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§. XLIX.

NEWTON avoit toute fa gloire au terme de la moitié de fon âge, il employa l'autre moitié à fervir fa patrie; des emplois. importans l'éloignerent des sciences :: nous avons pu le placer tout entier à l'époque où nous fommes. Il paffa le reste de sa vie à recueillir le fruit de ses travaux, à jouir d'une estime & d'une admiration qui furent universelles. On le combla de biens & d'honneurs, qui ne valent pas cette eftime & cette admiration, & qui honorent moins encore l'homme qui les reçoit que la nation qui les donne. L'éloge des Anglois fe trouve néceffairement lié à celui de Newton : cette nation a également le difcernement du mérite & la conftance de l'admiration; chez elle le génie a un rang & devient l'objet d'un hommage durable. Newton, peut-être le génie le plus rare de toutes les nations & de tous les fiecles, excita un enthousiasme général; fa philofophie étoit celle de l'Angleterre, tous les grands hommes étoient fes difciples. Le peuple des favans, plus libre encore chez un peuple libre, l'avoit choisi pour chef ou pour dictateur, & la nation lui rendoit une efpece de culte. Ce grand homme montra encore fa fupériorité en conservant sa modestie, elle ne l'abandonna jamais; fa raison ne fut point troublée par le concert de tant de fuffrages illuftres, il posséda toujours son ame; il fut toujours auffi grand par elle que par fes talens après avoir long-tems jour de ce que les hommes ont de plus cher, la vertu & la gloire, il s'endormit à quatreving-cinq ans dans la paix qu'il avoit cherchée, & dans cet âge avancé, qui femble être la récompenfe de la vertu, & la fuite du calme de la vie.

On expofa, comme les Rois, aux regards publics le grand homme qui n'étoit plus, & qui devoit à jamais honorer fa

Tome II.

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patrie. Le grand Chancelier & cinq autres Pairs d'Angleterre porterent le poële du cercueil. Ces honneurs, accordés par juftice, devroient être du moins répétés par la politique; quand on honore un grand homme par ces funérailles, il peut renaître de ses cendres : tout un peuple se rend attentif à sa gloire; il est enflammé par la récompense, & il demande qu'on lui ouvre la voie où il peut l'obtenir. Newton étoit digne d'un enthousiasme si juste & d'honneurs fi rares. Peutêtre le hafard l'a-t-il auffi-bien fervi que la nature, en le plaçant dans des circonftances de tems où les connoiffances amaffées étoient en proportion avec fon génie; il est possible. que ces circonstances heureuses ayent permis à fon génie de se déployer & de fe, montrer entier; mais dans aucun gente, aucun homme n'a eu une fupériorité plus grande! Si, comme Platon l'a pensé, il existoit dans la nature une échelle d'êtres & de fubftances intelligentes jufqu'à l'Etre fuprême, l'efpece humaine défendant fes droits, auroit une foule de grands hommes à préfenter; mais Newton, fuivi de fes vérités pures, montreroit le plus haut degré de force de l'efprit humain, & fuffiroit feul pour lui affigner fa vraie place,

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HISTOIRE

DE

L'ASTRONOMIE MODERNE.

LIVRE TREIZI E ME,

Recherches, Obfervations relatives aux planetes, & Progrès de l'Aftronomie depuis les découvertes de Newton, ou depuis 1687 jusqu'en 1730.

S.

7.

PREMIER.

Le livre des Principes mathématiques de la philosophie

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naturelle étoit deftiné à faire une révolution dans l'aftronomie, mais cette révolution ne se fit pas tout-à-coup, La lumiere céleste n'est pas inftantanée, les lumieres de l'efprit, qui fe diftribuent avec inégalité, qui trouvent des obstacles out befoin d'un tems pour les vaincre & pour se répandre. Newton étoit dans une fphere fi haute, que peu d'hommes pouvoient l'entendre; il a fallu l'étudier lui-même, comme il avoit étudié la nature devinée par fon génie. Il a fallu qu

quelques difciples foient montés près de lui pour prendre ses enfeignemens, pour développer ses principes & fes démonstrations. Certaines vérités ont besoin d'être répétées; les connoiffances descendent, ou plutôt les efprits s'élevent : il est pour eux une espece de niveau, comme pour les eaux; mais ce niveau de connoiffances ne s'établit qu'avec une lenteur extrême. Depuis un fiecle l'astronomie avoit fait de grands progrès par les travaux de Tycho, de Képler, de Galilée, de Bouillaud, d'Hévélius & de D. Caffini. Les caufes du mouvement, le mécanisme de l'univers étoient reftés long-tems inconnus; Newton parut, il fit un pas de géant, & tout-àcoup la connoiffance des caufes fut plus avancée que celle des faits. Il falloit donc multiplier les observations & amasser des faits: il falloit fe mettre en état de conftruire des Tables des mouvemens celeftes, qui fuffent auffi exactes que les déterminations de Newton; car fi fon systême est la nature, on ne doit le comparer qu'à une nature bien connue. Les Tables Rudolphines de Képler vieilliffoient, elles s'écartoient du ciel (4); le tems montroit leurs défauts, & la précision des nouveaux inftrumens permettoit d'examiner le ciel de plus près. Les Tables Carolines de Street, construites avant l'invention de ces inftrumens, ne pouvoient avoir ni plus d'exactitude, ni plus de durée ; il falloit donc s'occuper d'une réforme devenue néceffaire. Ce fut l'objet des travaux de Flamfteed & de Halley en Angleterre, & en France de D. Caffini, aidé de Jacques Caffini fon fils, de Maraldi fon neveu, & de la Hire, qui marchoient fur les pas, enflammés par fon exemple, & guidés par fes inftructions.

(Mém. Acad. Scien. Tom. X, p. 142.

S. I I.

les

LA HIRE & Maraldi examinerent les mouvemens de Jupiter; la Hire trouva que le lieu de l'aphélie dans les Tables Rudolphines n'étoit pas affez avancé (a); Maraldi reconnut que Tables de Bouillaud avoient befoin d'une correction semblable. La longitude des aphélies est comptée du point de l'équinoxe du printems; & puifque l'équinoxe rétrograde, il faut bien que ces aphélies paroiffent avancer. Mais leur progression ne doit pas furpaffer cette rétrogradation, & comme elle étoit plus grande, il s'enfuit qu'ils avoient un mouvement propre, par lequel ils s'avançoient lentement le long de l'écliptique. Les nœuds de l'orbire de Jupiter fur cet écliptique doivent, en conféquence de la rétrogradation des équinoxes, paroître s'avancer comme les aphélies. Maraldi compara la position des nœuds, déduite d'une observation chaldéenne faite trois fiecles avant notre ère, à la position moderne de ces mêmes nœuds; en 1934 ans ils devoient avoir avancé de vingt-sept degrés, ils n'avoient avancé réellement que de douze degrés & demi; ils avoient donc rétrogradé de quatorze degrés & demi par un mouvement qui leur étoit propre (b). Maraldi se contenta de donner ces résultats, & ne se pressa pas d'en tirer des conclufions. La Hire foupçonnoit que ces nœuds pouvoient avoir un balancement femblable à celui qui avoit été observé dans les nœuds de la lune (c). Le mouvement progreffif de l'aphélie

(a) Elles annoncerent un paffage de Mercure fur le Soleil pour le Mai 1674. Ce paffage n'eut point lieu, il arriva peut-être la nuit, lbid. Tom. I, p. 119.

(b) Mém. Acad Scien. 1706, p. 61. (c) loid. p. 485.

Le méme la Hire compara en 1691 la

pofition des nœuds de Vénus, à leur pofition déterminée par Horrox en 1639. Ces nœuds n'avoient pas avancé de 41', comme ils l'auroient dû faire, felon les Tables Rudol phines, ils avoient plutôt rétrogradé de 3 à 4'.

Mém. Acad. des Scien. Tom. X, p. 145). Comme cette quantité n'étoit pas décifive,

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