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De tous tems on a vu les corps tomber & fe mouvoir, la

la terre

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pierre abandonnée dans l'air fe précipiter vers la surface de ou cette pierre, lancée par la main de l'homme, continuer de parcourir une route marquée, comme s'il lui avoit communiqué fon ame & fa volonté. Ce phénomène du mouvement fe multiplie de toute maniere autour de nous: nous naiffons, nous vivons avec lui; & lorsqu'il ceffe pour nous, la partie matérielle de notre être, la machine humaine fe détruit. L'habitude de voir ces merveilles nous les fait méconnoître ; l'ignorance ne s'en étonne pas. Mais la philosophie, en apprenant à voir, apperçut des mysteres de la nature dans

les chofes les plus familieres. Tandis que Képler en Allemagne cherchoit la cause des mouvemens célefte, Galilée en Italie méditoit profondément fur la chûte des corps. On avoit déjà reconnu leur accélération; on avoit vu qu'en tombant de plus haut, ils tomboient plus vîte relativement à l'efpace parcouru dans la chûte. Si un corps emploie une feconde de tems à tomber d'une hauteur de quinze pieds, il tombera de trente ou quarante pieds en moins de deux fecondes. Le mouvement s'augmente donc dans la chûte; il semble qu'il se reproduise & que le mouvement foit engendré du mouvement. Ce phénomène fingulier, mal obfervé, fut mal expliqué; il ne produifit que des erreurs. On doit cependant distinguer dans cette carriere, & parmi les prédéceffeurs de Galilée, Michel Varro, Genevois (a), qui eut des idées assez juftes fur la gravité, sur la force d'inertie: il parla même avant Képler de cette derniere force. Elle eft prouvée par la résistance à l'effort qui tend à déplacer les corps, elle eft mefurée par l'effort néceffaire pour la vaincre. Il ne fut pas fi heureux en expliquant l'accélération, il entrevit feulement le principe. La pefanteur, dit-il, est l'effet d'un certain defir naturel que les corps ont de fe réunir. Dans le premier instant cette force agit fur eux pour les mettre en mouvement; & lorfque dans le fecond, elle agit fur ces corps, qui déjà se meuvent, elle augmente leur mouvement & leur vîtesse elle produit l'accélération. Mais il crut que les vîteffes étoient proportionnelles aux espaces. parcourus dans la chûte. Il fe trompa, parce qu'il ne fit que raifonner. Les philofophes Grecs avoient trop d'influence fur

(a) Ces idées le trouvent dans un ouvrage imprimé en 1584. Cet ouvrage eft très-rare aujourd'hui, on en conserve un exemplaire dans la bibliotheque de Ge

neve. Monfieur Senebier, homme éclairé, à qui cette bibliothèque eft confiée, à bien voulu nous en communiquer quelques pafLages.

les efprits; on croyoit pouvoir fe paffer des faits comme ils s'en étoient paffés. Le premier moyen du génie est l'art des expériences; c'est par elle qu'il amene les objets à fa portée, pour les pénétrer de fon regard.

S. I I.

GALILEE, fils de Vincent Galilée, né à Pife en 1564, étoit le génie qu'attendoit la science du mouvement: il en pofa les fondemens, les premieres vérités; & fi Newton eft le créateur d'une théorie fublime, nous ne devons pas oublier, en confidérant ce grand édifice, que la premiere pierre fut placée par Galilée; Képler & Galilée furent fes précurfeurs. Si Newton les eût précédés, il auroit été obligé de commencer par ce qu'ils ont fait, & il n'eût pas été jufqu'au terme où nous l'avons vu, puisque les grandes forces font limitées comme les petites.

Destructeur des anciennes erreurs, qui fondoient le favoir des mécaniciens de fon tems, destiné à se faire des ennemis par des vérités, Galilée fouleva les partifans d'Ariftote. Il bannit la diftinction ridicule des corps pefans & des corps legers; il fit voir par une expérience faite en grand & en public, que les corps de pefanteur inégale tomboient de la même hauteur, avec la même vîteffe, & à peu près dans le même tems, abstraction faite de la réfiftance de l'air. Il bannit éga lement la diftinction des mouvemens naturels & violens, des mouvemens rectilignes & circulaires. Tout ce que l'obfervation préfente eft naturel. La nature eft le feul agent de l'Être fu-. prême; elle est fouveraine maîtreffe & ne fouffre point de violence mais elle se varie à l'infini; elle n'est la même, & toujours fimple, que pour qui fait voir fes principes à travers fes produits. Les mouvemens circulaires font une nature com

:

pofée, les mouvemens en ligne droite font une nature plus fimple. Képler avoit entrevu cette vérité par une métaphyfique profonde; Galilée la démontra par le principe de la compofition du mouvement. Un corps pouffé par deux forces dans deux directions différentes, fuit une direction intermédiaire : fi les deux directions font les côtés d'un quarré, il parcourt la diagonale. Or une courbe pouvant être confidérée à la maniere d'Archimede, comme la réunion d'une infinité de petites lignes droites, on voit que chaque pas dans une courbe doit être fait en vertu de deux forces qui ont des directions différentes. Cette vérité de théorie eft confirmée par l'expérience; elle conduifit Galilée aux principes de la ballistique & de l'artillerie. Une bombe en tombant ne fuit une courbe que parce qu'elle obéit en même tems à deux forces, l'impulfion de la poudre qui la lance, & fon poids qui la follicite à descendre. Les bombes, les fufées volantes, tous les corps jetés obliquement, nous ont revélé, nous ont mis fous les yeux la maniere dont la nature opere les mouvemens curvilignes. Les mouvemens circulaires font dans la même claffe, ils naiffent des mêmes moyens. L'antiquité a donc perdu fon tems avęc la loi primordiale des mouvemens circulaires; Képler a donc eu raison de ne la point admettre. Tout mouvement s'exécute en ligne droite, & une fuite de petites lignes droites fucceffivement inclinées les unes aux autres, nous offre l'apparence

d'une coupe réguliere, à nous qui n'avons que les yeux de l'efprit pour appercevoir les détails des chofes & les pas de la

nature.

S. II I.

LA chûte accélérée des corps étoit un phénomène digne des méditations de Galilée. Ces corps tombent parce qu'ils

font

I

font pefans; Galilée confidéra la pefanteur comme une force attachée au corps, comme une force continuellement agissante; il y trouva la caufe de l'accélération. Dès que la pesanteur agit dans le premier instant de la chûte, il n'y a pas de raison pour qu'elle n'agiffe pas dans le fecond & dans les différens inftans fucceffifs. La vîteffe acquife & la vîteffe nouvelle forment une vîteffe proportionnelle au tems, & le mouvement s'accélere. Galilée s'éclairoit par la réflexion, mais il marchoit l'expérience à la main. La chûte verticale des corps est trèsrapide & pour donner un peu plus de tems à l'observation, il se fervit de plans inclinés; il y fit rouler des corps, & il montra que quelle que fût l'inclinaison, le mouvement s'accéléroit conftamment, les efpaces parcourus dans les inftans fucceffifs étoient comme la fuite des nombres impairs 1, 3, 5, 7, 9, 11, &c., & ces efpaces, pris du commencement, étoient toujours comme les quarrés des tems écoulés (a). Telle eft la loi de l'accélération. Grande & utile découverte ! C'est une lumiere nouvelle jetée fur l'avenir; ce travail de Galilée influera fur tous les travaux futurs. On ne peut entrer dans la théorie des mouvemens accélérés, fans avoir recours à ce beau théorême, que les efpaces parcourus font comme les quarrés des tems. Ici tombe encore un préjugé; c'est un des débris de l'antiquité, brisés fous les pas des modernes. Il n'existe pas plus de mouvemens uniformes que de mouvemens curvilignes. Képler, en découvrant la vraie forme, la forme elliptique des orbites planétaires, avoit apperçu & conftaté une inégalité réelle dans le mouvement des aftres; Galilée montra & mefura cette

(a) Les corps parcourent 15 pieds dans la premiere feconde, trois fois 15 ou 45 pieds dans la deuxieme, cinq fois 15 ou 75 dans la troifieme, &c. en 1" ils ont Tome II.

donc quinze pieds de chûte, en 2′′ foixante pieds, en 3" cent trente-cinq. Ces nombres font comme les quarrés 1, 4, 9 des nombres 1, 2 & 3.

L

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