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TITRE X.

Des Congés & Rapports.

E Congé dont il eft ici queftion, eft la permiffion que doit prendre de l'Amiral, tout Capitaine de navire ou maître de bâtiment, avant de fortir d'un port du Royaume & de mettre en mer. On l'appelle Bref où Brieu en Bretagne.

Le rapport eft la déclaration que doit auffi faire au Greffe de l'Amirauté, tout capitaine où maître de bâtiment, à fon arrivée dans un port du Royaume, on l'appelle Confulat à Marseille & dans les autres ports de la Méditerranée.

Il ne s'agit que des congés dans les trois premiers articles de ce titre, les autres concernent les rapports.

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A

UCUN vaiffeau ne fortira des ports de notre Royaume pour aller en mer, fans Congé de l'Amiral enregistré au Greffe de l'Amirauté du lieu de fon départ, à peine de confiscation.

C'E

'EST un des plus beaux droits & privileges attachés à la charge d'Ami. ral, que celui en vertu duquel aucun vaiffeau ne peut fortir des ports du Royaume & mettre en mer fans un congé de fa part.

Du côté de l'ancienneté, il eft vrai que ce droit ne fe perd pas comme d'autres dans la nuit des temps, que fon établiffement eft connu & qu'il se rapporte à l'Ordonnance de Charles VI, de l'an 1400 article 3; mais les motifs qui le firent introduire doivent le faire regarder comme une dépendance naturelle & immédiate de cette importante charge.

En effet ce furent d'une part, les délits, excès & déprédations qui fe commettoient en mer par des Armateurs de navires, & d'autre part le peu de foin que plufieurs Armateurs apportoient à l'équipement & à l'armement des vaiffeaux; ce qui expofoit fouvent le Pavillon François à recevoir des affronts. Tels furent les motifs des défenfes faites à toutes perfonnes d'armer à l'avenir des navires fans le congé de l'Amiral.

Et

I comme, de tout temps; la connoiffance des crimes commis en mer & fur les greves lui avoit appartenu, de même que le commandement des Armée navales, avec inspection fur toutes fortes de bâtimens armés en guerre; il est tout naturel de conclure, que l'obligation impofée aux Armateurs, de prendre de lui un Congé, de fouffrir la vifite de leurs navires, & de faire ferment entre fes mains, de ne porter aucun dommage aux sujets du Roi, amis & alliés, fut moins un droit nouvellement attaché à fa charge, que la confirmation de fes anciens privileges en cette partie, & une fage précaution prife, pour le mettre plus en état de connoître les Armateurs, d'arrêter leurs excès par la crainte de la punition, & de faire refpecter le Pavillon François.

Ceux qui veulent que nous n'ayons rien de bon dans notre police, comme dans notre jurifprudence, que nous n'ayons emprunté du droit Romain, prétendent que ceft là que nous avons puifé l'idée des Congés qu'il faut prendre à l'Amirauté, pour avoir la permiffion de naviger.

Ils citent à ce fujet la loi unique Cod. de Littorum & itinerum cuftodiâ, la loi feconde de Naviculariis auffi au Code, la loi 21, Cod. theodofiano eodem titulo, & la loi quoties cod. de naufragiis.

Ils ajoutent que ces Congés s'appelloient fecuritates & que l'Officier qui les donnoit étoit nommé comes commerciorum, ce qui convient à la dénomination d'intendant du commerce.

Ils fe prévalent auffi de ce qu'il étoit défendu de naviger pendant l'hyver, c'est-à-dire; depuis le premier Octobre, jufqu'au premier Avril, durant lequel temps la mer étoit clofe & rapportent à cette occafion ce vers de Lucain. Hæc eadem fuadebat hyems que clauferat aquor.

A quoi fait allufion ce que Ciceron écrivant à fon frere Quintus lui difoit: » comme je ne recevois point de vos nouvelles je jugeois bien que la mer étoit » encore fermée, &c.

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Ils ajoutent encore qu'au retour du Printemps qui rendoit la navigation libre, les Romains faifoient des jeux & des facrifices en l'honneur de Neptune tandis que les Grecs offroient un vaiffeau à Diane ;'c'eft-à-dire à la Lune qu'ils regardoient comme la déeffe de la mer ; d'où il femble que les Vénitiens ayent emprunté la cérémonie que leur Doge fait tous les ans d'époufer la mer, le jour de l'Afcenfion.

Tout cela eft accompagné d'un paffage d'Apulée tiré du 11 livre, où l'on fait parler Diane en ces termes, la religion des peuples m'a confacré de tout temps ce jour heureux « où les tempêtes & les orages finiffent avec l'hyver, » & où la mer oubliant fa fureur recommence à devenir navigable. C'est » dans ce jour que mes prêtres me confacrent un vaiffeau qui n'a jamais fer»vi, comme les prémices de toutes les navigations qui fe doivent faire fur » la mer.

Enfin ils citent d'Argentré fur l'article 56 de la Coutume de Bretagne, note premiere, n. 43, comme s'il infinuoit que c'eft delà que procéde la plus ancienne pratique des Congés & des permiffions de naviger, tandis qu'il fait honneur à fa province de l'établissement de cet ufage, ce qui au fond n'est pas mieux imaginé.

Mais tout cela eft de l'érudition perdue; c'eft tirer les chofes de trop loin.

Tome I.

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En effet outre la défense de naviger en hyver, tout ce qu'on trouve à ce fujet dans les loix Romaines, fe réduit à la confifcation des marchandises prohibées dont l'exportation étoit faite fans une permiffion expreffe de l'Empereur ou de fes Officiers, à l'effet de quoi il falloit déclarer le lieu de la deftination du navire. Or qu'eft-ce que tout cela a de commun avec le congé de l'Amiral, qui, fans aucun rapport aux marchandises, eft nécessaire pour toute navigation légitime?

Et à l'égard des brefs ou brieux que Pierre de Dreux dit Maucler s'engagea, par tranfaction avec St. Louis (de l'an 1231, fuivant Cleirac page 543, & Pierre Garcie dit Ferrande, dans fon grand-routier compofé en 1483, ) de faire délivrer à ceux qui voudroient avoir la faculté d'entrer dans fes ports & havres, & de naviger dans fes parages fans danger de confiscation; on ne voit là qu'un trait d'avarice de la part de ce Duc de Bretagne, qui ne confentit à faire ceffer la cruauté & la barbarie dont il ufoit dans fes Etats en cas de naufrage, qu'à condition que les navigateurs prendroient de lui moyennant finance, ces brefs ou brieux, fans lefquels on ne pouvoit être jetté fur les côtes de Bretagne ou y aborder, qu'aux rifques de perdre tout-à-la fois les biens & la liberté, & même la vie.

A s'en rapporter néanmoins à d'Argentré fur l'article 56 de la Coutume de Bretagne loc. cit., l'origine de ces brefs ou brieux ne pourroit que faire honneur aux Ducs de Bretagne. Selon lui, parce que la côte de Bretagne eft toute hériffée d'écueils, les Ducs par principe d'humanité, firent des défenfes à tous navigateurs d'entrer dans aucun port de Bretagne ou d'en fortir fans congés de leur part, & fans prendre des Pilotes du pays qui par une longue expérience étoient en état d'éviter les écueils & de prévenir les naufrages; par où il donne à entendre que le droit de bris & naufrage exercé contre les navigateurs n'étoit que la jufte peine de leur négligence à fe munir de ces brefs ou brieux. Mais cette idée que lui a fuggéré le défir d'excufer une Coutume auffi barbare, ne s'accorde nullement avec les brefs de fauveté qu'il falloit prendre & payer bien cherement, pour se rédimer de la confifcation des effets en cas de naufrage, ni avec les deux autres brefs appellés de conduite & de victuailles.

Quoiqu'il en foit, il est toujours vrai que l'ufage de prendre des congés de l'Amiral n'a point été emprunté ni des Romains, ni des Bretons, & que l'époque de fon établiffement qui eft de l'année 1400, fuivant l'Ordonnance de Charles VI, déjà citée article 3, n'a eu que des caufes juftes & légitimes.

Jufques-là néanmoins il n'étoit encore question que des navires armés en guerre ou équipés en temps de guerre; mais parce que même en temps de paix, il fe commettoit de la part des François, des pillages & brigandages fur mer, tant à l'égard des fujets du Roi que des amis & alliés, défordres dont il étoit difficile d'avoir la preuve contre les coupables; François premier par fon Ordonnance de 1517, en confirmant celle de 1400, ordonna article 22 que foit en temps de paix foit en temps de guerre, aucun navire ne pourroit aller à voyage lointain fans congé de l'Amiral & fans bailler caution juratoire de ne méfaire aux amis & alliés.

L'objet du légiflateur, étoit comme l'obferve Carondas fur le code Henri, fol, 610, verso » que l'Amiral pût connoître les Armateurs des navires,

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,

» & caufe de leur voyage, afin que fous prétexte d'icelui ils ne commissent lains & pilleries, & ne devinfent corfaires & pirates pour piller les amis & »al és de la France.

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Jufque-là encore & long-temps après, il n'étoit auffi queftion que des voyages lointains, & la peine de la contravention étoit arbitraire; mais par l'article 31 de l'Ordonnance de Henri III, du mois de Mars 1584, l'obliga tion de prendre un congé de l'Amiral fut étendue à tout voyage même de port en port, & il fut ajouté que l'enregistrement en feroit fait au greffe du lieu du départ du navire, le tout fur peine de confiscation du navire & des marchandises.

Dépuis ce temps-là le droit de l'Amiral, dans la poffeffion duquel l'Or donnance de 1543, article 48, avoit déjà fait défenfes à quiconque de le troubler, fe trouva fi bien établi, que l'Amiral de Montmorency fut autorifé à rendre une Ordonnance le 20 Janvier 1620, contre ceux qui navigeoient fans commiffion & congé de fa part, & contre les déprédeurs, portant que leur procès leur feroit fait par les Officiers de l'Amirauté à la requête du Procureur du Roi.

Sur la démiffion de cet Amiral le Roi Louis XIII ayant jugé à propos de fupprimer cette charge dont le pouvoir étoit alors fi étendu, & d'y fubftituer celle de Grand-Maître, chef & fur-intendant général de la navigation & commerce de France, qu'il créa en faveur du Cardinal de Richelieu ; celui-ci ne tarda pas à faire un réglement daté à Paris du 2 Janvier 1627, par lequel il fixa les fommes qui lui feroient payées à l'avenir pour fes droits de congés, avec défenfes à tous Capitaines & maîtres de navires, de fortir des ports & havres du Royaume fans congé, à peine d'être traités comme pirates & d'être procédé contr'eux fuivant la rigueur des Ordonnances.

Le tarif porté par ce réglement fubfifte encore aujourd'hui fans augmentation, quoique la valeur des efpeces ait triplé dépuis ce temps-là ; mais auffi la navigation a dépuis confidérablement augmenté.

Peu après intervint l'Ordonnance de 1629 qui, article 455 enjoignit de nouveau à tous navigateurs avant de mettre en mer, de prendre des congés du Grand-Maître & fur-intendant de la navigation fur les peines portées par les Ordonnances.

Quoique cette Ordonnance n'eût point été enregistrée au Parlement de Paris ni dans celui de Rouen, le Cardinal de Richelieu, dont le droit étoit antérieur à cette Ordonnance ne craignit point d'en rendre une autre le 28 Octobre 1637, par laquelle défenfes furent faites aux Officiers de l'Amirauté de laiffer fortir aucuns vaiffeaux fans congé de fa part, à peine de fufpenfion de leurs charges.

En 1641 le 23 Mars il fit auffi un réglement pour fixer les droits & les vacations des Officiers de toutes les Amirautés du Royaume; tant pour l'enregiftrement des congés, que pour leurs autres fonctions ; & ce réglement confirmé par Arrêts du Confeil des 7 Mai 1644, 14 Octobre 1650, & 6 Septembre 1661, à quelques petits changemens près, faits par les réglemens poftérieurs des 28 Mars, & 20 Août 1673, fubfifte auffi encore aujourd'hui.

Au reste ce n'eft pas parce qu'il étoit premier Miniftre, qu'il faifoit ainsi des Ordonnances & réglemens fur le fait de l'Amirauté; c'étoit en vertu des

prérogatives de fa charge de Grand-Maître & fur-intendant général de i navigation fubftituée à celle d'Amiral, en quoi il ne faifoit que fuivre l'es emple des Amiraux fes prédéceffeurs, qui de tout temps avoient réglé la p lice des Amirautés, nommé leurs Officiers & fixé les droits qu'ils étoient fondés à percevoir, quoiqu'ils fuffent Officiers royaux comme à préfent.

Sans doute, que les défenfes fi fouvent réitérées de laiffer fortir des ports du Royaume aucuns navires fans congé de l'Amiral n'étoient pas ponctuellement exécutées, puifqu'elles furent encore renouvellées par deux Ordonnances des 20 Mai & 28 Novembre 1645, & par la Déclaration du Roi du 1 Février 1650 article 3 & 7, fuivie d'une Ordonnance de Mr. de Vendosme du 1 Août de la même année, & d'une autre du Roi du 20 Juin 1651.

Cependant cela ne regardoit pas encore la navigation aux Ifles de l'Amérique; ce n'étoit point de l'Amiral qu'il falloit prendre les congés néceffaires pour y aller. Par Arrêt du Conseil du 22 Juin 1669, le Roi s'étoit réservé le droit de les donner, & il ne les accordoit que fur les certificats des Directeurs de la compagnie des Indes Occidentales qui avoient dans ce temps-là le commerce exclufif de ces Ifles.

Mais lorsque le Roi Louis XIV rétablit au mois de Novembre de la même année 1669, la charge d'Amiral, en faveur du Comte de Vermandois, il fit ceffer cette différence ou exception, puifque dans l'énumération des droits que, par confirmation il attacha à cette charge, celui de délivrer des congés à tous les vaiffeaux indiftinctement fortant des ports du Royaume, fe trouve formellement compris ; & enfin il a été invariablement confirmé par cet article, qui loin d'avoir reçu la moindre atteinte depuis ce temps-là, a au contraire été étendu jufqu'aux vaiffeaux du Roi, fretés ou prêtés à des particuliers, & aux navires marchands pris pour le service du Roi, toutefois avec quel que modification ou restriction.

Cette reftriction eft pour le cas où le Roi paye & nourrit l'équipage & qu'il nomme le Capitaine Hors delà qu'il s'agiffe d'un vaiffeau du Roi freté à quelque particulier ou à une compagnie, ou d'un vaiffeau auffi du Roi armé en courfe pour le compte & rifque des particuliers, ou enfin d'un navire marchand que le Roi a pris à fret : il eft enjoint aux Capitaines qui montent & commandent ces vaiffeaux ou autres bâtimens de prendre un congé de l'Amiral & de remplir les autres formalités auxquelles font fujets les Capitaines des navires marchands, avec défenfes de fortir des ports fans congé & fans avoir payé les droits de l'Amiral, fur les peines portées par les Or donnances. Arrêt du Confeil d'Etat du 25 Juillet 1702.

Par rapport aux vaiffeaux du Roi armés en courfe pour le compte & rifque des particuliers, cela avoit déjà été décidé auparavant; & en conféquence dans la guerre de 1688, les fieurs de Nefmond & de Pointis avoient été obligés de prendre des commiffions de l'Amiral, comme dans la guerre de 1700, furent auffi affujettis à en prendre, les fieurs de Beaubriant, de la Rue, Dugué Trouin, Herpin, Chauvel, Graton Echard, du Bocage, St. Pol & autres.

Durant plus de 25 ans, la Compagnie des Indes Orientales, aujourd'hui connue fous le nom de Compagnie des Indes, fe prétendit exempte de prendre autfi des congés & des commiffions en guerre de l'Amiral; mais par Ar

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