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de leur aphélie à leur périhélie, s'approchent continuellement, & femblent defcendre vers le foleil. Képler répond que c'eft l'effet de la vertu attractive & magnétique. Mais enfuite, en allant du périhélie à l'aphélie, les planetes femblent fuir le foleil, & s'en éloigner autant qu'elles s'en étoient approchées. Képler trouve la folution de cette difficulté dans les propriétés de l'aimant. Les planetes ont, ainfi que la pierre de fer, des fibres rangées fuivant une certaine direction: elles ont un pôle qui eft attiré & un pôle qui eft repouffé, un pôle ami, & un pôle ennemi du foleil. Comme elles confervent toujours leur parallélifme, comme leurs points regardent toujours les mêmes points du ciel, il s'enfuit que tous ces points le présentent successivement au soleil; elles doivent donc être attirées dans une moitié de leur révolution, & repouffées dans l'autre (a).

S. XLII.

KÉPLER, en établissant la vertu motrice du foleil, ouvroit la voie où devoit entrer Newton, & préparoit les efprits. La gravitation n'est qu'une vertu motrice, comme celle de Képler, mais dont la marche & les effets mieux connus, font calculables. Chaque objection que réfo'voit Képler étoit autant de peine épargnée à Newton. On difoit que comme l'interpofition d'un corps caufe une éclipse, en interceptant la lumiere, il devoit y avoir également interruption de mouvement pour le plus éloigné de deux corps, qui, vus du soleil, se trouvoient dans la même ligne droite : l'un nuit à l'autre, en fermant les paffage à l'action de la force. Képler répond que quelque analogie qu'il y ait entre la vertu motrice & la lumiere,

(a) Epit. Aftron Coper. p. 587.

cette analogie n'exclut pas quelque différence. La lumiere ne fe répand que fur les furfaces où elle eft repouffée & réfléchie, l'opacité arrête son paffage; mais la vertu motrice pénetre la masse, puisqu'elle transmet le mouvement à toutes les Parties, & l'opacité par conféquent ne lui fait rien. Il n'oublie pas d'appuyer cette raison philosophique d'un exemple sensible, c'est que le magnétifme agit à travers les corps folides. Képler eft fi perfuadé de cette vérité, qu'il ne veut pas qu'on attribue à cette interruption de mouvement l'anticipation de l'aphélie des planetes; il sent bien que c'est un changement, une altération; mais il remarque que fi ce changement arrivoit par diminution, les aphélies reculeroient au lieu d'avancer: c'est donc au contraire une addition de force & de mouvement. Sa vue fut affez perçante pour appercevoir que cet effet devoit appartenir à une caufe étrangere (a). Il y ramene auffi les excentricités, les inclinaisons des planetes. Tout ce qu'elles ont de commun, elles le tiennent du foleil; les différences feules ne viennent point de lui (b). Si, comme nous le penfons, le génie s'annonce par la grandeur des vues, par la généralité des idées, peu d'hommes ont été mieux partagés de ce don fi rare de la nature. Toutes ces idées font bonnes & exactes, le tems en a vérifié une partie. Nous fommes obligés d'avouer qu'il ajoute que cette caufe peut être animale; c'est le sceau du fiecle où cette opinion expirante avoit encore des partisans. Képler dominoit puiffamment ce fiecle, mais en le réformant fur tant de points, il a bien fallu lui céder fur quelque chofe : on ne doit pas s'étonner fi en qualité d'homme, il a payé fon tribut à l'éducation, à l'habitude & à la foibleffe humaine. Cependant on peut voir comment

(a) In fellam Martis, C. XXXV, p. 177.

(b) Ibid. C. XXXVIII, p. 184.

il a preffé les partifans de cette opinion de l'ame ou de l'intelligence des aftres (a). S'il conserve des égards, c'est qu'il traitoit cette opinion antique comme fouvent à la Cour on traite les gens en crédit, qu'on respecte tant qu'ils font en place, en cherchant à les détruire.

pas

Nous ne fuivons point Képler dans l'explication des équations de la lune, dans les raifons pourquoi les planetes ne s'écartent du zodiaque, & s'écartent inégalement de l'écliptique (6); car il entrevoyoit plutôt le principe qu'il ne le voyoit réellement & distinctement; en conféquence plus on s'éloigne de cette image altérée de la vérité, plus les conféquences deviennent incertaines & fauffes,

S. XLII I.

LA marche des hommes eft d'étudier la nature par des faits féparés. Lorsqu'ils ont affez vu, ils se retirent avec euxmêmes. Les faits font amaffés dans leur tête, la chaîne manque; mais cette chaîne existe, il est donc poffible de la découvrir. Ceux qui ont reçu du génie, prennent le crayon, ils deffinent un plan voilà où étoit parvenu Képler. Alors il ne s'agit plus que d'appliquer ce plan tracé par l'imagination fur le grand modele, qui eft la nature; il faut revenir à l'observation. Le dọn le plus heureux du ciel, l'invention est placée entre les faits qui fondent les fyftêmes & les faits qui les

vérifient.

Képler avoit établi que les planetes fe mouvoient inéga lement, avec plus ou moins de vîteffe, il en avoit cherché & trouvé la cause; il revint fur fes pas pour trouver la mesure

(a) In ftellam Martis, Cap. XXXIX, pag. 185.

(b) Ibid. C. XXXVI, p. 181; C. XXXVII, P. 182.

de

de ces inégalités & de ces changemens de vîteffe: mais dans un ouvrage où nous fommes deftinés à parler de mouvement, de vîtesse & de force, il faut définir le fens de ces mots qu'on prononce fouvent fans les entendre.

S. XLIV.

Le mouvement, la vîtesse, la force, n'ont de mesure que dans l'espace & dans le tems, dans ces deux infinis qui renferment tous les êtres créés. L'ordre, l'arrangement de ces êtres, quand ils exiftent enfemble, forment l'efpace, ou l'étendue; la fucceffion de ces êtres détruits & renaissans forme le tems ou la durée (a). Cela pofé, le mouvement tranfporte dans l'étendue les corps d'un lieu à un autre; on le détermine par l'espace parcouru; il suppose deux points fixes, celui du départ & celui de l'arrivée. La nature du mouvement, la maniere dont il s'opere font des myfteres impénétrables. Ce grand phénomène répété partout, mais cependant unique en son espece, ne peut être comparé qu'à lui, ne peut être connu que par lui-même. Il faut donc comparer les mouvemens de plufieurs corps, alors il en naît une nouvelle confidération, c'est celle du tems. Partout où il existe du mouvement, il Y a de l'espace parcouru. Les mouvemens ne peuvent donc différer que par l'inégalité d'efpace parcouru dans un même tems, ou par inégalité de tems pour un même espace parcouru. De-là l'idée de vîteffe. Nous difons qu'un corps fe meut plus

(a) Nous ne connoiffons rien qu'en qualité d'êtres fenfibles, nous ne pouvons donc avoir l'idée de l'étendue que par les fenfations préfentes, réellement reçues à la fois, ou bien par celles que l'imagination réunit pour les préfenter à notre ame, & pour nous peindre l'univers. De même Tome II.

nous ne pouvons avoir l'idée de la durée, qu'en rappelant en nous-mêmes les fenfations fucceffives que nous avons reçues du même objet, ou celles qui ont affecté des individus fucceffifs, & qui nous ont été tranfmifes par le récit, & par la tradition.

I

vâte qu'un autre lorfqu'il parcourt un même efpace en moins de tems. Dans le chemin des projectiles fur la terre, l'espace se mesure en ligne droite; mais il ne s'eftime pas de même dans le mouvement circulaire des planetes. On peut les confidérer comme attachés à l'extrémité d'un levier, d'une longue aiguille, qui a fon centre dans le foleil; leur mouvement est une révolution, leur chemin est un cercle: regardez le cadran d'une horloge, l'aiguille des minutes se meut sur son centre; chacun de fes points, dans fa longueur depuis le centre, parcourt une circonférence plus grande; mais on ne fait point d'attention à cette circonftance, il faut fe rappeler ce que nous avons dit ci-devant fur la mesure des mouvemens céleftes par des angles (a). La fin, l'objet de ces mouvemens eft d'accomplir une révolution circulaire; cette révolution eft la mefure commune, chaque pas doit être une partie de cette révolution, c'est-à-dire, un angle quelconque décrit autour du centre. Tous les points de l'aiguille ont donc le même mouvement & la même viteffe, puifqu'ils décrivent tous le même angle & dans le même tems. Si vous regardez enfuite l'aiguille des heures, elle décrit fucceffivement les mêmes angles, elle acheve la même révolution; mais comme elle emploie douze fois plus de tems, elle a douze fois moins de viteffe. Placez Saturnę

& Jupiter aux extrémités de ces aiguilles, pour comparer leurs mouvemens & leurs vîteffes, il ne s'agira pas de favoir combien ils ont fait de lieues, ou de nos mesures terreftres dans un même tems mais dans quels tems différens chaque globe

acheve la même révolution circulaire. Saturne met trente ans, Jupiter n'en emploie que douze, Jupiter a une vîteffe une fois & demie plus grande; ou bien on cherchera quels angles ils

(4) Tome I, Liv. II.

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