DES SATIRES ET DE de la Compagnie de Jesu s. TATRIE A PARIS, M DCCLII. EPISTRE DU TRADUCTEUR A UN A M I Ous voulûtes absolument, Mona fieur , que la Lettre que j'eus l'honneur de vous écrire en 1689. devant publique : on me la redemande aujourd'hui , & bien des gens se sont plaints , à à moi, de ce qu'ils ne l'ont pas retrouvée à la tête de Juvénal dans la derniere édition de 1706. Croïez vous qu'ils aient raison?Pour moi j'en doure fort, car j'y découvre quelques traits de jeunesse qui ne me conviennent plus.Noneadem est ætas , non mens. J'y avois peut-être trop efficacement remedié dans la suite,en la supprimant presque toute. Je trouve aujourd'hui un expedient, qu'apparemment vous ne désapprouverez pas. C'est de reinettre au jour ce qu'on y a remarqué de passable , & qui pourroit être de quelqueutilité. L'occasionen eftfavorable Voici une nouvelle édition ; elle me paroît plus litrerale & plus exacte que celles qui ont précédé, peut être qu'on la lira plus volontiers, quand on la verra égažée de nouveau par les trois caracteres que je vous ai faits autrefois des trois anciens Poëtes satiriques tous différens, chacun selon son humeur. Je les ai étudiés tous trois, & je les ai examinés de plus près, que je n'avois fait,afin devous les mieux peindre. Généralement parlant, Horace est un Epicurien délicat, des plus déliés, folide néanmoins dans de louables & bonnes maximes prises absolument & en elles-mêmes : il est du reste fort plaisant & fort enjoué. Perse eft obscur, sérieux & poli, d'un stile vif & prelfé, il dit beaucoup en peu de mors, il est d'une sévere morale, & prétend néanmoins être grand rieur, je ne vois pas pourquoi. Pour Juvénal, il ma paru depuis vingt ans s'humaniser un peu; je ne Içai d'où cela vient : peut-être que, comme il ya long tens que je le connois, & que je me suis , pour ainsi dire , familiarisé avec lui, à force de retoucher cette traduction, il est devenu insensiblement d'un plus facile accès à mon égard. Dans le fond , quand je l'examine, son humeur n'a guère changé il a toujours l'air chagrin,& fon portrait gravé au commencement de ce Livre,& animé de ce jolimot qui vient de lui. Facit indignatio versum , le représente assez dans son naturel. Je ne laisserai pas cependant de l'adoucir , & de le rendre un peu moins misantrope, ausli- bien feu Monsieur des Préaux trouvoit, à ce qu'il me dit une fois, que j'avois trop outré le caractere de ce Poëte : Vous sçavez que ce fameux satirique de nos jours le connuissoit parfaitement, & qu'il étoit juge équitable en telles affaires, & sur-cour excellent critique. Pour commencer donc par l'aîné de Juvénal , Perle étoit de qualité, riche, beau, de fort bonne mine;ce qui ne fait pas toujours le vrai mérite, il s'en faut bien, rien n'y est même quelquefois plus contraire, vous voïez celatous les jours. Il avoit avecces avantages Ie naturel admirable, & les meilleures inclinations du monde; car outre que la complexion le réduisoit à être sobre & tempérant; une certaine pudeur répandue sur son visage & dans toutes ses manieres, le rendoit aimable. Oui , Monsieur , il étoit chalte & modeste naturellement & par choix tour ensemble;zelé partisan de la veriu, ennemi déclaré du vice , il y paroît dans ses Satires , fort ménager у de fon tems, inviolablement attaché à tous les devoirs de la vie civile , sage, discret, officieux, complaisant,liberal & econome à propos,obligeant, généreux, compatissant aux chagrins des personnes qu'il sçavoit être dans l'indigence, & qui ne méritoient pas d'y être. Il étoit très-bon ami, encore meilleur fils,meilleur frere & meils > |