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HISTOIRE

DE

L'ASTRONOMIE MODERNE.

LIVRE NEU VIEME,

De la Mesure de la terre, & des Voyages entrepris en France les progrès de l'Aftronomie.

t

pour

S. PREMIER.

DOMINIQUE CASSINI arrivé en France, trouva l'Académie occupée du dénombrement de nos connoiffances; elle étudioit, examinoit les anciens, pour juger leurs opinions & leurs travaux, pour décider ce qui méritoit d'être confervé, & ce qui demandoit à être perfectionné ou recommencé. L'illuftre Fontenelle nous a tranfmis le réfultat de ces conférences favantes. On croit voir les Etats généraux d'une grande nation, assemblés pour discuter fes intérêts, s'éclairant par les abus du paffé, & s'occupant du bonheur de l'avenir. Cette nation, c'étoit l'efpece humaine, les intérêts difcutés étoient ceux de l'efprit humain ; l'Académie tenoit dans ses mains l'héritage des générations paffées, & la fortune des générations futures. Dans ces momens de paix, de repos, où la voix du génie peut fe faire entendre, dans ces Tome 11. Vu

momens de fécondité, où plufieurs grands hommes réunis font capables d'un grand effort, l'Académie disposa tout pour élever l'efprit humain, & le placer à une hauteur, à un degré de lumiere où l'on n'eût plus à craindre les rechûtes de l'ignorance, & où l'on pût se passer du mouvement qui manque aux fiecles ftériles.

S. II.

C'ÉTOIT en e fet un renouvelement; les efprits étoient mûris par l'expérience, le génie éclairoit la raifon, & la raifon régloit le génie. On alloit faire la séparation des opinions faines & des opinions erronées; mais les faits avoient befoin d'être examinés comme les opinions : des inftrumens nouveaux, le micrometre, les lunettes appliquées au quart de cercle, les horloges à pendule forçoient de recommencer toutes les anciennes déterminations. Tout ce qu'on a droit de regarder comme durable & permanent dans le ciel, devoit être fixé par la précision nouvelle; le passé ne pouvoit plus paroître à côté du présent, que pour dépofer des changemens; & lorfque revêtu d'une haute antiquité, il pouvoit compenfer par des fiecles écoulés l'inexactitude de les résultats. On lui demanda la durée des révolutions, parce que l'erreur s'évanouit & difparoît dans leur multitude; mais ce qui conftituoit alors l'état préfent du ciel, ne fut établi qu'avec les moyens récemment inventés, & par les lumieres nouvelles. Caffini, Picard, Auzout, la Hire en France, Hook, Flamsteed, Halley en Angleterre, Hévélius à Dantzic, s'occuperent d'élever ce nouvel édifice. Copernic avoit établi l'arrangement des corps célestes & le systême du monde ; Képler avoit montré la vraie forme des orbites planétaires, & les loix des mouvemens célestes dans les routes elliptiques. Ces loix étoient des phénomènes généraux, elles appartiennent à l'empire de la

nature; il falloit détailler, partager cet empire dans fes différentes provinces, qui font les orbes & les efpaces parcourus par chacune des planetes. Chaque orbe est un monde à part, qui a fes phénomènes particuliers: pour le connoître, il faut favoir dans quel tems cet orbe entier eft décrit; fous quel angle il coupe le plan de l'écliptique; vers quels points du ciel répondent les interfections de ces deux plans; vers quels autres points font dirigées les extrémités de la ligne des abfides; il faut savoir dans quel inftant la planete y a paffé; & pour déterminer déterminer la courbure de fa route, il faut connoître l'excentricité de fon ellipfe, c'est-à-dire, la distance qui exifte entre le centre de cette ellipfe & le foyer où refide le foleil enveloppé par ce mouvement. Ces fix connoiffances font ce qu'on appelle les élémens d'une planete; leur réunion eft ce qu'on nomme fa théorie. Nous ferions accablés par les détails, fi nous voulions fuivre les aftronômes dans les travaux fucceffifs & multipliés qu'ils ont entrepris, pour établir, vérifier & perfectionner ces connoiffances; il nous fuffit de dire que ces élémens ont été depuis plus d'un fiecle l'objet de l'attention & des veilles des aftronômes, que ces déterminations ont été cent fois recommencées, pour profiter du tems, qui permet toujours plus de perfection, & pour reconnoître par cette vigilance, en comparant l'état présent à l'état ancien des chofes, les modifications que la nature a mises à fes loix, & les changemens lents, mais fenfibles, qui peuvent arriver dans le monde céleste.

S. II I.

DEs objets plus vaftes vont nous occuper. Les découvertes qui ont fait marcher la science, les vues qui ont développé le mécanisme de l'univers, doivent fixer notre attention. Le premier de ces ojets fut la mesure de la terre: toutes les déterminations

fes

céleftes, nous l'avons dit (a), font enchaînées à cette mesure; elle eft donc fondamentale. Elle mérita les premiers regards de l'Académie des fciences de Paris, & c'eft par cette grande opération, exécutée avec toute l'exactitude moderne, que travaux commencerent. L'antiquité enveloppée dans l'incertitude de fes ftades, ne fourniffoit pas beaucoup de lumieres; on regardoit la détermination d'Eratofthenes & celle des Arabes comme défectueufes, & on avoit raison. L'ignorance de la valeur des stades empêchoit d'apprécier les déterminations rapportées par Ariftote & par Poffidonius. Les opérations modernes ne méritoient pas plus de confiance. Fernel voyageant dans une chaise, avoit mefuré un degré par un moyen groffier : il ne s'éloigne pas beaucoup de la vérité; mais on l'ignoroit, & on devoit estimer l'exactitude de fon résultat par l'inexactitude présumée de ses moyens. On délibéra fur la méthode qu'on devoit choifir; Maurolicus (b) avoit propofé d'employer une montagne dont la hauteur feroit connue par obfervation, ainfi que la distance où elle est visible fur mer; mais ces deux ob-fervations ne font fufceptibles d'aucune précision. Le chemin que fait un vaiffeau eft toujours difficile à déterminer ; & la hauteur d'une montagne, vue à travers l'atmosphere & le voile de fes vapeurs, fe reffent de leurs variations, & eft fans ceffe altérée des réfractions inégales. Il y auroit donc incertitude & fur la hauteur de la montagne, & fur la distance du vaisseau. Riccioli (c) voulut auffi mesurer la terre en employant une méthode de Képler : c'étoit alors une vérité d'observation, que les graves en tombant & les corps fufpendus tendent vers le centre de la terre. La distance de deux lieux quelconques de la furface est

par

(a) Suprà, Tom. I, p. 359.

(6) Mém, Acad. Sc. T. VII, Part, I,P.SS.

(c) Mém. de Acad. des Scien. Tome VII, part. I, p. 57.

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la base d'un triangle dont le fommet eft au centre du globe. Riccioli mefura cette base qui eft un efpace terreftre; puis d'un des termes de cette base dirigeant fa vue à l'autre, il mefura l'angle de cette direction avec le fil à plomb; enfuite répétant la même opération à l'autre extrémité, il eut les deux angles formés fur la base par les directions du fil à plomb, angles dont la fomme étoit moindre que celle de deux angles droits ; ce qui manquoit étoit la valeur du troisieme angle formé au centre de 'la terre. Riccioli eut donc un espace terreftre mefuré, & l'angle au centre qui y répond. Cette méthode étoit ingénieuse; Riccioli ofa fe paffer du ciel pour mesurer la terre'; mais l'indépendance où il aspiroit l'égara. Le ciel, où réfide l'ordre & la regle, peut feul nous fournir des lumieres sûres; tout ce qui nous environne nous trompe, nous vivons entourés d'illufions fouvent inévitables. Les objets vus de loin ne paroiffent jamais dans leur vrai lieu, la réfraction les déplace tantôt plus, tantôt moins : ces objets peuvent paroître inégalement élevés, felon la faifon. felon l'heure du jour; & cette cause d'erreur, inconnue parce qu'elle varie fans ceffe avec l'atmosphere, ne permet ni de mefurer leur hauteur vraie, ni de déterminer leur direction & l'angle au centre qui en dépend. D'ailleurs il faudroit que cette détermination fût faite avec une précision rigoureuse, pour déduire de ces petites données la grande circonférence du globe;" auffi Riccioli se trompa de près de 6000 toifes fur la valeur du degré (a).

S. IV.

SNELLIUS employa une meilleure méthode, c'étoit la méthode d'Eratosthenes & des anciens; il mefura vers 1617 la distance terreftre, & l'arc céleste compris entre les villes d'Alc

(a) M. de la Lande, Aftron, art, 2632,

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