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la gloire de fon entreprise, qu'à former un corps de loix particulieres, toutes
relatives à cet objet, où l'on trouvât des difpofitions pleines d'équité & de
fageffe, pour inftruire les gens de mer de leurs principaux devoirs,
la jurifprudence des contrats maritimes, & établir une bonne police dans
les ports & rades, de même que fur les côtes du royaume, en déterminant
en même temps les droits, privileges & prérogatives de l'Amiral, la juris-
diction de l'Amirauté, la procédure qui devoit y être obfervée, les fonc-
tions & les obligations enfin des juges & autres officiers prépofez pour con-
courir au maintien du bon ordre dans cette partie de notre droit François,
où jufques-là, tout étoit en quelque forte arbitraire. Et c'eft ce qui a été
admirablement exécuté dans cette ordonnance qui, (a) comme il a été ob-
fervé ailleurs, eft fans contredit le chef-d'œuvre de la légiflation de Louis XIV.

Celles de 1667, 1669, 1670 & 1673, font à la vérité chacune dans fon genre, d'une beauté finguliere qui charme d'autant plus qu'on y donne plus d'attention mais ces ordonnances roulent fur des matieres, dès lors extrêmement connues. Il n'étoit queftion que de choisir & d'arranger. Il y avoit beaucoup moins à ajouter qu'à réformer, & pour tout cela il fuffifoit d'être verfé dans l'ordre judiciaire & dans la jurifprudence générale; au lieu que pour la formation de celle-ci, il falloit créer à chaque inftant, fur-tout pour la partie relative à la jurifprudence maritime, totalement négligée dans nos anciennes ordonnances: Car il eft bon de remarquer ici, qu'excepté quelques réglemens de police, il n'y eft question, prefque par-tout, que des droits & des prérogatives de l'Amiral & de fa jurifdiction.

Il étoit donc queftion de fe frayer une route dans un pays inconnu, & cela fans autres guides, que le droit romain fort court fur cette matiere & quelques auteurs qui avoient récueilli les Us & Coutumes de la mer, mais qui, pour n'en avoir pas d'ordinaire pénétré le fens, y avoient mis fort peu d'ordre & de précision.

Il en falloit extrêmement néanmoins pour traiter, avec autant de netteté que d'intelligence, des maticres auffi abftraites & auffi étrangeres à la jurifprudence ordinaire, où par conféquent il étoit fi aifé de fe méprendre & de tomber dans des contradictions qu'une grande méditation foutenue d'un difcer nement exquis, étoit feule capable de faire éviter.

Et c'eft-là ce qui fait le mérite diftinctif & caractérisé de notre ordonnance. On y trouve un corps de doctrine admirable; une collection précieufe de décifions claires & profondes en même temps, fur une infinité de points cardinaux, jufques-là ignorés ou mal dévéloppez. Ce font autant de principes féconds, dont un efprit attentif & accoutumé à la précifion, eft en état de tirer des conféquences fûres, propres à réfoudre tous les cas qui peuvent fe préfenter. Enfin ce qui met le comble à l'éloge de notre ordonnance c'eft qu'à quelques décifions près, elle eft devenue en quelque forte, la loi générale de toutes les nations de l'Europe commerçantes fur mer.

Il est vrai qu'il y a été fait depuis de grands changemens; mais ils n'ont aucun rapport à la jurifprudence, qui eft toujours demeurée la même. Ces changemens en effet, ne regardent guere que la police de la navigation & du commerce, matiere naturellement fujette à de nouveaux réglemens. Peutêtre après tout, ont-ils été trop multipliés, & quelques-uns faits avec

ka) V. la Préface.

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trop peu de précaution; delà, tant de variations & de contrariétés. La matiere des prifes entr autres, a éprouvé des changemens qui rendent cette partie de nos loix maritimes extrêmement compliquée & embarraffante.

Cependant malgré toutes ces attentions à régler, protéger & encourager le commerce maritime, il lui auroit manqué un avantage confidérable dont la privation feule auroit été capable de contre-balancer tous les autres, fi la jurifdiction de l'Amirauté, où doivent être portées les frequentes conteftations qui naiffent en exécution des contrats maritimes, & qui doivent être décidées avec la célérité qu'exige la vivacité des opérations relatives à la navigation, n'eût pas été déclarée exempte d'une quantité de droits & de formalités, dont les autres jurifdictions font furchargées; & fi d'un autre côté, par rapport au contrôle des pieces, les unes n'en euffent pas été déchargées en plein, & fi le droit dû pour les autres, n'eût été modéré de maniere à ne pas devenir trop onéreux au commerce.

On trouvera avec les preuves, fur l'art. 2 du titre de l'Amiral, l'énumération des droits & des formalités dont la jurifdiction de l'Amirauté eft affranchie. A l'égard du contrôle, l'article 7 du tarif du 29 Septembre 1722, y avoit affujetti les polices d'affurar.ces, comme les contrats à la groffe; mais par Arrêt du Confeil du 12 Août 1732, qui fera rapporté fur l'art. 2 du tit. des affurances, toute police d'affurance en a été déclarée exempte ; & fi l'on a laiffé fubfifter le droit pour le prêt à la groffe, c'est que ce contrat eft auffi peu favorable au commerce maritime que celui de l'affurance lui eft néceffaire. Par l'article 38 du même tarif, tout dépôt de pieces fous-fignature privée, eft auffi affujetti au droit de contrôle. Cela étoit extrêmement gênant & onéreux pour le commerce de l'Amérique, parce que ce commerce ne peut fe faire avec les habitans de nos colonies, fans leur faire des crédits, dont les pieces juftificatives apportées en France par les capitaines de navires, pour fervir à leur décharge envers leurs armateurs, font fujettes à être envoyées enfuite aux colonies pour en retirer le payement des débiteurs. Les armateurs & négocians porteurs de billets ou reconnoiffances des colons de l'Amérique, craignant avec jufte raifon, fur-tout en temps de guerre, que ces pieces ne fe perdiffent dans la traverfée, chercherent à fe précautionner contre cet inconvenient, en les faifant enregistrer au greffe de Ï'Amirauté; mais le greffier refufant l'enregistrement, à caufe de la difpofition du tarif, à moins que ces pieces ne fuffent préalablement contrôlées, il arri voit que les négocians & armateurs aimoient mieux courir le rifque de la perte des pieces juftificatives de leurs créances, que d'en payer le droit de contrôle. Dans cet embarras ils fe pourvurent auprès de M. Orry, Contrôleur général des Finances, qui, fur la réponfe des Sous-Fermiers du droit de contrôle, décida par fa lettre à M. de Barentin Intendant, du 12 Août 1743, » que ces pieces pourroient être librement enregistrées à l'Amirauté fans » être contrôlées, à condition néanmoins que les armateurs & négocians ne » pourroient en faire ufage en France, ou des copies qui en feroient dé» livrées en cas de perte des originaux, fans être préalablement contrôlées, » & les droits acquittés. »

En ce qui concerne les contrats d'engagement des matelots, pour le commerce ou pour la courfe, l'article 50 du tarif, regle le droit de contrôle à 5 fols pour chaque article du rôle, fans néanmoins que la totalité du droit

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puiffe excéder 15 liv. Il n'y a de difficulté à cet égard de la part des prépofés à la perception des droits de contrôle, qu'en ce qu'ils prétendent que pitaine doit payer un droit de contrôle à part, fur le pied des gages qu'il doit gagner, comme ne devant pas être compris & confondu avec les matelots; mais c'eft-là une chicanne. Dans l'efprit de l'ordonnance, toutes les difpofitions qu'elle contient par rapport aux matelots, doivent être appli quées aux capitaines & autres officiers, fauf les cas où ils font mis en oppofition les uns avec les autres. V. l'article 21 tit. de l'engagement & des loyers des matelots, avec les obfervations fur les art. 2, 6, 9 & 10 du même titre.

Il a été un temps que ces mêmes préposés ne vouloient pas borner le droit de contrôle des connoiffemens à 5 f. tel qu'il a été fixé par l'art. 60 du tarif, pour les lettres de voiture, fans prendre garde que les lettres de voiture qui font d'ufage fur mer comme fur terre, repréfentent abfolument dans la navigation au cabotage de port en port, les connoiffemens dont on ufe dans la navigation au long cours, ou au grand cabotage; mais la difficulté ne fubfifte plus.

Enfin pour ce qui eft des charte-parties, comme il n'y a rien dans le tarif qui s'y rapporte directement; ces prépofés toujours ardens à étendre les droits, prétendent percevoir le contrôle des actes de cette nature fur le pied des fommes fixées pour le fret; & non-feulement ils le perçoivent de cette maniere; mais même ce qui eft un abus encore plus criant, ils le prennent fur tous les articles de la charte-partie, quoiqu'il n'y ait quelquefois d'ufage à en faire en juftice, que contre quelques-uns de ceux qui l'ont foufcrite, au lieu de borner le droit de contrôle aux articles pour raifon defquels feulement il y a matiere à action contre ceux qui refufent de les exécuter.

Il est étonnant que les négocians ne fe foient pas pourvus à ce fujet, pour faire régler le droit qui peut être légitimement perçu pour le contrôle des charte-parties, & qui naturellement ne devroit être exigé que fur le pied des lettres de voiture & des connoiffemens, ou des contrats d'engagement des matelots; c'est-à-dire, qu'à raifon de 5 fols par article.

En effet, qu'un maître s'engage de prendre dans fon navire une telle quantité de marchandifes de plufieurs perfonnes, ou que fans charte-partie, il s'oblige par des connoiffemens de livrer, moyennant le payement de fon fret, les marchandifes qu'il reconnoît avoir déjà reçues dans fon bord; n'est-ce pas abfolument la même chofe? Et à l'égard des marchands chargeurs, quelle différence peut-on faire, entre ceux qui fe foumettent de charger leurs marchandises dans un navire, & ceux qui y ayant déjà chargé retirent du maître des connoiffemens pour l'obliger de remettre les marchandifes à leur deftination, moyennant auffi le payement de fon fret?

En tout cas s'il reftoit quelque difficulté fur cela, le bien du commerce exigeroit toujours, que le droit de contrôle pour les charte-parties, fût modéré effectivement à 5 fols par article.

L'accroiffement des forces de l'Etat fera toujours en proportion des facilités, de la protection & des avantages que l'on accordera au commerce.

Nota. Les obfervations ci-deffus prouvent que l'on s'eft trop avancé dans l'avertiffement qui eft a la tête du recueil de pieces concernant la compétence de l'Amirauté, imprimé a Paris

chez d'Houry en 1759, lorfqu'on y a déclaré art. 21, pag. 36, affiniativement & fans modification, qu'a l'Amirauté l'on n'eft point affujetti au contrôle des actes fous feings privés.

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LIVRE PREMIER.

Des Officiers de l'Amirauté & de leur Jurifdiction.

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fe

Lufieurs auteurs fe font fatigués inutilement à chercher l'étymologie du nom d'Amiral: il en eft même qui, fur cela, font livrés à des conjectures qui paffoient le raffinement. La Popeliniere (qui s'eft donné pour le premier qui ait traité de la charge d'Amiral, parce qu'il n'avoit pas eu connoiffance des écrits de le Ferron & de du Tillet, imprimés l'un en 1555, l'autre en 1578, fur une édition précédente dans fon traité de l'Amiral pag 66 & fuiv. après avoir réfuté les différentes opinions formées à ce fujet, conclud que l'étymologie en eft abfolument incertaine; en quoi il a été fuivi par Seldenus mare claufum feu de domanio maris lib. 2°. cap. 16'. fol 336, par du Cange & par le plus grand nombre des auteurs qui ont écrit après lui fur cette matiere.

Le même la Popeliniere, ajoute néanmoins que ce terme Amiral, originairement Almiral, puis Admiral, n'a été connu en France qu'au temps des guerres des Croisades; d'où il s'enfuivroit, comme l'ont penfé le Pere Fournier, liv. 7, ch. 1. fol. 297, & le P. Daniel dans fon histoire de la milice Françoife, tom. 2, liv. 14, chap. 7, pag. 690, que ce mot nous feroit venu effectivement des Sarrafins ou Arabes, & par conféquent favoriferoit l'opinion de ceux qui le font venir d'Emir ou Amira, terme Arabe qui, felon du Cange & Loccenius de jure maritimo lib. 2°. cap. 2°. n°. 1°. pag. 135, dominum vel præfectum fignat.

Ce qui appuye encore cette opinion, qui eft aujourd'hui généralement adoptée; c'eft non-feulement que Seldenus fuprà, dit que l'on n'a commencé tout de même à fe fervir de ce mot en Angleterre que fous le regne d'Edouard 1er. mais encore qu'il a paffé en Sicile, en Efpagne & dans les autres pays de

l'Europe, dont les Princes ont également pris part aux expéditions relatives à la conquête de la Terre-Sainte.

Les croifés voyant que les Sarrafins & les Mahométans appelloient Emirs ou Amiras les chefs de leurs troupes, l'emprunterent d'eux pour défigner les commandans de leurs flottes; delà en France par un léger changement s'eft formé le nom d'Amiral, rendu enfuite en latin par ces expreffions, maris fectus, præpofitus ad mare, claffis regia magifter, galliarum Neptunus.

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Cependant les Sarrafins & les Arabes, appelloient indifféremment Emirs ou A miras, les commandans des provinces ou des troupes de terre, & les chefs de leurs forces navales. On voit même dans nos anciennes Ordonnances, antérieures à la création de la charge d'Amiral, & même à toutes commiffions données par nos Rois pour le commandement des forces maritimes, que fous le nom d'Amiraux, étoient compris des chefs de troupes qui n'avoient aucu ne relation à la marine.

Mais dans la fuite, la fignification de ce terme fut reftreinte de maniere qu'il ne défignoit plus abfolument qu'un officier de confidération, nommé par le Roi pour commander fur mer, & pour faire préparer tout ce qui étoit néceffaire pour le fuccès de ces fortes d'expéditions.

Dans ce fens, on pourroit dire avec quelques auteurs, que de tout temps il y a eu des Amiraux en France, parce que nous avons eu peu de Rois qui, au befoin de temps à autre, n'ayent eu des flottes en mer.

C'eft auffi dans ce fens que ceux qui ont voulu groffir la lifte de nos Amiraux, ont donné pour tels, fur la foi d'Eginard, un Rutland, ou Roland felon du Tillet, qui le nomme præfectus littoris Britannici. Mais outre que ces mots défignent plutôt un Gouverneur chargé de veiller à la défenfe des côtes de Bretagne qu'un Amiral; c'eft que rien n'indique dans notre histoire, que fous Charlemagne même, la France eût des forces maritimes capables de la faire refpecter; & en effet fi elle en eût eu, les Normands auroient-ils pu faire toutes ces courfes, qui durant fi long-temps, mirent le Royaume dans le plus grand péril, & le réduifirent pour ainfi dire à deux doigts de fa perte. Il est vrai que Charlemagne, prévoyant ce que la France avoit à craindre pour l'avenir des incurfions de ces barbares, puifque malgré l'étendue de fa puiffance, ils avoient ofé les commencer fous fes yeux, jetta les fondemens d'une marine formidable dans le Royaume, en même temps qu'il pourvut à la garde des côtes. Il fit en conféquence équiper un grand nombre de vaiffeaux qui furent diftribués en différens ports & à l'embouchure des rivieres moyennant lefquelles précautions les Normands ne firent plus guere de defcentes impunément. Daniel pag. 620. Mais outre qu'on ne voit point que ce Prince eût nommé un ou plufieurs Amiraux pour commander ces vaiffeaux ou pour veiller à leur entretien; c'eft que peu après fa mort, cet établissement fi utile fut négligé totalement fous Louis le Débonnaire & Charles le Chauve, qui en cela ne furent que trop imités par leurs fucceffeurs, même de la troifieme race.

La France cependant équipoit des flottes de temps à autre, & il ne tient pas à la Popeliniere, pag. 41 & fuiv. qu'on ne penfe à caufe de cela, qu'il y avoit des Amiraux en France, auffi-bien avant Hugues Capet que fous fon regne & celui de fes fucceffeurs, fur-tout du temps des Croitades, quoique

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