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E pourra le chirurgien quitter le vaifleau dans lequel il sera engagé, que le voyage entrepris n'ait été achevé ; à peine de perte de fes gages, cent livres d'amende, & de pareille fomme d'intérêt envers le maitre.

I L eft plus aifé de fe paffer d'un écrivain ou d'en faire le remplacement que d'un chirurgien; c'eft pourquoi la peine de l'écrivain qui déserte eft bornée par l'article 8 du tit. qui le concerne, à la perte de fes gages & à une amende arbitraire; tandis que celle du chirurgien, outre la perte de fes gages tout de même, eft de cent livres d'amende & de pareille fomme envers le maître; c'est-à-dire, au profit du propriétaire du navire, à qui le maître doit en compter.

La peine contre l'un & l'autre étant déterminée à part, il s'enfuit qu'ils ne peuvent, comme le matelot déferteur, être pourfuivis & arrêtés, ni contrains par corps d'exécuter leur engagement & de continuer le service, encore moins être fujets à la peine corporelle prononcée en ce cas contre le matelot.

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Mais que dire de la défertion du pilote & du contre-maître, que l'Ordonnance n'a point prévue à part, comme celle de l'écrivain & du chirurgien ? je pense que tant par cette raifon qu'à caufe de l'article 21 du tit. de l'engagement des matelots, qui déclare que tout ce qui eft ordonné » touchant les loyers, panfement & rachat des matelots, aura lieu pour les officiers » & autres gens de l'équipage je penfe, dis-je, que ce qui eft décidé par l'article 3 du titre fuivant 3 du titre fuivant, au fujet de la défertion des matelots, eft applicable tout de même, tant au pilote & au contre-maître qu'à tous les autres officiers majors au mariniers ; & que dans l'efprit de l'Ordonnance en général, tous les gens de l'équipage font compris fous le nom de matelots, fauf les articles qui établiffent entre eux des différences marquées.

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Tome 1.

TITRE VII.

Des Matelots.

N matelot eft un homme de mer qui a acquis une expérience fuffifante au fait de la manoeuvre d'un vaiffeau.

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Pour être reconnu matelot, il faut avoir été mouffe ou novice. Un mouffe eft un enfant de 12 ans au moins & de 16 à 17 ans au plus, embarqué fur un navire pour y fervir de garçon de bord ou de page, comme l'appelle Cleirac fur le premier des jugemens d'Oleron, note 8 in fine, pag 13. Après avoir fervi, en cette qualité un temps compétent, il doit être enrôlé comme matelot à l'âge de 18 ans. Art. 4, tit. 5, liv. 8 de l'Ordonnance de 1689; & cela quoiqu'il n'ait fervi que fur les barques des pêcheurs; de maniere qu'à cet âge, il ne peut plus être retenu comme garçon de bord par les capitaines & maîtres. Art. 34, tit. premier du même liv. 8 de ladite Ordonnance, confirmée en cette partie par le Réglement du 31 Août 1722, art. 10.

Cela avoit déjà été ainfi prefcrit par l'Ordonnance du 19 Avril 1670, qui portoit de plus que les garçons de bord, après fix mois de fervice feroient réputés novices, & qu'après deux ans de navigation fur lefdites barques, ils feroient incorporés dans les claffes. C'eft qu'on ne pouvoit les recevoir alors qu'ils n'euffent l'âge de 15 ans. Autrefois à Venife, pour se former à la navigation, les enfans des meilleures maifons commençoient par être pages ou mouffes. Cleirac fur l'art. 16 des jugemens d'Oleron, n. 6, pag. 74.

Le novice est un jeune homme qui, foit qu'il ait été mouffe ou non, s'engage pour fervir une campagne fur un vaiffeau marchand. Pour être reçu en cette qualité, il faut qu'il ne foit pas au-deffous de l'âge de 16 ans, ni audeffus de celui de 25 ans. Art. 3 de l'Ordonnance du 22 Décembre 1739, confirmée en cette partie par l'article premier de l'Ordonnance du 12 Décembre 1759, même pour les vaiffeaux du Roi,

Autrefois il lui falloit deux ans de fervice pour être réputé matelot. Ordonnance du 19 Avril 1670; mais l'expérience ayant appris qu'on pouvoit devenir matelot en moins de temps, il a été réglé depuis, qu'un an de navigation fuffiroit. Art. 12 de l'Ordonnance du 23 Juillet 1745.

Il s'enfuit delà qu'un mouffe n'a plus befoin d'attendre l'âge de 18 ans pour être reconnu matelot, & qu'à l'âge de 16 ans, s'engageant comme novice, il fera matelot après un an de navigation en cette qualité de novice, fur les vaiffeaux du Roi ou fur les navires marchands.

Les noms des matelots, des novices & des mouffes, font également infcrits fur les regiftres des claffes; mais pour cela, les novices & les mouffes

ne font pas encore enrôlés à l'effet d'être commandés pour le fervice des vaiffeaux du Roi il faut avoir fervi comme matelot pour y être fujet. L'enrôlement des matelots avec leur diftribution par claffes dans chaque département, eft un des principaux moyens employés par Louis XIV pour foutenir la fplendeur de la marine du Royaume, & la rendre toujours formidable.

Ce grand Prince ayant compris que rien ne pouvoit plus contribuer à la gloire de fon regne & à la profpérité de fes fujets, que le rétabliffement des forces maritimes, du commerce & de la navigation dans toute l'étendue de fes états, y donna une attention particuliere dès qu'il eut pris en main les rènes du gouvernement.

Delà tant de magnifiques établiffemens pour la commodité & la fûreté des ports; tant de fages Réglemens pour y maintenir l'ordre & la police; tant d'utiles précautions pour la meilleure construction des vaiffeaux, leur prompt équipement & leur conservation.

L'activité du travail & le bon emploi des fonds, ayant répondu aux vues du Monarque, en peu d'années la France fut en état de faire refpecter son pavillon. Mais jufque-là elle n'avoit encore que des vaiffeaux & d'excellens capitaines; les équipages fe formoient difficilement, & lorfqu'il y avoit quelque armement confidérable à faire, il falloit recourir à l'expédient de fermer les ports; ce qui arrêtoit tout-à-coup le commerce & la navigation des particuliers, comme le déclare l'Edit du mois de Mai 1670.

Ce fut pour remédier à ce double inconvénient que l'on forma le projet de l'enrôlement des matelots & autres gens de mer. L'effai s'en fit tant dans cette province d'Aunis que dans celles de Poitou & de Saintonge; & l'opération en fut confiée à Mr. Colbert du Terron, Confeiller d'État & Intendant de la Marine en Ponant, par Ordonnance du 17 Décembre 1665.

L'Ordonnance portoit, que » revue feroit faite en chacune des commu» nautés des villes & bourgs maritimes de ces trois provinces, pour recon» noître & enrôler ceux qui feroient jugés capables de fervir dans la Ma» rine; à l'effet de quoi, que tous les ports de ces provinces demeureroient » fermés, de maniere qu'il n'en pût fortir aucun vaiffeau ni autre bâtiment, » jufqu'à ce que la revue eût été faite. »

Le fuccès de cet effai fut tel, que le Roi par une autre Ordonnance du 22 Septembre 1668, déclara que fon intention, étoit que l'enrôlement des matelots fût pratiqué » dans toutes les villes & communautés des côtes » maritimes du Royaume pour être enfuite les matelots partagés en trois » claffes, comme on l'avoit fait depuis peu dans les gouvernemens de la Rochelle » Brouage & ifles de Saintonge, pour fervir une année fur les vaiffeaux de » Sa Majefté, & les deux années fuivantes fur les navires marchands; de » façon que lefdites claffes auroient à rouler & fervir alternativement fur les » vaiffeaux de guerre & les vaiffeaux marchands. >>

C'étoit effectivement, comme s'en explique cette Ordonnance, le moyen le plus efficace pour affurer le fervice fur les vaiffeaux du Roi, & pourvoir en même-temps à la commodité des particuliers qui équiperoient des bâtimens pour le commerce & pour la pêche.

Cependant cette opération fi falutaire n'eut pas d'abord ailleurs le fuccès qu'elle avoit eu en Poitou, en Saintonge & en Aunis. Il fallut y revenir plus d'une fois, comme le prouvent plufieurs Ordonnances poftérieures concernant la Bretagne, la Provence & les ports du pays de Labourt; mais enfin un nouvel Edit du mois d'Août 1673, applanit toutes les difficultés, & l'enrôlement des matelots avec leur divifion par claffes, se trouva fi avancé l'année fuivante, que le Roi par fon Réglement général du 6 Octobre 1674, n'eut plus befoin que d'ordonner dans l'article premier du titre 11 qu'il fût maintenu & continué.

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Pour faciliter ce grand établiffement, le Roi par fa Déclaration du 20 Juillet 1661, relative à celle du mois d'Octobre 1647, avoit déjà accordé aux matelots & autres gens de mer, divers avantages, & privileges, dont la plûpart fubfiftent encore aujourd'hui.

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J'observe ici, par occafion, que du nombre de ces privileges font les exemptions du logement des gens de guerre, de guet & garde des portes des villes & châteaux de tutelle & curatelle, de la collecte des tailles fequeftre & garde des biens & régime des fruits pendant l'année de leur fervice, & que la Cour des Aydes de Rouen, ayant donné depuis peu atteinte à ces privileges, fon Arrêt a été annullé par Arrêt du Confeil du neuf Mars 1755, qui a confirmé les officiers mariniers, les matelots & autres gens de mer dans le droit d'en jouir. L'article 6 de l'Ordonnance du 12 Décembre 1759, a admis les novices à la participation de ces mêmes privileges.

Un autre privilege que j'ai cru devoir remarquer particuliérement, parce qu'on en doute dans quelques jurifdictions autres que celle de l'Amirauté eft celui de refuser de plaider & de fe défendre des actions civiles contre eux intentées, pendant l'année de leur fervice pour le Roi ; ce qui emporte la furféance & la fufpenfion de toutes pourfuites contre eux en leurs procès & differents civils; à l'effet de quoi il leur fuffit de produire un certificat du Commiffaire. de la Marine, portant qu'ils font effectivement employés au service de la Marine Royale.

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Ce privilege, & les autres dont il vient d'être parlé, leur ont été accordés d'abord par Edit du mois d'Août 1673; puis confirmés par l'Ordonnance du 15 Avril 1689. liv. 8 tit. premier, article 14, ils l'ont encore été d'abondant par ledit Arrêt du Confeil du 9 Mars 1755. Au moyen de quoi il y auroit de la témérité à refufer de les reconnoître. Quelques-uns on cru néanmoins qu'à l'exemple des lettres d'état, il falloit diftraire de ce privilege de la fufpenfion de toutes pourfuites, les dettes extrêmement privilégiées, telles que font, les loyers de maison, les fournitures de pain & autres alimens; & pour appuyer cette exception ou restriction, on a allegué qu'il feroit même du propre intérêt des gens de mer que cela fût ainfi : mais fans y avoir égard, le privilege a été confirmé en plein, par Sentence de la Sénéchauffée de cette ville du 2 Juillet 1759, rendue fur délibéré.

En même temps que Louis XIV invitoit fes fujets à s'engager au fervice de la marine par l'attrait des privileges, il n'oublioit rien d'un autre côté, foit pour les empêcher d'aller s'établir chez les étrangers, foit pour rappeller ceux qui avoient paffé au fervice d'autres puiffances. C'eft dans cette vue

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qu'intervint l'Edit du mois d'Août 1669, qui, en renouvellant la Déclaration du 20 Juillet 1661, de même que les Ordonnances de Louis XIII des 17 Avril 1635 & 23 Janvier 1638; fit de nouvelles défenfes à tous François de s'habituer dans les pays etrangers, avec injonction à ceux qui s'y étoient établis de retourner dans le Royaume, fur peine contre les uns & les autres de confifcation de corps & de biens.

Par ce même Edit, il fut auffi enjoint à ceux qui étoient au fervice d'une marine étrangere, de retourner dans fix mois, & défenfes furent faites à tous François de fervir hors du Royaume dans la marine, auffi à peine de la vie.

Cet Edit fut fuivi d'une Ordonnance du 2 Octobre audit an 1669, qui en recommanda expreffément l'exécution; & il avoit été précédé d'une Déclaration du Roi du 20 Février 1667, portant amnistie en faveur des officiers mariniers, foldats & matelots fervans dans la marine en pays étranger, à condition de revenir en France en quelque port du Royaume, pour y être engagés au fervice de Sa Majefté; mais par une autre Déclaration du Roi du 10 Octobre 1680, la peine de mort fut commuée en celle des galeres à perpétuité, ce qui a été confirmé par l'article 29, tit. premier, liv. 8 de l'Ordonnance de 1689, en difant punis comme déferteurs car c'étoit alors la peine des déferteurs. Autre Ordonnance conforme du 25 Juin 1698.

Enfin par autre Edit du mois d'Avril 1687, le Roi porta encore l'attention jufqu'à inviter les étrangers à prendre parti dans la marine de France, en accordant à ceux, qui, après y avoir fervi durant cinq ans, voudroient s'habituer dans le Royaume, le privilege de n'être plus réputés aubains & de jouir au contraire de tous les droits des regnicoles, fans avoir besoin de lettres de naturalité, en rapportant fimplement l'extrait de leur enrôlement & les certificats de leur fervice, vifés des Intendans de Marine, ou en leur abfence des Commiffaires aux Claffes; à condition néanmoins de profeffer la Religion Catholique. Toutes ces difpofitions ont été confirmées par l'Ordonnance générale du 15 Avril 1689, liv. 8, tit. premier, où fe trouve réuni dans un feul corps, tout ce qui avoit déjà été réglé & prefcrit pour le rétabliffement de la marine & l'enrôlement des matelots.

C'est ainsi que par des foins affidus, & néanmoins en affez peu de temps, Louis XIV, fecondé par le grand Colbert, fe vit en état, fans apporter aucune interruption au commerce de fes fujets, d'armer ces flottes redoutables qui firent trembler plus d'une fois des puiffances qui jufques-là s'étoient attribué l'empire de la mer.

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Le bel ordre établi par ce grand Prince, conftamment fuivi & maintenu dans la marine, en a été & en fera perpétuellement la reffource. La France pourra bien encore effuyer des revers fur mer: mais fes forces maritimes. feront toujours les mêmes tant qu'elle trouvera dans la multitude de fes officiers & de fes matelots, la même facilité pour former de bons équipages. Et il n'eft pas à craindre au refte qu'elle manque dans la fuite d'hommes de mer, quelque augmentation qui furvienne dans le commerce maritime. Au contraire plus le commerce fera étendu, plus le fond des måtelots groffira par les fages mefures que le gouvernement a prifes depuis quelques

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