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en ce genre; mais leur navigation dans les mers éloignées n'étoit encore que le partage du petit nombre; & avec cela, dans ce petit nombre, la plupart fe conduifoient plutôt par inftinct & par audace, que par principes & avec méthode. En un mot la fcience de l'hydrographie étoit encore au berceau. Cependant il s'agiffoit de la cultiver & de la perfectionner, pour affurer & multiplier la navigation.

On fongea donc férieufement à l'étudier & à la réduire en regles & en préceptes mais trop vafte par le concours des autres fciences qui y font analogues, pour être à portée de tous ceux qui voudroient s'y appliquer, il fallut la borner à des points fixes, qui, fans embraffer tout ce qu'il étoit utile d'apprendre, donnaffent au moins ce qu'il étoit néceffaire de favoir: d'où s'enfuivirent enfin les écoles d'hydrographie, qui depuis ont formé tant d'habiles pilotes & de capitaines de navires d'une expérience confommée dans toutes les parties de la navigation maritime.

ARTICLE

PREMIER.

Oulons que dans les villes maritimes les plus confidérables de notre Royaume, il y ait des profeffeurs d'hydrographie, pour enfeigner publiquement la navigation.

V

Ouis XIII, par fon Ordonnance du mois de Janvier 1629, article 434, avoit déjà ordonné la même chofe; mais par une fatalité attachée à cette Ordonnance, quoique incomparablement plus belle que toutes celles qui avoient paru jufques-là; & par la vafte érudition qui s'y fait remarquer dans la multitude de points de droit qui y font réfolus, & par la fageffe des Réglemens de police qu'elle renferme; enfin par la profondeur des vues politiques qu'on y admire & qui depuis ont fervi de guide pour une quantité d'utiles établiffemens : par une fatalité, dis-je, attachée à cette Ordonnance refpectable à tous égards, elle tomba avec le crédit du Chancellier qui l'avoit dreffée. La difgrace de l'auteur entraîna celle de fon ouvrage. On appella par d'érifion Code Micheau, une collection de loix qui faifoit tant d'honneur au chef de la Juftice. C'eft qu'il ne l'étoit plus, & que fon fucceffeur qui n'avoit pas d'intérêt à le venger ne preffa pas l'enregistrement. Il fut donc refufé au Parlement de Paris, auffi-bien qu'en plufieurs autres; & ceux qui enregistrerent l'Ordonnance ne le firent qu'avec des modifications & des restrictions arbitraires : conduite dont Louis XIII & fon Miniftre ne daignerent pas s'appercevoir. Ils craignoient vraisemblablement d'autorifer une Ordonnance qui auroit pu faire un contrafte avec la difgrace de fon auteur.

Tel a été le fort de cette riche compilation de loix, qui, privée de l'autorité dont elle méritoit d'être revêtue, n'a confervé, à l'exemple des loix romaines, que celle que donne la droite raifon fur des coeurs amis de la vérité & de la Juftice.

Il n'eft pas étonnant après cela, quelque utile que fût l'établissement d'une école d'hydrographie dans chaque port confidérable du royaume, qu'il ait

fallu une nouvelle Ordonnance pour le faire exécuter. Ce qui furprend feulement, c'est que ce projet important n'ait pas été repris avant la présente Ordonnance.

Mais fi fon exécution a été différée fi long-temps, elle n'en a été dans la fuite, que plus rapide & plus conftante. En effet les écoles d'hydrographie furent formées par-tout où il convenoit, prefque auffi-tôt après notre Ordonnance, & elles ont été depuis toujours régulierement entretenues non-feulement dans les ports de marine royale, mais encore dans ceux de

commerce.

A l'égard de ceux-ci, ce qui n'y a pas peu contribué, c'est l'arrangement fuivant lequel, les deniers d'octrois des villes maritimes ont été affectés au payement des appointemens des profeffeurs d'hydrographie; arrangement dont l'avantage s'eft fait plus ou moins fentir fuivant que les officiers municipaux, ont été plus ou moins attentifs à chercher les moyens, ou en état de procurer une inftruction toute gratuite à ceux qui fe deftinent à la fcience de la navigation.

On conçoit en effet que l'inftruction gratuite eft la voye la plus fûre, pour attirer des éleves & foutenir leur ardeur.

L'école d'hydrographie, n'a été qu'un peu tard, folidement formée à la Rochelle, parce que le Corps-de-Ville, fupprimé en 1628, n'y fut rétabli qu'en 1694 & que long-temps encore après fon rétablissement fes revenus fuffifoient à peine au payement de fes charges ordinaires & indifpenfables.

"

La ville devenue prefque en même temps place de guerre, chargée par conféquent d'un état major & du logement des troupes, il fallut fonger à bâtir des cafernes & à faire des fonds pour fubvenir aux autres dépenses qu'exige néceffairement l'entretien d'une garnifon. Ce n'étoit donc pas le temps de s'occuper du foin de gager un profeffeur d'hydrographie, ni de procurer au public d'autres avantages à peu près femblables.

D'ailleurs le voiûinage de Rochefort, où depuis bien des années, le Roi avoit déjà établi une école d'hydrographie, rendoit encore moins preffant l'établissement d'une pareille école à la Rochelle.

Cependant comme la navigation au long cours & le commerce maritime de cette ville prenoient chaque jour, de nouveaux accroiffemens le pilotage y fut enfeigné avant même le rétabliffement du Corps-de-Ville.

Ce ne fut qu'en 1707, que la ville fe trouva en état de payer des gages au profeffeur. Elle lui accorda alors 500 livres d'appointemens, à condition d'inftruire gratuitement au pilotage, huit jeunes gens qui feroient nommés chaque année par les Maire & Echevins.

Les chofes refterent fur ce pied là jufqu'à l'année 1732, que par Arrêt du Confeil du 18 O&tobre, confirmatif d'un traité conclu entre le Corps-deVille & les PP. Jéfuites, l'école d'hydrographie fut réunie au collége, à la charge par les Jéfuites de fournir l'inftruction gratuite à tous ceux qui fe présenteroient indistinctement pour apprendre l'hydrographie, fans autre rétribution que la penfion de 500 livres qui étoit payée à l'ancien profeffeur.

Les motifs de cette réunion font indifferens au fujet; il fuffit d'observer, qu'au commencement de l'année 1757, un nouveau profeffeur nommé par

fon Provincial, s'étant préfenté pour fe faire recevoir en cette qualité, les Officiers de l'Amirauté toujours attentifs à la confervation des droits & des prérogatives de M. l'Amiral, jugerent à propos de surfeoir, jusqu'à ce qu'ils euffent reçu à ce fujet les ordres de S. A. S.

Ce qui les engagea à prendre ce parti, c'eft qu'il leur parut que cette réunion n'avoit pu fe faire au préjudice du droit de M. l'Amiral, fans fon confentement ou fa participation.

Il est vrai que notre Ordonnance ni aucune autre loi antérieure ou posté rieure, n'a pas attribué formellement à l'Amiral la faculté de nommer le profeffeur d'hydrographie; mais il fuffit que ce foit un emploi relatif à la naviga tion, au commerce & à la police maritime, pour que le droit d'y commettre foit regardé comme lui étant dévolu effentiellement par le titre de fa charge & auffi efficacement que s'il étoit expreffément compris dans l'énumération des autres places fujettes à fa nomination. La raifon en effet eft la même & l'on ne fçauroit en affigner aucune de différence, capable de former une exception par rapport à l'emploi d'hydrographe.

Si pour juger du droit de nomination de M. l'Amiral aux places qui ont du rapport à l'Amirauté, il falloit ne faire attention qu'à notre Ordonnance, il s'enfuivroit qu'il ne pourroit donner des commiffions qu'aux interpretes aux maîtres de quai & aux perfonnes chargées de veiller au leftage & déleftage des navires & à l'entretien des feux, tonnes

& balifes.

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Il est conftant néanmoins qu'il nomme les jaugeurs & les courtiers conducteurs des maîtres de navires, comme les interpretes. Il eft certain tout de même que c'eft de lui que tiennent leurs commiffions, les deux chirurgiens & les deux apothicaires jurés, établis en chaque Amirauté pour la réception des chirurgiens qui fervent fur les vaiffeaux marchands, & pour la vifite des coffres de remedes & inftrumens de chirurgie qu'on embarque fur les mêmes vaiffeaux. Il nomme pareillement les chirurgiens qui doivent vifiter les navires fufpects de contagion.

De ce que l'Ordonnance ne lui attribue pas fpécialement la faculté d'inftituer le profeffeur d'hydrographie, on ne peut donc pas conclure qu'il n'a pas droit de le nommer, puifque le même filence de l'Ordonnance, n'empêche pas qu'il ne nomme les courtiers, les jaugeurs, les apothicaires & les chirurgiens jurés de l'Amirauté.

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Pour tout dire en un mot il n'y a que les places de Conful & de Chancellier de la nation Françoife dans les pays étrangers, auxquelles M. l'Amiral n'a pas droit de nommer & cela uniquement parce que le Roi s'en eft formellement réfervé la nomination.

L'inftitution du profeffeur d'hydrographie appartient donc effentiellement à M. l'Amiral par le titre de fa charge, demême que la nomination à tous les autres emplois rélatifs à la navigation marchande & à la police maritime. Auffi eft-il certain que S. A. S. eft en poffeffion actuellement & depuis long-temps, de pourvoir aux places d'hydrographie qui viennent à vacquer, dans tous les ports, autres que ceux de marine royale ; & cela auffi-bien dans les lieux où les villes & communautés payent les gages ou appointemens de l'hydrographe, qu'ailleurs.

Il n'y a eu d'exception abfolument que pour quelques villes, où, comme à la Rochelle, la claffe d'hydrographie a été réunie à des colleges. Mais on comprend que ces réunions, ayant été faites fans fon aveu, elles n'ont pu lui faire perdre fon droit.

Auffi S. A. S. s'eft-elle déterminée fans héfiter, à fe pourvoir pour faire révoquer ces réunions; cependant, comme en attendant la décifion qui doit intervenir pour le rétablissement de la regle & la confervation des droits de M. l'Amiral; le public auroit trop fouffert d'une plus longue interruption de l'enfeignement du pilotage à la Rochelle; S. A. S. a bien voulu permettre au profeffeur actuel nommé par fon provincial, d'exercer par interim & jufqu'à nouvel ordre.

La preuve du droit de M. l'Amiral en cette partie, fe tire encore de l'article 8 du préfent titre, & cela par un argument qui paroît invincible. En effet fi l'hydrographe ne peut s'abfenter fans le congé de l'Amiral, il est évident qu'il ne peut entrer en exercice que fur fa nomination ou de fon agrément.

L

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Es profeffeurs d'hydrographie fauront deffiner & l'enseigneront à leurs écoliers, pour les rendre capables de figurer les ports, côtes, montagnes, arbres, tours & autres chofes fervant de marques aux havres & rades, & de faire les cartes des terres qu'ils découvriront.

UE les profeffeurs d'hydrographie fachent le deffein & tout ce qui ap

Qpartient la navigation, cela eft dans la regle, fur-tout

dans les écoles royales établies pour la marine militaire, où les exercices ne regardent pas feulement les éleves; mais encore s'étendent à ceux qui ont déjà acquis de l'expérience, dans la vue de perfectionner leurs connoiffances & leurs talens. Mais dans les écoles ordinaires d'hydrographie, avec un peu moins de science, on peut être un fort bon profeffeur, puifque les exercices communs s'y bornent à former des éleves capables de prendre hauteur en mer, d'eftimer la route, de régler la manoeuvre jufqu'à un certain point, fuivant les diverfes circonftances qui peuvent fe rencontrer; & par-là de fervir de pilotins ou aides-pilotes, en attendant que l'expérience, qui ne peut s'acquérir que par la pratique, en ait fait de véritables pilotes.

Le deffein entre autres connoiffances, ne peut guere convenir qu'à ces génies heureux & privilégiés, tels qu'il s'en trouve toujours dans chaque art, mais qui ne font jamais en affez grand nombre pour que les leçons extraordinaires qui feroient à leur portée fiffent le fujet d'une inftruction commune & générale.

D'ailleurs les objets pour lefquels notre article recommande l'inftruction du deffein ne pourroient être intéreffans aujourd'hui qu'en cas de nouvelle découverte, & tout le monde n'eft pas propre à en faire. L'honneur en eft réfervé à ces hommes de mer également habiles & audacieux, que les difficultés & les dangers aiguillonnent plutôt qu'ils ne les rebutent; & ceux-là ne forment point de telles entreprifes qu'ils ne fachent beaucoup plus que le deffein outre la navigation.

Tome I.

D d

Pour les autres, fans favoir deffiner ils apprendront aisément, avec le secours de nos cartes marines & de l'expérience, les ports, côtes, montagnes, arbres tours & autres chofes fervant de marques aux havres & rades ; & au moyen de ces mêmes cartes ils feront à couvert de la tentation d'en faire de nouvelles. Tout ce qu'ils peuvent efpérer, c'eft de faire quelques obfervations propres à les rectifier ou perfectionner, fi leurs obfervations fe trouvent juftes.

ARTICLE III.

T

Iendront quatre jours au moins de chaque femaine leurs écoles ouvertes dans lesquelles ils auront des cartes, routiers, globes, fpheres, bouffoles, arbalêtes, aftrolabes & les autres inftrumens & livres néceffaires à leur art.

L

Es inftructions qui ne fe fuivent pas d'affez près & entre lefquelles on met trop d'intervaile, font prefque auffi inutiles que celles qui font trop multipliées. Les traces des premieres s'effacent aifément, par la légéreté de l'efprit qui s'évapore en courant aux objets frivoles faute d'application foutenue. Dans les autres, l'efprit fatigué fe rebute, ou les idées n'ayant pas le temps de mûrir fe brouillent & fe confondent.

Pour prévenir ces inconvéniens, notre Ordonnance a pris un jufte milieu, en fixant à quatre jours par femaine la tenue & l'ouverture des écoles. Elle ne dit pas foir & matin, d'où il s'enfuit qu'elle n'a entendu l'exiger qu'une fois le jour. Cela n'empêche pas néanmoins que les profeffeurs attentifs & zélés ne donnent des leçons furnuméraires, tant pour ceux des écoliers dont l'efprit tardif ne peut fuivre les progrès des autres, que pour ceux qui, par leurs heureufes difpofitions, laiffent le gros de la claffe trop en arriere. Ceux-là ont befoin d'être aidés dans leur marche, & ceux-ci méritent qu'on les foutienne dans l'élévation de leur vol.

Mais ce font là des inftructions de furérogation, d'autant plus dignes d'éloge, qu'on ne peut raifonnablement les exiger.

Il fembleroit refulter de ces mots, chaque Jemaine que l'enfeignement de l'hydrographie devroit être continu & fans aucunes vacances. L'usage est néanmoins dans les écoles où le profeffeur eft gagé, ufage approuvé par le Miniftre de la marine, que le profeffeur puiffe prendre chaque année trois mois pour fes vacances. Si les profeffeurs fans gages en ufent autrement, c'est que leur intérêt les y invite.

Un devoir effentiel, commun à tous les profeffeurs d'hydrographie, c'eft d'avoir dans la claffe les chofes énoncées dans cet article, & généralement tous les inftrumens & livres néceffaires à l'art de la navigation; d'expliquer à leurs éleves les propriétés & l'ufage de chacune de ces chofes; de leur montrer à s'en fervir, à faire des regles qui menent à la fûreté de la navigation, autant qu'elle peut dépendre de l'induftrie de l'homme, à connoître tout ce qui appartient à la sphere, les rumbs de vent, & la route qu'il faut tenir en conféquence; en un mot tout ce qui eft néceffaire pour former un bon pilote dès qu'il aura joint la pratique à la théorie; car fans la pratique, toute l'habileté d'un maître d'hydrographie feroit inutile; & de même fans théorie la pratique ne feroit jamais qu'un matelot ou tout au plus un pilote-côtier.

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