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il avoit dans la fuite été obligé de s'en défaire, fes facultés ne lui permettant pas de foutenir un tel état.

S'il m'eft permis de hazarder mes conjectures fur la rédaction de notre Ordonnance, j'obferverai que parmi les manuscrits de la Bibliotheque de Mgr. le Duc de Penthievre, manufcrits que S. A. S. a eu la bonté de me faire communiquer, il y a dans le registre numéroté 848, une favante, curieuse & vafte compilation des loix anciennes maritimes; c'eft-à-dire, des loix Rhodiennes & Romaines, du Confulat & des Us & Coutumes de la mer, des Ordonnances de Charles Quint & de Philippe II. Rois d'Espagne, des jugemens d'Oleron, des Ordonnances de Wisbuy & de la Hanfe Teutonique, des affurances d'Anvers & d'Amfterdam, du Guidon de la mer; des projets d'Edits & Réglemens dreffés par ordre du Cardinal de Richelieu, enfin de nos Ordonnances jufqu'à 1660; le tout conféré enfemble, avec l'avis de plufieurs auteurs & diftribué en différens titres.

Il me paroit affez vraisemblable que cette riche collection faite par un très-habile homme, a fervi à former notre Ordonnance. Du moins eft-il vrai qu'elle a été faite dans cette vue, puifqu'en quelques endroits on y rejette certaines obfervations, en difant, » qu'elles ne font >> pas de nature à entrer dans une Ordonnance & à en faire le fujet ». Il y a apparence auffi que les mémoires que prit M. Henri Lambert, Chevalier Seigneur d'Herbigny, Marquis de Thibouville, en faifant la vifite des ports du Royaume fitués fur la mer du Ponant, ont fait partie des matériaux de cette même Ordonnance, non-feulement quant à la police, ce qui eft plus que vraisemblable; mais encore pour la partie de la Jurifprudence.

On en peut juger par l'inftruction que lui donna Louis XIV. pour cette vifite générale des ports le premier Janvier 1671.

M. d'Herbigny y eft déclaré Confeiller d'Etat, Maître des Requêtes ordinaires de l'Hôtel, Commiffaire pour la vifite des ports & havres du Ponant.

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Le Roi se propofant d'être informé, » non-feulement de l'état des »ports de fon Royaume, mais encore de tout ce qui concernoit la >> juftice de l'Amirauté, pour la régler & en retrancher les abus, & composer enfuite un corps d'Ordonnances pour en établir la Jurif» prudence, enforte que fes fujets navigateurs & négocians fur mer, » puffent être affurés que la juftice leur feroit exactement rendue, »> chargea ce Magiftrat de faire attention dans fa vifite, principalement à deux objets, l'un confiftant » à examiner & connoître, la Jurifpru»dence, les Statuts Réglemens, Ordonnances & Arrêts dont les

» Officiers de l'Amirauté s'étoient fervis jufqu'alors; l'autre à recon» noître les ports & rades, & entrées des rivieres capables de fervir

» de retraite aux vaiffeaux & autres bâtimens de mer.

Par rapport au premier objet, il étoit chargé de s'informer avec foin» de la Jurifprudence de chaque fiege d'Amirauté, d'en remar» quer les défauts, & d'envoyer fon avis fur ce fujet aux Commif» faires qui feroient établis par Sa Majefté, pour en décider, & for» mer enfuite un corps d'Ordonnances complet, qui pût fervir à l'a» venir aux Officiers de l'Amirauté, fans avoir recours aux Ordon»nances étrangeres qui leur avoient fervi jufques-là ».

Il devoit à cette fin, dans chaque fiege, s'adreffer à l'Officier qui lui paroîtroit le plus expérimenté dans ces matieres, & en attendant l'Ordonnance, il étoit autorifé à faire les Réglemens provisoires qu'il jugeroit convenables.

Pour le fecond objet, il devoit prendre l'avis de tous les vieux pilotes, & autres gens entendus au fait de la marine & de la navigation, au fujet de l'entrée des havres, des difficultés qui s'y rencontreroient, & des moyens d'y remédier; demander des mémoires pour la meilleure maniere de pourvoir au délestage des vaiffeaux, établir des pilotes-côtiers, veiller à ce qu'il y eût un maître d'hydrographie dans les lieux convenables, &c.

C'étoient là fans doute de grandes avances: mais eu égard à ce qui reftoit à faire, la gloire des rédacteurs doit toujours paroître la

même.

On s'eft plaint que leurs décifions étoient trop laconiques, & qu'ils n'avoient pas prévu affez de cas. Le premier reproche, dès qu'il ne tombe pas fur la clarté, fait précisément leur éloge; car, après l'équi té, le mérite de la loi eft d'être claire en peu de mots.

Le fecond n'est pas mieux fondé. Ce qu'on exige d'une Ordonnance, où des points de droit font traités, c'eft que les grands principes

y foient préfentés, accompagnés de décifions cardinales, d'où l'on puiffe tirer la folution du plus grand nombre des cas particuliers. Or c'est une prérogative que l'on ne peut refuser à notre Ordonnance, & cela mérite d'autant plus d'attention que, non-feulement dans ce temps là, il falloit créer pour ainfi dire la Jurifprudence nautique, mais encore, que quoique le commerce fur mer, prodigieufement augmenté depuis, ait fait naître une grande quantité d'efpeces particulieres, il n'a fallu pour les décider, que faire une jufte application des regles générales qui y font établies, fans avoir eu befoin de nouvelles loix. Car il eft à obferver que de tant de changemens qui ont été faits à

notre Ordonnance, il n'en eft aucun qui forte de la sphere de la pohice, matiere de fa nature fujette à variation fuivant les circonftances; il n'en eft aucun, dis-je, qui ait trait à la Jurifprudence, tant il est vrai que la stabilité d'une loi dépend de la jufteffe & de la fécondité des principes qu'elle a confacrés.

Et c'eft cette même fécondité des principes qui augmente les difficultés d'un Commentaire, où il s'agit de rendre par-tout raison de la loi, & d'indiquer le plus qu'il fe peut, fans affectation toutefois & fans prolixité, les conféquences qui en doivent réfulter naturellement.

Pour cela il faut bien prendre le fens & l'efprit de la loi, fur-tout bien faifir les principes de chaque matiere, pour se guider de conféquences en conféquences avec ce fil fecourable. Et voilà le labyrinthe de difficultés que je n'ai prévues qu'un peu tard. C'est peut être parce que d'autres les ont apperçues plutôt, que nous avons été privés jufqu'à préfent, d'un Commentaire devenu trop nécessaire, pour n'être pas ardemment fouhaité.

Je ne fai ce qui m'a conduit à ces obfervations; elles m'ont échappé. Je n'ai pas affurément la vanité de croire que j'aye furmonté la moindre partie des difficultés qui ont tant de fois retardé ma courfe, & jufqu'à me décourager. S'il eft vrai que mon ouvrage puiffe être de quelque utilité, je n'ai pas prétendu que l'on me tint compte du travail pénible, affidu & opiniâtre qui m'a enfin fait arriver au terme : & fi d'un autre côté il donne trop de prife à la cenfure, mon intention pas été de faire valoir ces mêmes difficultés pour me fervir d'excufe. Je n'ignore pas la façon de penfer d'un certain public, & qu'il n'y a à attendre de lui ni gratitude ni indulgence. Quelque envie l'on ait de le fervir ou de lui plaire, il reçoit fans reconnoiffance, peu inquiet de ce qu'il en a coûté à l'auteur, tandis que cenfeur inexorable, les moindres fautes l'irritent, fans examiner s'il y a d'ailleurs de quoi les racheter.

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que

Les mêmes fources où les rédacteurs de notre Ordonnance ont puifé leurs décisions, doivent également être recherchées pour en connoître les principes, en pénétrer le fens & l'efprit. Sans cela en effet, on ne pourroit qu'errer à l'aventure. Il importe donc de les faire connoître, tant pour la partie du droit public qui, étant confignée dans les archives des greffes, ne peut pas être confultée par tous ceux qui auroient intérêt de s'en inftruire, que pour la partie de la Jurifprudence que tout particulier peut aifément fe procurer.

Les premieres loix maritimes font, de l'aveu de tout le monde, les loix Rhodiennes. Selon le Pere Fournier dans fon traité d'hydro

graphie (liv. 5, chap. 4, fol. 189.) Ces loix ont été formées environ le temps que Jofaphat regnoit en Judée; c'est-à-dire, 61 ans après

Salomon.

Quoiqu'il en foit, c'eft-là le berceau de la Jurifprudence nautique. On les trouve ces premieres loix dans plufieurs recueils, entr'autres en grec avec la traduction latine, à la tête des obfervations de Peckius & de Vinnius (in tit. dig. & cod. ad rem nauticam pertinentes. ) Mais on peut s'en paffer au moyen des loix Romaines qui en ont pris l'effentiel, en y ajoutant plufieurs nouvelles décifions répandues dans les titres du droit, nautæ caupones, de exercitoria actione, de lege Rhodia, de nautico fænore, pro derelicto, de naufragiis, de naviculariis, de navibus, de nautis & quelques autres ; tout cela indépendamment des principes généraux du même droit Romain qui peuvent avoir leur plication à divers cas maritimes.

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Après les loix Romaines, les plus anciennes, comme les plus fameuses, que l'on connoiffe fur le fait de la navigation & du commerce maritime, font celles comprifes dans une collection qui a pour titre, il confolato del mare, &c. C'eft une compilation des anciennes loix maritimes fervant à régler la police de la navigation, & tout ce qui appartenoit alors au commerce dans les mers du Levant.

L'original mêlé d'Espagnol, de Catalan & d'Italien, ne m'eft point connu ; j'en ai feulement vu deux éditions conformes de Venise in-4°. l'une de l'année 1576, l'autre de l'année 1599. Ce ne font fûrement pas les premieres, mais il y a apparence que ce font les bonnes, puifya que Cafa regis, tom. 3 de fes œuvres, imprimées pareillement à Venife en 1740, en a donné la copie mot à mot, avec des explications en Italien fur chaque chapitre.

François Mayffoni Docteur ès droits & Avocat au fege de Marfeille, en a donné auffi une traduction, fous le titre de Confulat; mais en fi mauvais François qu'il faut prefque toujours recourir à l'Italien pour l'entendre. Il paroît néanmoins dans l'épitre dédicatoire, qu'on lui a l'obligation d'avoir recueilli & mis en ordre ces mêmes loix qui étoient, dit-il, éparfes & mal digérées.

La premiere édition en a été faite en 1577, avec privilege d'Henri III. daté du 17 Août 1576, par les foins de Guillaume Giraud marchand à Marseille.

Cette mauvaise traduction a été réimprimée avec tous les défauts à Aix en 1635, chez Etienne David.

left trifte qu'un recueil auffi précieux & auffi utile pour tous ceux qui font appellés à l'étude des loix maritimes, n'ait pas trouvé jufqu'ici

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un meilleur traducteur. Je connois néanmoins un célebre Jurifconfulte qui en a commencé une nouvelle traduction, enrichie de notes pour l'intelligence du texte, & d'obfervations relatives aux dispofitions de notre Ordonnance & à l'ufage actuel du commerce.

C'est M. Emerigon, Avocat au Parlement d'Aix & Confeiller à l'Amirauté de Marfeille, ce favant généreux que le hazard m'a fait conno:tre, & qui ne fut pas plutôt inftruit que je travaillois à un Commentaire fur notre Ordonnance, qu'il m'offrit avec une cordialité & un défintéreffement, peut-être fans exemple, tout ce que par une étude affidue & réfléchie, il avoit recueilli de décifions & d'autorités convenables à cet objet.

On conçoit que j'ai dû balancer long-temps à accepter des offres de cette nature. Je ne m'y fuis enfin déterminé, que parce qu'il a eu le fecret de me perfuader, que ce n'étoit que pour fon ufage particulier, qu'il avoit fait cette riche collection. Il m'en a donc fait paffer une copie, dont j'ai fait un tel ufage, que prefque tout ce que l'on trouvera de bon dans ce Commentaire, quant à la partie de la Jurifprudence, eft en quelque forte, autant fon ouvrage que le mien. Je lui devois ce témoignage public de ma reconnoiffance, après la lui avoir tant de fois marquée en particulier, toujours avec un nouveau regret de ne pouvoir répondre par mes expreffions à la vivacité des fentimens que m'a inspiré pour jamais, un bienfait aussi noble & auffi gratuit.

Quant à fa traduction du Confulat, qu'il m'a avoué être fort avancée, envain je l'ai preffé de l'achever; il m'a toujours répondu que les affaires du barreau, dont il eft furchargé, ne le lui permettoient pas, comme fi le service des particuliers devoit l'emporter fur celui du public, à qui tout homme à talens eft comptable de beaucoup plus que de fes heures de loifir. Puiffe cette nouvelle exhortation, appuyée des vœux de ce même public, le forcer enfin de fe rendre.

*En attendant, pour ceux qui ne favent pas aflez la langue originale du Confular, il faut bien qu'ils fe contentent de l'ancienne traduction telle qu'elle eft; & à ce fujet, il eft bon d'avertir que l'ordre des chapitres y eft le même que dans l'original, à cela près que les n°. different depuis le 34, de maniere que le 34. de il confolato eft le 35. de la traduction; ainfi du reste jusqu'au nombre 43 qui eft le 45. de la traduction. Cette différence de deux nombres continue ainfi jufqu'au 117. qui eft le 120 auffi de la traduction; après quoi & jusqu'à la fin, il y a une différence de trois nombres.

De forte que, pour ne point fe méprendre, lorfqu'on voudra vérifier les citations, fi par exemple le chapitre 100 eft cité & que ce foit celui de la traduction, on le trouvera dans l'original au numero 98; & fi c'eft le nombre 200, ce fera le 197 de l'original; & vice verfâ, fi la citation est prife dans l'original, il faudra aller a 2 ou 3 n°. plus bas dans la traduction.

Il y a auffi une petite différence entre les deux éditions de la traduction. Les n° font bien les mêmes jufqu'au 203; mais dans la fuite, ils different d'un à caufe que dans l'édition de 1577 on a fauté le n°. 204, ce qui fait que celui qui eft marqué du chiffre 205, n'eft que le 204 de la derniere édition; ainfi de même jufqu'à la fin, le n°. 297 qui eft le dernier étant le 296 de l'au tre édition.

Tome I.

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