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forte & directe; nuages qui vers le foir ont représenté des armées sanglantes à l'imagination craintive des hommes, tandis que le matin, après le repos de la nuit, au retour de la lumiere, les poëtes n'y ont vu que le réveil d'une déeffe & l'espérance d'un beau jour.

Képler, avec fon maître Mostlin, établit que la lune & la terre s'éclairoient mutuellement (a). C'est le fymbole de l'égalité des êtres créés & de leurs fervices réciproques. La terre, où habite une espece orgueilleufe, n'eft pas faite pour être fervie fans fervir elle-même; elle renvoie fur la lune la lumiere qu'elle reçoit du soleil; la lune lui voit des phases, comme nous en voyons à la lune même. Tous les mois nous nous montrons à elle fous l'humble apparence d'un croiffant; & tous les mois aussi notre terre, qui a cependant quelque fupériorité par la grandeur, tournant vers elle fa face entierement éclairée, paroiffant pleine, lui jette dix à douze fois plus de lumiere qu'elle n'en reçoit dans la pleine lune. Cette lumiere réfléchie produit deux phénomenes, Lorsque la lune éclipse le foleil, lorsqu'elle cft par conféquent tout-à-fait privée de la lumiere directe, ces rayons réfléchis éclairent fa face obfcure, & la rendent visible pour nous. Lorsque la lune est nouvelle, & fous la forme de croiffant, par un ciel pur & ferein, la même lumiere réfléchie nous fait appercevoir le globe entier, au moyen d'une nuance claire & cendrée qui y eft répandue Ce font ces divers phénomènes qui avoient fait croire aux uns que la lune avoit une lumiere propre, aux autres qu'elle avoit quelque transparence. Cette derniere opinion, confervée par Vitellion, datoit de Plutarque. Reinhold, astronôme d'ailleurs éclairé, approuvoit affez cette explication. Tycho-Brahé croyoit

(a) Paralip, ou Aftron. opt. p. 252.

que la lumiere cendrée étoit fournie par Vénus. Képler détruifit abfolument toutes ces erreurs, & fit hommage de la vérité à. Mostlin, qui l'avoit adoptée le premier (a).

On croyoit alors que les taches de la lune étoient des erreurs de la vue (6). Les hommes commençoient à se défier de leurs organes, & la défiance va toujours trop loin, fur-tout dans ses commencemens. Képler montra, en recevant l'image de la lune sur un papier blanc, dans une chambre noire, que les taches y étoient fenfibles, y avoient la même place, la même forme, la même étendue que fur le difque même. Il rappela lę fentiment des anciens, en regardant la lune comme une terre semblable à la nôtre. Les taches font des parties moins. propres à réfléchir la lumiere. Il remarqua que le cercle de l'ombre dans les éclipfes n'étoit pas terminé comme il devoit l'être fur une furface égale & unie. Il y vit des breches comme si l'ombre s'enfonçoit dans les vallées, tandis que la lumiere se conserve fur les montagnes (c). Ces choses font aifées à voir par le moyen du télescope; mais il n'étoit pas encore inventé. Képler fit cette remarque, avec le génie, qui eft le plus puiffant des inftrumens & des organes.

§. XV I.

LA chambre obfcure, récemment inventée par Jean-Baptifte Porta, fournit quelque utilité à l'astronomie. Tycho avoit remarqué que l'image du foleil, qui fe peint fur une muraille ou fur un papier blanc dans cette chambre privée de lumiere, à mefurer le diametre du foleil. Les rayons de propre cet astre se croisent en paffant par l'ouverture qui donne entrée

étoit

(a) Képler, Paralip. ou Aftronom. opt. pag. 25.4.

(b) Ibid. p. 247

() Ibid. p. 249

au rayon, un œil qui y feroit placé, verroit le soleil & l'image fous un même angle & d'une même grandeur. Pour avoir la grandeur du foleil, il ne s'agit que de prendre l'étendue de l'image, l'angle dépend de fa distance à l'ouverture. Ceci est exact, tant que cette ouverture n'eft qu'un point, mais lorfqu'elle a une grandeur fenfible, les rayons s'écartent en conféquence, cette grandeur s'ajoute à celle de l'image; il faut donc foustraire le diametre de l'ouverture de celui de l'image mesurée. Cette attention ne manqua pas à Tycho (a) : nous ignorons fi l'idée lui appartient; mais voilà le premier indice que nous en trouvons. Képler fit beaucoup d'ufage de cette méthode & de la chambre obscure. Cependant, comme il falloit mesurer le diametre de l'image avec un compas, tandis que cette image marche avec le foleil, ce mouvement rendoit la mesure incertaine. Mostlin imagina d'avoir ces mesures toutes faites fur le papier blanc qui recevoit l'image; il traça une infinité de cercles concentriques, dont les diametres étoient mesurés ; un coup d'œil fuffifoit pour décider lequel de ces cercles enfermoit l'image du soleil (b). Cette invention ingé, nieuse a été très - utile depuis pour l'observation des éclipfes, Mostlin s'en fervoit dès-lors pour connoître le nombre des doigts éclipfés, & pour déterminer la proportion des diametres du soleil & de la lune. Cette méthode ne servoit qu'aux éclipses de foleil; la lumiere de la lune, en partie éclipsée, est trop foible dans une chambre obfcure. Kepler n'y mefuroit qu'avec peine & avec incertitude le diametre de cette planete, lorsqu'elle eft pleine, entiere & dans la force de fa clarté (c).

(a) Kepler, Paralip. ou Aftronom, opt. pag. 341,

(b) Ibid. p. 339 & 3 ST.

(c) Ibid, p. 345.

§. XVII,

y

S. XVII.

ON agitoit alors ces questions; fi le foleil peut être entiérement couvert par la lune, enforte qu'une nuit fubite & momentanée se répande sur la terre; fi dans une éclipse centrale les bords du foleil peuvent refter visibles, & former une couronne, un anneau lumineux autour de la lune obfcure. L'une de ces questions étoit réfolue par l'autre, car fi la lune eft toujours trop petite pour couvrir entiérement le foleil, il s'ensuit nécessairement que dans les éclipfes centrales elle doit paroître entourée des bords lumineux & vifibles du foleil. Tycho s'étoit apperçu que le diametre de la lune, mefuré sur le foleil dans fes éclipfes, étoit toujours plus petit que lorfqu'elle eft pleine & dans l'oppofition. Il penfa que l'apparence de la lune étoit diminuée par une caufe optique, & par la force de la lumiere folaire; il établit que cette diminution pouvoit être évaluée à la cinquieme partie du diametre de la lune (a): il en concluoit que la lune ne pouvoit nous cacher le foleil entier, & il s'étonnoit en 1600 que Clavius eût vu à Conimbre, en 1560, une éclipse totale de soleil avec nuit & ténebres (b). Képler accorde que le diametre de la lune, lorsqu'elle est pleine, paroît plus grand qu'il n'est réellement, par la raifon que les objets fort éclairés paroiffent plus grands

fur un fond obfcur (c), & à cause de la dilatation de la lumiere. Mais il pense que dans une éclipfe de foleil, la lumiere de cet astre, en se dilatant, empiete fur le difque de la lune, & le rétrécit en apparence; il en donne un exemple bien fenfible. Il faut prendre un corps opaque, tel qu'une regle, qui

(a) Tychonis Progymnafmata, pag.

102.

Tome II.

(b) Képler, Aftron, opt. p. 285.
(c) Ibid. p. 217.

D

ait un bord bien droit & bien terminé; en le pofant entre l'œil & la lune, & très-près de l'œil, on voit sensiblement la lumiere de cette planete se dérober fur la regle, & la partie interpofée femble devenue plus étroite (a). C'est par de telles expériences que la raifon découvre l'erreur des fens, & apprend à eftimer leur rapport. Képler établit donc que fi le diametre de la lune, lorfqu'elle eft pleine, paroît plus grand, ce diametre paroît plus petit que le véritable, lorsqu'il est mesuré fur le foleil.

Ce grand homme, favant dans tous les genres, prouva par une infinité de paffages de l'hiftoire, qu'il y avoit eu des éclipfes de foleil accompagnées de ténebres (6). Il montra également que les anciens ont parlé des éclipfes annulaires. Clavius, parmi les modernes, en avoit observé une en 1567 (c). Cependant Képler avoit peine à fe figurer que cet anneau cette couronne lumineufe fut une zône vifible du foleil. Arif

tarque avoit dit que le difque du foleil étoit égal à celui de la lune; Hypparque & Ptolémée, qui virent dans ce dernier quelque variation de grandeur, établirent que fa plus petite apparence étoit égale à celle du foleil. Ces déterminations. étoient encore respectées après vingt fiecles! Quand les hommes inftruisent leurs femblables, l'envie active envers les vivans fe rend difficile pour tout ce qu'ils propofent; c'est avec effort que la vérité s'infinue: mais lorsque la mort & le tems les ont féparés de l'envie, lorsque leurs penfées ont reçu l'hommage de plufieurs générations, le génie, vu dans l'éloignement, a quelque chofe de refpectable & de facré ; il s'établit une forte de prescription, & il faut autant d'efforts pour

(a) Kepler, Paralip, ou Aftronom, opt, pag. 218.

(b) Ibid. p. 287. (c) Ibid. P. 297.

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