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S. V

MAIS on demandera pourquoi les fignes assemblés par trois, n'ont pas été pris de fuite? On est affez embarrassé de trouver la raison de ces extravagances, aujourd'hui que les erreurs accumulées en cachent le principe. Cependant il femble que tout cela fut réglé fur les conjonctions de Jupiter & de Saturne. Ces conjonctions se renouvellent tous les vingt ans, & de maniere que fi la premiere est arrivée dans le figne du Bélier, la feconde arrive dans le fagittaire, la troisieme dans le Lion. Voilà les trois fignes du trigone du feu. Ces conjonctions demeurent dans ces trois fignes pendant deux cens ans, avec cette circonftance remarquable, qu'elles parcourent les trois fignes dans l'efpace de foixante ans : ce qui peut être la fource de la période de soixante ans, qui a été universelle dans l'Asie. Neuf conjonctions de suite reviennent dans le même ordre pendant 180 ans; la dixieme arrive dans le premier figne du même trigone; l'onzieme paffe au premier figne du trigone fuivant. Il y a donc un intervalle de vingt ans, avant de paffer d'un trigone à l'autre, mais l'ordre fe conferve pendant 180 ans. Il n'en faut pas davantage pour fonder la période de 180 ans que nous avons trouvée chez les anciens Tartares, ou du moins chez les peuples qui ont précédé les barbares appelés de ce nom. Nous n'en connoissions point alors l'origine; celle que nous donnons ici eft vraisemblable. Puifque la période a ́exifté, elle a été fondée fur quelque raifon ; on ne doit point chercher cette raifon ailleurs dans le ciel bien ou mal connu. que L'astrologie a eu tant de crédit fur l'efprit des hommes que dans les tems où elle a régné, elle a eu une grande part aux inftitutions fociales. On en a la preuve à la Chine, où l'esprit antique doit être confervé dans fa pureté. L'aftrologie eft fur

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le trône & regle l'administration: voici donc encore deux faits qui concourent au même but; la période de 180 ans, qui appartient à la Tartarie, étant liée à l'aftrologie, place également dans cette région la connoiffance, & peut-être l'invention de cette erreur ; & d'un autre côté l'astrologie à la Chine, aussi ancienne que l'empire, réglant tout dès les commencemens, femble y avoir été apportée de la Tartarie, d'où les Chinois font évidemment fortis.

La période, qui ramene les conjonctions aux mêmes points, eft d'environ 800 ans : deux fiecles faifoient donc une faifon de cette grande année. Il a fallu attribuer une température à chacune de ces faifons, & aux trois fignes qui y répondoient. C'est ainfi que ces fignes ont été raffemblés, & qu'on les a répartis dans les quatre triplicités du feu, de la terre, de l'air & de l'eau (a),

S. V I.

KEPLER, en expliquant à fes disciples les propriétés de ces trigones, leur faifoit remarquer que les lieux confécutifs de ces conjonctions dans le zodiaque pris trois à trois, & joints par des lignes, forment une fuite de triangles, continuellement infcrits dans ce cercle; mais il remarqua lui-même que toutes ces lignes en fe croifant, laiffoient un efpace vide dans le milieu; il vit qu'on pouvoit y inscrire un nouveau cercle, touché par toutes ces lignes, Il apperçut que les rayons de ce cercle, & de celui qui repréfentoit le zodiaque, étoient entre eux dans le rapport des distances de Jupiter & de Saturne au Soleil. Il n'en fallut pas davantage pour enflammer l'imagination de Képler; il chercha fi en inscrivant d'autres figures

(a) Képler, de ftellå novâ, pages 25 & 27....

au

au cercle, il ne pourroit pas trouver les proportions des diftances des autres planetes; mais une réflexion l'arrêta. Chaque distance, qui fépare la planete & le foleil, eft le rayon d'une fphere dont le foleil eft le centre. Puifque la nature offre ici trois dimensions, il faut mefurer ces proportions, non par des furfaces qui n'ont que deux dimensions, mais par des folides qui en ont également trois. Képler faifit alors l'idée de Pythagore, qui a comparé les élémens aux corps réguliers de la géométrie (a). Ces idées myftérieufes de rapport & d'harmonie étoient faites pour plaire à Képler, qui avoit de l'imagination. En conféquence, comme il y a fix planetes qui tournent autour du foleil, & cinq intervalles, il compara ces intervalles aux dimensions des cinq corps réguliers ; & de combinaisons en combinaisons, il parvint à l'arrangement suivant, en partant de l'orbe de la terre, qui eft la mesure commune de tous les autres. Si l'on circonfcrit un dodécaèdre, ou le folide de douze faces, au cercle de notre orbe, & qu'enfuite on circonscrive un autre cercle à ce dodecaèdre, ce fera l'orbe de Mars: fi à ce dernier cercle on circonfcrit un tétraèdre, ou le folide formé de quatre plans, le cercle qui l'enfermera fera l'orbe de Jupiter: fi à cet orbe de Jupiter on circonfcrit un cube, ou le folide à fix côtés, le cercle qui terminera tout, en l'enveloppant, fera l'orbe de Saturne. Revenons à la terre; nous fommes partis de la partie extérieure de son orbe, entrons dans l'intérieure: fi l'on y infcrit un icofaèdre, ou un folide de 20 côtés,

(a) Il n'y a que cinq corps réguliers, c'est-à-dire, dont la furface foit formée par un nombre de plans égaux & réguliers: le cube, qui eft formé de fix quarrés : le tétraèdre de quatre triangles équilatéraux : l'octaèdre de huit des mêmes triangles: l'octaèdre, qui eft encore formé de vingt Tome II.

des mêmes triangles : enfin le dodécaèdre, compofé de douze pentagones. Il ne peut pas y avoir d'autres corps réguliers que ceux-ci : quelque efpece de plans que l'on combine, on ne parviendra jamais à enfermer une folidité par d'autres plans réguliers, ou en autre nombre que ceux qui font indiqués ici.

B

le cercle infcrit dans ce folide fera l'orbe de Vénus: fi dans cet orbe on infcrit un octaèdre, ou le folide formé de huit plans, le dernier cercle infcrit dans ce dernier folide fera l'orbe de Mercure (a).

S. VIL

KEPLER, dans d'autres fpéculations fur le nombre & les diftances des planetes, avoit ofé en créer deux, l'une placée entre Jupiter & Mars, l'autre entre Vénus & Mercure, & ces planetes imaginaires étoient invifibles à caufe de leur petitesse (b). La découverte précédente lui fit changer d'avis; il trouva que l'hypothèse donnoit affez exactement les proportions des planetes, & cette propriété finguliere lui parut fuffifante pour fonder le nombre des fix planetes. Dieu n'en avoit pas créé davantage à l'entour du soleil, parce qu'il n'avoit permis aux formes de la matiere que cinq corps réguliers; & parce que l'harmonie du monde demandoit que les proportions admirables des orbes céleftes fuffent représentées par celles des cinq corps. Si nous offrons ici ces combinaisons inutiles & ces découvertes infructueufes, c'eft que nous n'avons pas entrepris l'éloge de l'efprit humain. Ce n'est point un résumé de ses découvertes & de fes chefs-d'œuvres, c'est son histoire. Vous ne le connoîtrez point, en vous difant ce qu'il a fait, il faut vous dire comment il est parvenu: il faut que fa marche foit développée ; fi cette marche est tortueuse, si elle a des détours vagues cette incertitude même est l'instinct qui le fait errer autour de fon objet, en attendant le moment du génie.

Y

& incertains,

Nous ne détaillerons point ici toutes les raifons que Képler trouve & donne pour motiver l'arrangement des corps céleftes,

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& l'ordre des corps réguliers, qui font infcrits dans les cercles des planetes (a). La folie de l'homme a toujours été de vouloir pénétrer les premieres raifons de la nature, qui feront toujours inconnues.

On peut remarquer la manie de ce fiecle, de mêler les chofes facrées aux chofes qui ne font que pour la curiofité, ou pour l'utilité mondaine des hommes. Képler confidere trois grandes chofes qui font en repos; le ciel des fixes, le soleil & l'intervalle énorme qui les fépare; il les compare tout de suite à la Trinité, & la figure fphérique, qui eft celle de l'univers, qui în renferme toutes les parties, eft l'image de l'Étre fuprême, qui enveloppe tout de fon immensité (b).

S. VIII.

La réputation de Képler le fit appeler pour enfeigner à Gratz en Stirie; & fon ouvrage des Proportions des orbes céleftes, qu'il envoya à Tycho, lui valut le fuffrage de ce grand aftronôme. Leur connoiffance commença par lettres; Tycho, qui vit un jeune homme dominé par l'imagination, lui confeilla de s'appliquer à l'obfervation avant de remonter aux causes. Il l'affura qu'il trouveroit plus de vérité dans fes hypothèses que dans celles de Copernic. Cependant il sentit que Kepler feroit fon fucceffeur, & il defira paffionnément de l'avoir auprès de lui. Tycho lui fit donner le titre de mathématicien de l'Empereur, avec des pensions. Képler suivi de sa famille, vint s'établir à Prague; mais il fut tourmenté d'une fiévre affez longue, qui troubla les études qu'il pouvoit faire auprès de Tycho. Képler paroît auffi s'être plaint à son ancien

(a) Myfterium cofmographicum, p. 25. (b) Ibid. p. 7.

Epitome Aftron. Coper.i. Lib. I. p. 12, Lib. IV, p. 437.

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