer à Dieu que de l'en détourner. Or comme c'eft pratiquer le confeil de l'obéillance que d'en faire vœu dans une Religion, c'eft aufli le pratiquer, quoique dans un degré inferieur, que de fe foumettre dans une focieté reglée à la volonté des Superieurs avec la même exactitude que l'on fait dans les Religions. Cela eft toujours & plus fur & plus parfait, que de fe conduire par fa volonté propre & par fa propre lumiere, & par confequent c'eft s'oppofer à une bonne œuvre, & empêcher le prochain de faire le bien, que de le dégoûter de cette pratique. Il y à toujours dans cette conduite un renoncement à La propre volonté, à fon fens, à fa lumiere, un aveu que l'on fait a Dieu de fon imprudence & de fon incapacité pour fe conduire foi-même. On dit à Dieu en fe foumettant à l'obéiflance en toutes choses; Seigneur, vous connoiffez mon peu de fageffe ; Pf. 68. DEUS, tu fcis infipientiam meam.

L'homme s'eft perdu par l'amour de l'indépendance, il eft jufte qu'il retourne à Dieu par la dépendance & par la foumilfion; & la réfolution que l'on prend de vi vre de cette forte eft une reconnoillance de cette juftice & de ce befoin.

6.

III.

Demander s'il eft permis de détourner une perfonne de cet affujettiffement, en lui confeillant de fe donner plus de liberté c'eft demander s'il eft permis de confeiller à quelqu'un de quitter un regime falutaire & für auquel on s'eft accoutumé, & dont on s'eft toujours bien trouvé, pour en prendre un qui feroit très-dangereux; c'eft demander s'il eft permis de nuire au prochain! car c'eft lui nuire que de lui perfuader de fe priver d'un avantage fpirituel très-confiderable, & dont il a beaucoup de befoin pour le bien de fon ame.

IV.

Qui ne condanneroit une perfonne qui par un confeil temeraire en auroit engage une autre à perdre cinquante mille écus de fon bien? Cependant il s'en faut bien qu'une telle perte égalât devant Dieu celle du merite d'une bonne œuvre & de la pratique d'un confeil évangelique. S. Auguftin ne veut pas qu'une fille qui a réfolu de demeurer vierge, abandonne fon deffein pour quelque avantage temporel qu'on lui puifle propofer, ni même pour des biens fpirituels qu'elle pourroit procurer aux autres en fe mariant: comment donc pourroit-on détourner en confcience une perfonne, du bien de l'obéillance & du renoncement à fa propre volonté, qui eft de même un conTeil evangelique, & un confeil qui tend à notre fanctification auffi bien que la virginité ?

V.

Que diroit-on d'une perfonne qui étant dans

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