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lumineux ? quels rapports ont-ils avec les corps obscurs, qui font dans leur dépendance? Il feroit intéreffant de connoître les propriétés particulieres, les caracteres effentiels qui les diftinguent; & en même tems les propriétés communes qu'ils tiennent d'une matiere universelle, qui eft fans doute la base de la nature.

La folution complette & démontrée de ces questions importantes n'est peut-être pas au pouvoir de l'homme & du tems! Nous avons pu diminuer la distance, mais non l'anéantir : & quand nous aurions cette puiffance, les détails des chofes placées fous nos yeux nous échappent encore. Mais tout ce qui existe appartient à une même nature; fes parties dépendantes fe correfpondent d'un bout de l'univers à l'autre : la nature, en agissant, se manifeste, la distance ne lui fait rien; elle a des caracteres plus grands que cette distance ne peut anéantir. Ce font ces caracteres, ce font les faits recueillis de loin en loin dans différens fiecles, que nous devons rassembler; leur comparaison peut fournir des conclufions utiles : l'ordre que nous y mettrons eft un titre de poffeffion, un moyen de jouiffance; & ce qui manquera aux folutions que nous cherchons, on l'attendra du tems.

C'est une chose bien reconnue que dans notre fyftême le Soleil a feul la propriété de produire & de répandre la lumiere; les planetes opaques ont feulement la faculté de la recevoir & de la renvoyer. Nous diftinguons cette lumiere de réflet, parce qu'elle est foible & tranquille. Les furfaces réfléchiffantes les plus proches de nous ne fatiguent point notre organe : le foyer de la lumiere, placé beaucoup plus loin, a un éclat qui nous fait baiffer les yeux; nous y reconnoissons une activité naturelle & énergique. Cette lumiere, en s'échappant par des rayons divergens, s'étend & fe partage dans les efpaces, &

les miroirs du ciel ne nous la renvoyent que dans cet état d'affoiblissement. Tels font les caracteres que la vue, aidée du télescope, a reconnus dans le Soleil & dans les feize planetes qui compofent notre fyftême. Le foleil eft feul de fon efpece, les feize autres corps femblables entr'eux font d'une espece différente. Voilà deux ordres de corps, les uns lumineux, les autres obfcurs; & une divifion indiquée par la nature. Mais les points étincelans qui éclairent foiblement la nuit, les étoiles qui font femées avec profufion fur la voûte céleste, appartiennent nécessairement à l'un de ces deux ordres; il faut ou produire la lumiere, ou la recevoir. Tous les aftres qui la reçoivent ou la réfléchiffent font mobiles; ils font errans dans le ciel; c'est par cette raison qu'ils ont été nommés planeies. Les étoiles font fixes; elles reftent constamment dans un point déterminé de l'espace, & ce caractere qui les diftingue des planetes, les rapproche du Soleil qui est également immobile. La fimple vue nous apprend que plufieurs de ces étoiles font plus brillantes que quelques-unes des planetes; Sirius a fans doute plus d'éclat que Saturne. Les télescopes, qui nous ont permis une inspection plus attentive & plus détaillée, nous ont représenté les planetes fous l'apparence d'un disque enfermant une lumiere tranquille, qui naît de la réflexion; & les étoiles fans difque, toujours comme des points étincelans, ce qui indique leur éloignement. Cette lumiere encore étincelante, malgré la distance, malgré les espaces où elle s'eft étendue & affoiblie, annonce par cette force confervée un foyer puiffant comme le Soleil, & une lumiere propre & native comme la fienne. Nous ignorons quelle eft la distance de ces étoiles, nous favons feulement qu'elle eft inaffignable & comme infinie. Les aftronômes, après des efforts réitérés pour obtenir la petite parallaxe des étoiles, font convaincus que celle de Sirius, la Rrrr ij

plus belle & fans doute la plus proche de ces étoiles, n'est pas d'une feconde. Nous la supposerons de deux pour ne rien forcer; il en résulte néceffairement que Sirius eft cent mille fois plus éloigné de nous que le Soleil, & dix mille fois plus loin que Saturne. Il est certain que la lumiere s'affoiblit par le trajet & par l'éloignement; les planetes illuminées par le Soleil font d'autant plus claires, d'autant plus brillantes qu'elles font plus proches de lui & de nous : cet affoibliffement eft déjà très-notable fur le difque de Saturne. Si donc la lumiere du Soleil étoit envoyée à Sirius comme à cette planete, elle Y arriveroit affoiblie dans la raison du quarré des distances, & à un éloignement dix mille fois plus grand (a), elle feroit cent millions de fois plus foible. Il ne faut pas, à beaucoup près, un fi grand intervalle pour la rendre infenfible. Sirius nous feroit donc totalement inconnu ; or cette étoile eft visible, elle a plus d'éclat que Saturne même: Sirius luit donc à nos yeux par fa lumiere native; il ne tient rien du Soleil, & s'il fe manifeste à nous, c'est par fa propre puissance. Il y a donc réellement des caracteres, qui peuvent être faifis malgré la distance des lieux; & ces deux reffemblances remarquables, celle de la fixité du Soleil & des étoiles, & celle d'une lumiere forte & propagée au loin, démontrent l'identité de ces corps effentiellement fixes & lumineux, jetés par milliers dans les espaces de l'univers.

Mais quel eft relativement à notre Soleil, le volume de ces corps semblables à lui, & qui par la distance font réduits à l'apparence de points étincelans? Nous ne pouvons connoître la grandeur des corps que lorsqu'elle eft fenfible & mesurable.

(a) Sirius étant cent mille, & Saturne environ dix fois plus éloigné de nous que

le Soleil; Sirius en eft dix mille fois plus loin,

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Cette condition néceffaire ne fuffit même pas, il faut encore connoître leur distance, puisque la grandeur apparente diminue par l'éloignément, & s'évanouit quand la diftance est grande. Nous ne pouvons donc acquérir quelque notion du volume des étoiles, que par des fuppofitions qui nous procu reront, finon une détermination, du moins une estime vraifemblable. Nous pouvons reculer le Soleil par la pensée, & juger par ce qu'il deviendra, de ce que font les étoiles. Nous. fommes sûrs que leur diametre n'occupe pas dans le ciel une étendue qui furpaffe une demi-feconde (a). Le Soleil en occupe 1920, ou 32 minutes; en le plaçant 3840 fois plus loin, ce diametre ne paroîtra plus que d'une demi-feconde, comme celui des étoiles. Cette demi-feconde répond fur nos grands inftrumens à un trois-centieme de ligne; & comme il faut cinquante cheveux pour couvrir une ligne, ou un douzieme de pouce, il s'enfuit qu'il faudroit alors répéter fix fois l'étendue, du diametre du Soleil, pour qu'elle répondît à celle d'un cheveu. Un Soleil fix fois plus grand, mais ainfi éloigné seroit entiérement éclipfé par un cheveu placé fur le limbe de l'inftrument. On a déjà, peine à croire que ce point imperceptible de l'espace céleste puiffe avoir une lumiere sensible & rayonner jufqu'à nous. Mais ce n'eft pas tout, le défaut de parallaxe bien reconnu dans Sirius, nous a fait conclure qu'il étoit au moins cent mille fois plus loin que le Soleil; il est donc à une distance vingt-fix fois plus grande que celle où nous avions placé le Soleil. Le diametre doit diminuer dans la même proportion, & notre Soleil, envoyé au lieu où eft Sirius, auroit un diametre apparent, qui ne feroit pas la cent,

(a) Si une étoile avoit un diametre de 1" de degré dans le ciel, la lune ne l'éclipferoit

qu'en 2" de tems, & toutes les obfervations conftarent que l'éclipfe eft inftantanée,

cinquante-fixieme partie de celui d'un cheveu ; & fa lumiere feroit dix milliards de fois diminuée. Une étoile de la premiere grandeur nous paroît occuper environ cinq à fix fecondes, mais c'est l'effet de l'irradiation des corps lumineux en général, & de la fcintillation particuliere aux étoiles. Cet effet eft détruit dans les fortes lunettes; il n'appartient point aux étoiles, elles ne font réellement que des points (a). Nous ne prétendons pas limiter la puissance de la nature; nous favons que la lumiere a une élasticité parfaite, une vîteffe énorme qui suppose une force très-grande: la fenfibilité de l'organe peut être telle que la vivacité prefque infinie de l'impreffion compense son peu d'étendue. Mais l'imagination se refuse à concevoir que fi nous voulions mefurer le diametre d'une étoile dépouillée de toute irradiation, la cent cinquante-fixieme partie de la largeur d'un cheveu, placé fur le limbe d'un inftrument de dix pieds, éclipseroit l'étoile ! Chacun a sa balance de comparaison; on concevra fi l'on veut que ce diametre, ce point imperceptible puiffe être fenfible fur notre organe, puiffe avoir l'éclat vif & la lumiere colorée des étoiles de la premiere grandeur pour nous, nous avouons que nous ne le pouvons concevoir ; & que nous aimons mieux fuppofer qu'il est dans la nature des corps plus volumineux que le Soleil. Nous croirons que les étoiles, qui font affez éloignées pour n'avoir point de parallaxe, & qui cependant ont une lumiere vive & brillante, font d'un volume infiniment plus confidérable que le fien. Si elles lui étoient égales, elles nous feroient inconnues. Le foleil eft difproportionné par fa grandeur, il peut l'être auffi par fa petiteffe; dans notre fyftême il eft le maître des aftres, il peut avoir les maîtres dans l'univers.

(a) Supta, p. 821 & 70.

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