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mais en reftant à ma place. Pour que dans mon repos j'en reçusse une pareille, il faudroit donner à ce grain, outre son mouvement de chûte, un mouvement vers moi, égal à celui que j'avois vers lui. Alors la grêle ne me paroîtroit plus tomber par une direction perpendiculaire, mais par une direction inclinée. Suppofons encore, pour plus de clarté, que -lorfque je marche au-devant de cette grêle, je porte fur mon ail un tube ouvert par fon extrémité fupérieure, & un peu incliné; chaque grain qui entrera dans le tube, gliffera fuivant fon inclinaison, & viendra me frapper fuivant cette direction. Si maintenant ces grains ne font plus de la grêle, mais des particules de lumiere, je les recevrai également, fuivant la direction de ce tube; je jugerai l'objet au bout de cette direction : & comme elle fait un petit angle avec la direction propre de la lumiere, je ne verrai point l'objet au lieu qu'il occupe réellement, je le verrai un peu écarté de ce lieu. Cet écart eft l'aberration caufée par la lumiere; c'est ce qu'on nomme l'aberration des étoiles (a). Mais on dira,

(a) Si un corps (fig. 39) tombe fuivant la direction EB, & que le plan A fe meuve de A en B, dans un tems égal à celui que le corps E emploie à tomber de E en B lorfque le plan arrivé de A en B, recevra l'impreffion du corps E, elle fera compofée du mouvement du corps, E & du mouvement du plan A; elle fera la même que fi le plan A reftant en fa place, on avoit imprimé au corps E un fecond mouvement dans la direction EF ou BA pour aller vers le plan A. On fait qu'alors le corps E, mu de deux mouvemens, vers F, & l'autre vers B, defcendroit le long de la diagonale EA (fuprà, Tom. I, P. 327;) c'eft fuivant cette direction qu'il arriveroit en A. Maintenant que le corps E foit celui d'une étoile, qui verfe fa lumiere par des directions toujours parallèles à BE,

l'un

EF tandis

:

pourquoi

que la terre va au-devant de A en B; on peut fuppofer la terre immobile, & donner à la lumiere un fecond mouvement pour aller au devant de la terre & vers F; alors la lumiere arrivera donc fuivant la direction AE & comme nous jugeons toujours l'objet dans la direction droite du rayon de lumiere, nous verrons l'étoile fuivant AE; mais la terre s'eft réellement transportée de A en B, l'effet qu'elle y éprouve eft le même; cet effet résulte des deux mouvemens. La terre verra donc l'étoile fuivant une direction inclinée, comme AE l'eft fur AB, ou fuivant une direction BD, parallèle à AE, & elle la jugera au point D, tandis que l'étoile eft réellement en E. L'angle EBD eft l'aberration, la différence du lieu où l'étoile eft vue, & du lieu réel où elle est.

avez

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avez-vous suppofé que vous portiez un tuyau incliné? Si la lumiere tombe verticalement, il falloit que votre tuyau fût vertical, vous auriez reçu la lumiere fuivant fa vraie direction, vous auriez vu l'objet dans fon lieu réel. Aufsi n'aurions-nous pas incliné le tube, fi la terre étoit immobile; cette inclinaison est néceffaire à cause du mouvement de la terre, qui allant au-devant de la lumiere, mêle l'effet d'un fecond mouvement, d'une feconde direction à la sensation que nous en recevons: la direction réelle & primitive de la lumiere en est un peu altérée, la direction résultante lui est un peu inclinée, c'est l'inclinaifon du tube, c'est l'aberration de la lumiere. On ne peut rien imaginer de plus ingénieux, de plus profond, & en même tems de plus vrai que cette explication. Le premier pas de Bradley dans la carriere aftronomique annonçoit une grande habileté dans l'art d'observer, pour démêler le phénomène & s'affurer de fa quantité, & beaucoup de génie pour en appercevoir la vraie cause.

S. XVII I.

ON voit que cette inclinaifon de la direction changée de la lumiere avec fa direction primitive, le déplacement des étoiles dépend du rapport du mouvement de la terre au mouvement de la lumiere. Si la terre étoit immobile, le lieu de ces étoiles ne feroit point changé. Si nous fuppofons enfuite que la terre fe meut, mais très-lentement, il en résultera un petit changement; ce changement augmentera à proportion de ce que nous fuppoferons que la terre se meut plus vîte. La variation du lieu des étoiles, donnée par l'obfervation, nous indiquera donc le rapport de la vîteffe de la terre dans fa course annuelle, à la vîteffe que la lumiere emploie pour parcourir les efpaces du ciel; & comme le mouvement de notre globe est Tome II.

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bien connu, nous connoîtrons la vîteffe de la lumiere (a). Cette détermination a déjà été faite par Roëmer, & nous pourrons comparer le résultat de ce fecond phénomène au résultat du premier.

Bradley, par des obfervations affidues & répétées pendant trois années fur les mêmes étoiles, s'affura que celles qui font près de l'écliptique changent de lieu dans un intervalle de fix mois, & fubiffent une variation de 40 ou 41 fecondes (6). Leur latitude varie comme leur longitude, leur lieu apparent semble décrire une petite ellipfe autour d'un point, qui eft leur lieu réel. Elles s'en écartent donc d'environ 20 fecondes ou 10 fecondes & demie de part & d'autre. Cet effet s'augmente beaucoup, felon que les étoiles font plus éloignées de l'écliptique, & plus voisines du pôle de ce cercle. Il n'eft pas de notre objet de montrer ici toutes les transformations de cet effet général; elles font aujourd'hui bien connues des aftronômes, & ceux qui veulent s'en instruire à fond, doivent avoir recours aux élémens. Nous ne nous arrêterons qu'à cet écart de 20 secondes, qui est l'aberration dans fa pureté & dans fa fimplicité. C'est donc cette quantité de 20 fecondes, qui doit nous

(a) Comme on fuppofe que la terre emploie le même tems à aller de A en b, (fig. 40) que la lumiere à venir de E en B, la viteffe du mouvement eft représentée par les efpaces (suprà, p. 666). On voit que l'inclinaifon de la direction AE dépend de la grandeur des lignes AB & EB; de maniere que fi la terre fe mouvoit moins vite & ne parcouroit qu'une partie de l'efpace AB, dans le tems que la lumiere met à venir de E en B, la direction de la lumiere feroit DE. Cette inclinaifon de AE ou DE fur AB, ou l'ouverture des angles AEB, DEB fait donc connoître le rapport de AB on BD à DE; & ce rapport

étant connu entre deux quantités telles que la viteffe de la terre, & la vîtesse de la lumiere, on peut aisément calculer la feconde, puifque la vîtesse de la terre dans fon orbite eft toujours connue par les obfervations & par les Tables de fon mouvement, ou du mouvement apparent du foleil.

(b) Manfredi ayant appris la découverte des étoiles, publia des obfervations qu'il avoit déjà faites conjointement avec monfieur Zanotti, & qui étoient conformes aur obfervations & à la théorie de Bradley. Ces deux aftronômes confirmerent donc fa découverte.

donner le rapport de la vîteffe de la lumiere à la vîtesse de la terre. Un calcul trigonométrique, auffi certain qu'il est fimple, nous apprend que ce rapport eft celui de 10313 à 1, c'est-à-dire, que la vîteffe de la lumiere eft dix mille trois cent treize fois plus grande que celle de la terre. Or nous voyons que la terre décrit fon orbe en 365 jours & 6 heures; & en conféquence du rapport fuffifamment connu de la circonférence d'un cercle à fon rayon, nous nous favons fi la terre que se mouvoit en ligne droite, avec la même vîtesse qu'elle emploie à décrire son orbe, elle parcourroit un espace égal au rayon de cet orbe, ou à la distance du soleil à la terre en 59 jours & I heures 40 minutes. La lumiere qui fe meut 10313 fois plus vîte, doit parcourir cet espace en 10313 fois moins de tems, c'est-à-dire, en 8 minutes 7 fecondes. Voilà donc le tems que la lumiere emploie à parcourir le rayon de notre orbe, à venir, par exemple, du foleil à Nous. Roëmer avoit trouvé tout au plus 7 minutes; mais on fent que la détermination nouvelle est bien plus précise; elle est fondée sur un effet observé qui ne dépend que de la vîtesse de la lumiere, comparée à la vîtesse de la terre, au lieu que le retard des éclipfes des fatellites de Jupiter, peut dépendre de plufieurs caufes. Ces fatellites doivent avoir des inégalités, il y a des illufions optiques qui s'y mêlent ; c'est à travers cette complication que Roëmer apperçut l'effet de la progreffion fucceffive de la lumiere dans les tems des éclipfes : mais fi ces phénomènes furent suffifans pour conftater la néceffité d'avoir égard à la fucceffion de la lumiere, fon effet compliqué, altéré par d'autres effets, ne peut être évalué avec une grande précision. La différence d'une minute dans ces deux déterminations n'empêche donc pas qu'elles ne fe confirment mutuellement de la maniere la plus fatisfaisante. Jusqu'à ce moment la vîteffe instanQqqq ij

tanée de la lumiere, fuppofée par Descartes, n'avoit contr'elle qu'un feul phénomène, le retard des éclipfes des fatellites de Jupiter, obfervé par Roëmer; mais ce monde de Jupiter eft fi lointain, il peut s'y paffer cent chofes que nous ne soupçonnons pas, il peut nous cacher des causes dont les effets nous trompent. Voilà ce que le septicisme pouvoit oppofer à la découverte ingénieuse de Roëmer. Bradley, en découvrant un nouveau phénomène, qui tient à la même caufe, donna un fecond appui à l'hypothèse, ou pour mieux dire, il démontra que Roëmer avoit découvert une vérité; car les explications de phénomènes divers & indépendans, ne peuvent se réunir que dans la vérité & dans la nature.

Que l'on juge de la fatisfaction d'un homme de génie, qui découvre un phénomène inconnu jusqu'à lui, un phénomène périodique & annuel, dont les variations fe compliquent avec les apparences des chofes ; d'un homme qui annonce une fource d'illufions importantes à connoître pour l'exactitude des déterminations jufqu'à lui le lieu des étoiles (a) a été mak connu, l'erreur fur ce lieu a influé fur toutes les obfervations. En même tems il a le génie d'en pénétrer la caufe, & le bonheur de confirmer par cette cause une cause déjà connue, de lier ainfi un fait de la nature avec un autre. Mais ce n'eft pas encore tout le bonheur de Bradley; ce n'est pas là toute l'importance de fa découverte ; l'aberration des étoiles eft une preuve directe du mouvement de la terre dans fon orbite, & de la vérité du systême de Copernic. Toutes les preuves, sur lesquelles nous avons établi l'opinion du mouvement de la terre, résultent de la fimplicité de l'hypothèse, & contrastent avec la complication & l'abfurdité de l'hypothèse contraire;

(c) Suprà T. I, p. 9+

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