font point des glaces fidéles, elles altérent la vérité ; l'une transforme les vertus en vices, & l'autre les vices en vertus. François I s'êtant perdu à la chaffe, paffa la nuit dans la maison de la fimplicité, entre deux paysans où la vérité s'aparut à lui, & ce Prince avoit coutume de dire : Je me retrouvai lorfqu'on me croioit perdu, parce que je changeai (216) de Rumb.

Plufieurs Princes fe font fervis d'hommes fimples & fous, pour être des oracles de vérité, parce qu'eux feuls la difent: ils répétent fans crainte ce que d'autres ont dit devant eux fans difcrétion. Ce fut la fubtilité qu'employa Ferdinand, le plus parfait des politiques.

Il mourut la foixante & quinziéme année de fonâge, & la quarantiéme de fon régne.Heureuses les Monarchies dont les Rois meurent vieux, & ne commencent point enfans! Il vécut pour faire le bonheur de fes peuples, & en être regretté éternellement. Le jour de la mort, & de celle de Charlequint fon petit-fils, toute la Chrétienté pleura, & tous les Infidéles fe réjouirent: le contraire arriva à la mort de Sélim & de fon fils.

Mais Ferdinand ne mourut point; les hommes fameux ne meurent jamais : la réputation des Rois fe porte toujours aux extrémes; ils font connus ou comme très-bons, ou comme très-méchans; comme des prodiges de gloire,

(216) Ce trait n'eft point raporté dans l'Hiftoire générale de France. Il pourroit bien être que François I eût paffé par hazard une nuit chez des payfans, & qu'il y eût apris des chofes que fes Miniftres ne lui difoient pas, fans que les Hiftoriens euffent jugé ce trait affez remarquable pour l'inférer dans le corps d'une hiftoire où il y en

ou

a de plus confidérables d'omis; mais néanmoins fi François I eût eu coûtume de dire ce qu'avance Gracian, cet-l te maxime feroit plus connuë qu'elle n'eft: d'ailleurs ce mot de Rumb eft: un terme de Marine, & ne fe dit guéres qu'en parlant des vents, en forte que l'on ne peut pas s'affùrer de deviner ce que Gracian a voulu die.

P

ou comme des monftres d'horreur, des Rois de scandale & d'infamie : leur mémoire se conserve pour toujours dans les fastes de la tradition. Les uns ont fini avec leur Monarchie, comme Constantin avec celle des Grecs ; d'autres avec leur race, comme Childéric avec celle de Clovis ; & d'autres avec la Religion, comme Henri VIII,Roy d'Angleterre. Le Royaume d'Ifrael commença à tomber fous Roboam par fon imprudence;celui des Romains fous Galien par fa foibleffe; celui des Grecs fous Calaxonés (217) par fon inadvertance. La Monarchie des Affiriens périt fous Sardanapale par fes délices; celle des Médes fous Aftiages, par fa tiranie; celle des Perfes fous Darius, par fa négligence; celle des Goths fous Rodéric, par fes débauches; & celle des Grecs sous Conftantin, par fon incapacité. On abhorra dans tous les fiécles, la fourberie de Tibére, l'iniquité de Caligula, la ftupidité de Claude,la tiranie de Néron, la luxure d'Héliogabale, l'insensibilité de Galien, la simplicité de Charles Roy de France, la cruauté de Pierre Roy de Caftille, la foiblesse de Sanche Roy de Portugal, l'abomination d'Henri IV (218) Roy de Suéde, l'infamie de Maurégat (219), l'obstination de (Voyez Note 208) Frédéric, l'aveuglement d'Henri

de l'Eglife. Il fe laiffa gouverner par un de fes bâtards. Ayant foupçonné fes principaux Confeillers d'une conjura

(217) Iln'y a point d'Empereur Grec de ce nom. J'aurois crû que ç'auroit pû être Calojean ou Jean Commene, parce que la prononciation de l'x ou de l'jtion, il les fit pendre, fans vouloir les confonne eft femblable en Espagnol; mais ce que Gracian dit, ne convient point à ce Prince, qui remporta plufieurs victoires fur les Barbares,les Schytes, les Huns, les Turcs & les Sarra

zins.

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entendre. Ses cruautés & fes injuftices excitérent une révolte. Les troupes qu'il envoya contre les révoltés, le trahirent & fe joignirent à eux. Il fut affiégé dans Stockolm, pris & mis dans une prison où il finit fes jours.

(218) Henri fils de Guftave I, ob- (219) Maurégat, feptiéme Roy de ferva auffi peu les bienféances dans Léon, fils bâtard d'Alfonfe I Roy de les chofes de la Religion, que dans Léon, ufurpa l'an 783 la couronne fur celles de l'Etat. Il s'abandonna à des Alfonfe fon neveu. Il a rendu fa mémoiconcubines, & en épousa une en facere infame par le traité honteuxqu'il

d'Henri VIII. Un Roy devroit toujours trembler d'être agrégé à une fi horrible troupe.

Il y a un autre téatre de la réputation, téatre auguste, téatre d'honneur, d'héroïsme, de gloire, où il y a diférens chœurs fuivans ceux des vertus, & dans tous, Ferdinand est admiré. Dans celui d'une piété fainte & catholique, parmi Théodofe, Henri, Othon & Rodolfe premiers du nom; Ferdinand I, & II, (220) Empereurs ; Recaréde (221), Vamba, Pélage, Ferdinand III, Philippe III (222) Rois d'Espagne; Clovis, Charlemagne, & Louis IX, Rois de France; Etienne I (223) Roy de Hongrie, Henri I, Roy de Danemarc; Olaüs (224) Roy de Suéde, & Cafimir Roy de Pologne.

fit avec les Mores, auxquels il payoit | un tribut annuel de cinquante filles Nobles, & d'autant de roturiéres.

Dans

grandeurs du fiécle n'avoit pû ébranler.

& ne reconnut qu'à la mort l'abus que fes Miniftres avoient fait de l'autorité qu'il leur avoit confiée.

(222) Philippe III êtoit d'un naturel doux & temperé, énemi des vices, (220) Ferdinand I, & Ferdinand II, & principalement de tout ce qui peut êtoient l'un & l'autre de la Maison bleffer la pureté. Il avoit plus les vertus d'Autriche. Ils gouvernérent avec beau-d'un particulier que celles d'un Roy, coup d'équité & de douceur. Ferdinand I fut fur-tout inviolable à garder fa parole: ayant promis une grace à un Oficier qui dans la fuite s'en ren- (223) Etienne fut le premier Roy dit indigne,& qui ofa néanmoins la de- Chrétien de Hongrie. Il travailla avec mander, il la lui acorda, difant qu'il tant de zéle à y établir la Religion Cavaloit mieux oublier l'indignité d'un tholique, qu'il en eft regardé comme fimple Oficier, que manquer à la pro-l'Apôtre. Il a mérité par fes actions melle d'un Empereur. Ces deux Princes d'être mis au catalogue des Saints. ne font point indignes du rang où les éléve Gracian, qui d'ailleurs faifit avec plaifir les ocafions de louer les Princes de la Maifon d'Autriche.

(221) Recaréde fils & fucceffeur de Leuvigilde Roy des Goths en Efpagne, abjura l'Arianisme, & fut trèszélé pour la Religion Catholique. Herménigilde fon frère lui avoit laiffé l'éxemple d'un zéle bien pur, que ni la crainte de la mort, ni l'idée flateuse des

(224) Henri ou Eric I, Roy de Danemarc & de Norvége, & Olaüs Roy de Suéde régnoient l'un & l'autre vers le milieu du neuviéme fiécle. Ce n'eft que dans ce fiécle que l'on commence à avoir une connoiffance affez éxacte du régne des Rois de ces Monarchies Septentrionales. Eric introduifit la Religion dans le Danemarc, & Olaus dans la Suéde, où elle ne devint dominante que dans le onzième siècle.

Dans celui des Conquérans, entre Jules Céfar; Jacques Roy d'Aragon; Tamerlan ; Ginghis; Mahomet II; Charlequint; Sélim; Soliman; & Henri IV, Roi de France. Dans celui des grands Rois, entre Aléxandre; Constantin; Charlemagne, Alfonfe III (225) & Philippe IV Rois d'Efpagne. Dans celui des Rois fages, entre Ifmael Sophi; Charles V, Roy de France; Albert d'Autriche; Sanche IV, (226) Roy de Navarre. Dans celui des Politiques, entre Louis XI, Roy de France; Etienne Batori, de Pologne ; Mathias Corvin,de Hongrie. Dans celui des Rois prudens, entre Justinien Empereur; Maximilien I; Gustave I, Roy de Suéde; & Philippe II, Roy d'Espagne. Dans celui des Rois magnanimes, entre Ninus I, Empereur des Affiriens; Xerxés I, Empereur de Perse; Octavien Auguste; & Alfonfe, Roy de Naples. Dans celui des Rois d'un beau nom, entre Hifpan (227) donnant fon nom à l'Espagne; Titus apellé les Délices du genre humain; Othon III, dit la Merveille du Monde ; & Sanche le Défiré. Dans celui des Rois très heureux, entre Numa Pompilius; Philippe de Macédoine; Antonin; & Emanuel Roy de Portugal. Dans celui des Amateurs de la justice, entre un Artaxerxés Longuemain, punissant le crime (228); Antiochus

(225) Alfonfe III hérita des belles inclinations de fes ayeux. Il fe diftingua par la douceur de fes mœurs: il ne fut pas moins recommandable par fa grandeur d'ame, que par fa fenfibilité pour les pauvres. Ses exploits lui méritérent le furnom de Grand.

(226) Sanche IV, Roy de Navarre fut furnommé le Sage. L'hiftoire des premiers Rois de Navarre eft fort obfcure & fort confuse; en forte que de toutes les particularités qui regardent

ce Roy, fon furnom eft ce qu'il y a de plus connu.

(227) Hifpan eft le nom d'un Roy fabuleux. Le nom d'Espagne est le nom que les Phéniciens donnoient à cette contrée, & fignifie pays où il y a beaucoup de lapins.

(228) Je n'ai point rendu cette phrafe littéralement. Voici comme elle eft dans Gracian, Dando à fu Camarero el precio del foborno. Il faut éxaminer ce qu'il a voulu dire : le mot de Cama

Antiochus, réformant les abus de fon empire; Seleucus, estimant la justice plus que fes yeux (229); Aurélien Empereur, châtiant les traîtres; & Nerva, les ingrats (230);

Jacques II

premieres années, malheureux dans fes derniéres, il devint tributaire des Romains. Il vole un Temple, & meurt affommé. Seleucus Philopator son fucceffeur eft empoisonné par Héliodore, qu'il avoit autrefois envoyé à Jérufalem pour dépouiller le Temple. Antiochus Epiphane eft connu par fes crimes, fes véxations, fes impiétés, & par le genre afreux de mort dont furent fuivis les forfaits. Antiochus Eupator fon fils & fon fuccceffeur monta fur le Trône

rero a quelquefois un fens fort vague, & s'étend aux plus intimes Oficiers, & à tous ceux qui aprochent de la chambre du Roy. Il défigne ici Artaban, Capitaine des Gardes de Xerxès, pére d'Artaxerxès; ainfi en fubftituant ce mot, la phrase voudroit dire, donnant à Artaban le prix de la fubornation, & ce dernier mot fe prendroit dans un fens paffif; car Artaban qui devoit veiller à la confervation du Roy Xerxès l'affaffina. Artaxerxès commença fon régne par des actes de juftice ; il fit mou-à l'âge de 9 ans. Il fut pris & mis à rir Artaban, & tous ceux qui avoient eû part à la mort du Roy fon pére. Son régne eft un des plus illuftres, foit dans l'Hiftoire Sainte, foit dans l'hiftoire profane. C'eft de lui que parle l'Ecriture fous le nom d'Affuerus.

(229) Il y a eu douze Rois de Syrie, du nom d'Antiochus, & fix du nom de Seleucus. Seleucus Nicator,un des Capitaines d'Alexandre, fut remarquable par fes victoires & fon ambition: il eft le premier Roy de Syrie; il eut pour fils Antiochus Soter qui devint amoureux de Stratonice, fa belle - mére. Ce Prince la céda à fon fils. De cet incefte nâquirent les Rois de Syrie, qui ont fi fouvent tourmenté & perfécuté le peuple de Dieu. Antiochus II époufa fa four.Sous ce Roi plufieursGouverneurs révoltés le rendirent maîtres de leurs Provinces. Seleucus II fut deux fois fur le point de fe voir enlever fes Etats; la premiére fois par des énemis de dehors, la feconde fois par fon frére. Seleucus III, fon fils, Prince foible, régna peu. Il fut tué dans une confpiration tramée par fes Oficiers. Son frère Antiochus le Grand lui fuccéda ; heureux dans fes

mort par fon concurrent Demetrius Soter avant que d'avoir ateint l'âge de gouverner. Les troubles continuérent dans la Syrie, fous les régnes des autres Antiochus & Seleucus, la plus grande partie des Rois de Syrie ayant porté l'un ou l'autre de ces deux noms. Plufieurs firent la guerre aux Juifs; tous méritérent d'être malheureux, & prefque tous périrent de mort violente; la Syrie enfin fut mife au nombre des Provinces Romaines. Voilà ce que l'hiftoire la plus connue & la plus certaine nous aprend des Antiochus & des Seleucus, fans qu'aucun paroiffe digne du rang où les éleve Gracian.

(230) Aurélien, un des Empereurs de Rome des plus guerriers, fameux par la défaite de Zénobie & par plufieurs autres victoires, êtoit fanguinaire; & c'est à cette inclination,plûtôt qu'à fa haine pour les traîtres que les Hiftoriens atribuent les châtimens rigoureux des Sénateurs acufés d'avoir cabalé contre lui. Il fit fervir Tetrique qui l'avoit apellé dans les Gaules, à orner fon triomphe, & par cette conduite il a pû donner lieu de dire, que s'il aimoit la trahison, il