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vêque de Milan, acoutumé de former pour l'Eglife des héros dans l'un & dans l'autre état.

Henri entre les Empereurs, & (101) Louis entre les Rois, prouvent que la fainteté ne nuit point à la Royauté.

Il y a des Princes qui n'ont aucune vertu perfonnelle, & à qui leur emploi emploi ne donne aucun relief : ils font nombre, & c'est tout: Claude (102) en fut un, de qui Sénéque dit, que perfonne ne fçut qu'il avoit ceffé d'être, parce que perfonne n'avoit fçu qu'il eut êté. Charles le Simple fut Roy fans régner, il paffoit pour mort long-tems avant que de mourir : Amurat III & (103) Mahomet III pou

voient

pereur, Théodofe en fut fi cruellement | foldat qui le falua Empereur; & qui le irrité, qu'il abandonna cette ville à la difcrétion de fes troupes qui y tuérent jufqu'à 15000 perfonnes. Quelque tems après cette action barbare, Théodofe êtant venu à Milan, Saint Ambroife lui refufa la porte de l'Eglife, & ne lui en permit l'entrée qu'après qu'il eut fait une pénitence de huit mois. Cet Empereur mourut en 395, âgé de 60 ans.

(101) C'eft Louis IX, Roy de France, & l'Empereur Henri II, l'un & l'autre mis au nombre des Saints. Cet Henri II fuccéda à Othon III, l'an 1002. Il calma les troubles d'Allemagne, une partie par fa valeur, & l'autre par fa libéralité. Il paffa en Italie où il défit les Grecs & les Sarrazins, & prit Naples. Sa piété ne fit que donner plus d'éclat aux qualités Royales d'efprit & de cœur, par lefquelles il fut également diftin- | gué.

mena à fes compagnons. Il paffa la nuit à leur corps de garde, & il leur promit 15 fefterces par tête. Le lendemain ces gens de guerre lui prétérent ferment de fidélité. Il fe laiffa gouver ner par fes Afranchis, & fa ftupidité fut fi grande, que chacun la connoiffoit & en faifoit des railleries. Les perfonnes de néant qu'il avoit auprès de lui, s'emparérent de tout le pouvoir; ils déshonorérent l'Empire par toutes fortes d'impudicités, fuivies d'une infinité de banniffemens, de maffacres & de profcriptions. Il adopta Néron fils d'Agrippine, au préjudice de Britannicus fon fils, & Agrippine empoifonna ce malheureux Empereur, pour ne lui point laiffer le tems de fe retracter.

(103) Ces deux Empereurs Turcs s'abandonnérent aux plaifirs. Amurat III avoit fuccédé à Sélim II, dont le (102) Claude pendant fon enfan-régne avoit êté extraordinairement brilce, & même durant fon adolefcence, lant. Mahomet III, fils d'Amurat, fut fut prefque toujours malade de corps encore inférieur à fon pére, & peu s'en & d'efprit. Il parvint à l'Empire par un falut que les Janiffaires, indignés de événement affez fingulier. S'êtant caché fon indolence, ne paffaffent des mur pour fuir les affaffins qui avoient fait mures à la révolte. mourir Caligula,il fut découvert par un

voient être de grands Princes, ils fixérent leur félicité à

n'être rien.

Ce choix quoiqu'extrême est encore suportable; il y a de plus grandes horreurs, remplir le vuide des vertus par d'abominables vices: Néron fut un de ces monftres éxécrables, amphibie entre l'homme & la bête. Les fix premiéres (104) années, il eût pû être mis en paralléle avec le meilleur Prince, & les fix derniéres avec le plus déteftable. Le ciel deftina un oracle de prudence, pour être maître d'un monstre de cruauté. Les leçons profitérent peu, où la nature répugnoit : qu'auroit-ce êté, s'il n'eût point eu un Sénéque pour maître?

Néron eût êté le plus infâme de tous les Princes, s'il n'y eût point eu d'Eliogabale: celui-ci dégénéra de la bête même, on ne s'en fouvient qu'avec indignation; l'un & l'autre eurent les derniers vices de l'homme & du Roy.

Les fautes des Princes font éternelles : nés dans le plus intérieur de leur Palais, leur naissance est auffi cachée que leur premiére démarche est éclairée : le premier inftant décide pour toujours ; & l'inadvertance d'un moment, sert éternellement d'objet à la critique de la postérité.

On eft imparfait, fi l'on manque d'une feule qualité; c'est dans leur réunion que confifte la perfection : les Rois plus élevés que les autres hommes, doivent s'atacher plus qu'eux à y ateindre.

Les vertus ou les vices qui concernent les devoirs effentiels de notre état, font ceux qui font les plus remarqués: les obligations s'apellent par métaphore liens ; & ce sont

en

(104) Les fix années ne furent point | bonnes années de cet Empereur, quinentiérement remplies, & les Auteurs quennium Neronis. apellent communément les premiéres

G

en éfet les liens qui affujétiffent davantage.

Les Etrangers animés de l'efprit de partialité, ont éxagéré les moindres défauts de Ferdinand : ceux qu'ils trouvent excufables dans leurs Princes, doivent-ils être condannables dans ce Roy, parce qu'il fut plus grand Roy? Ses fautes ne furent point les éfets du vice, le tems les difculpa toujours : ce n'êtoit pas manquer que de temporifer, lorfque l'ocafion le requéroit : fe peut-il que d'une part les Etrangers lui atribuent toutes fortes de défauts, & que les Espagnols de l'autre lui refusent toutes fortes de vertus; que (105) les uns nient fes actions les mieux concertées, que les autres multiplient ses défauts ?

Jamais les Efpagnols dans les fautes qu'ils lui ont reprochées, ne l'ont acufé d'excès: ce qui paroît extrême dans un Roy, dans un autre ne l'eft point. Il corrigea par sa modération, la prodigalité exceffive des deux Rois (106) fes prédéceffeurs;

(105) L'Hiftoire d'Espagne, dit Vic-vres. Celui qui viole la foi, détruit quefort, au lieu de juftifier Ferdinand de » tout le bien univerfel des hommes. fes perfidies, l'excufe fur la néceffité où il Zurita pour l'excufer ne le nie point; fe trouvoit réduit par l'infidélité des Prin- mais il dit qu'il n'eft pas jufte de charger ces à qui il avoit à faire, de prévenir par un feul Prince d'une faute, dont tous les fes trahifons celles qu'on vouloit lui faire. Princes étoient coupables. Mais il refte Zurita, qui femble n'avoir compofé fon deux chofes à éxaminer : la premiére, hiftoire (ceft-à-dire, les deux derniers fi les Princes contemporains de Ferditomes de fes Ouvrages) que pour la faire nand, comme un Charles VIII & un fervir de panégyrique à Ferdinand, ne Louis XII, l'ont mis dans la néceffité peut s'empêcher d'en parler en ces termes: de les prévenir par des fourberies : la fe"Non feulement les Etrangers, mais conde, fi cette excufe quoique vraye, » auffi ceux du pays, l'ont blâmé de peut être légitime, fi elle s'acorde avec "n'avoir point gardé la parole & la les loix de l'honneur & du Chriftia» foy qu'il avoit donnée, & qu'il pré- nifme. » féroit toujours la confidération de » fon intérêt, à ce qui êtoit jufte & » honnête, vû que le véritable fon» dement de la juftice confifte en la "conftance & en la fermeté des paroles, » & principalement en celle des œu

دو

رو

(106) Le reproche de Gracian peur tomber fur Henri IV, Roy de Caftille, frére d'Ifabelle, & fur Philippe Archiduc d'Autriche, qui fut Roy de Caftille après la mort d'Ifabelle. Ce jeune Prince régna peu, & après fa mort Fer

prédécessfeurs ; & s'il fut économe pour les autres, il le fut encore davantage pour lui-même. Sa manche de velours fera toujours fameufe, ainfi que le jupon ras de la Reine fa femme.

Ferdinand eut toutes les vertus, mais il excella particuliérement dans l'art de gouverner; grand Capitaine, fon meilleur Confeiller, habile économe, grand Juge, même grand Prélat, mais très grand Roy.

Plufieurs ne reconnoiffent pour grands Princes que ceux qui ont êté grands Capitaines : ils réduifent les devoirs d'un Monarque à ceux d'un Général, confondant l'universel avec le fingulier, le fupérieur avec l'inférieur. La vertu qui diftingue les Rois, eft moins celle de combatre, que celle de gouverner. Admirable éfort de notre Grand Roy

dinand fut plus que Régent de Caftil- |
le. Henri & Philippe furent tous deux
prodigues ; ils avoient aliéné les domai-
nes de la Couronne, pour fatisfaire à
leur prodigalité. Un trait fur l'un &
l'autre de ces deux Rois fufira. Diegue
Arias, Intendant des Finances fous Hen-
ri IV, lui repréfenta qu'il falloit dimi-
nuer le nombre des Miniftres & des
Oficiers qui épuifoient les revenus de
la Couronne par de groffes penfions,
ne faifant rien pour les mériter,
pour le fervice de l'Etat. Le Roy lui
repliqua, Si j'étois Arias, j'aurois plus
de penchant à épargner, qu'à faire des
largeffes. Cette maxime eft belle, &
part d'une ame généreufe; mais il l'é-
tendoit trop dans l'ufage, en donnant
fans diftinction de perfonnes ni de mé-
rite. Philippe faifoit à peu-près de mê-
me, & l'on raporte de lui que ceux de
fon Confeil lui ayant un jour deman-
dé, s'il avoit fait un don qu'ils lui fpé-
cifiérent, il leur répondit, qu'il ne s'en

fouvenoit pas ; mais qu'ils n'avoient qu'à fçavoir de celui qu'ils prétendoient l'avoir reçû,s'il le lui avoit demandé,qu'en ce cas il étoit certain de le lui avoir acordé. Lequel eft le plus blamable d'avoir fait ce qu'il difoit, ou de s'en vanter après l'avoir faie? Quant à cette Manche de velours & ce Jupon ras, qui prouvent trop la modeftie & l'économie de Ferdinand & d'Ifabelle, l'hiftoire n'en parle pas ; mais la tradition en a confervé le fouvenir ni par des chansons Espagnoles, où il en eft parlé. Ils ménageoient leur argent avec une épargne qui les faifoit paffer pour avares dans l'efprit de ceux qui ne favoient pas, qu'ils n'en avoient pas le quart de ce dont ils avoient befoin pour l'éxécution de leurs vaftes projets. J'ai retranché une phrafe qui fuivoit, parce que dénuée des traits d'hiftoire & de certaines anecdotes dont elle fupofe la connoiffance, cette phrase se trouve obfcure & fans fel. La voici: Il ne retira jamais les graces qu'il avoit une fois Gij

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Roy(107) Philippe IV: Quoiqu'universél en toutes fortes de belles qualités, d'un grand jugement, d'un génie heureux, d'une valeur héroïque, il s'eft refusé à son inclination belliqueule, pour se livrer tout entier au gouvernement; jugeant que l'art de bien gouverner doit couronner toutes les autres vertus Roïales, qu'il fait le caractére d'un Roy parfait.

Aurélien (108) fut un grand Capitaine, & ne fut point un grand Empereur. Charles de Bourgogne fut un grand guerrier, & ne fçut point gouverner. Le Tiran Saturnin (109) reconnut dans lui-même cette diférence, lorfque couronné malgré lui, Aujourdhui, mes amis, dit-il, vous avez perdu un bon Capitaine, & fait un mauvais Roy. Une même personne n'est point propre à tout. Il est bien vrai que la valeur est dans un Roy une vertu éclatante, que

acordées, comme Denis Roy de Portugal; même il pourvut, autant qu'il lui fût poffible à empêcher que fes fucceffeurs ne les abrogeaffent; ce que n'avoient point fait ni Jean Empereur, ni plufieurs autres.

(107) Philippe IV avoit voulu devancer le jugement de la postérité, & avoit pris le furnom de Grand. Gracian qui vivoit de fon tems, auroit êté fort mal venu à y faire fon opofition. Le Comte de Villamena qui fut depuis affaffiné au fortir du Palais, comparoit ce Roy à un trou, dont plus on en ôte, plus il eft grand. Ce Comte avoit paru à deux combats de Taureaux. Au premier il avoit pour fymbole un Diable avec cette devife, Mas penado, y menos arrepentido. Plus je fuis puni & moins je me repens. Au fecond, c'êtoient des Réaux, monnoye d'Espagne, & pour légende, mis amores fon reales. Cette derniére qui auroit pû également marquer fon amour, ou pour l'argent, ou

Jacques

pour la Reine qui n'êtoit point en réputation de chafteté, fut cause de fa

mort.

(108) Aurélien êtoit d'une naiffance fort obfcure, & s'éleva par fa valeur aux premiéres dignités de l'Armée, & enfin à l'Empire même ; mais il voulut conduire les afaires du Gouvernement par les régles de la guerre ; il ne connoifloit aucun tempérament, & ne puniffoit que de mort; & c'est ce qui l'a fait regarder avec juftice comme un Empereur trop fanguinaire.

(109) Saturnin avoit fervi fous les Empereurs Valérien & Galien. Il fut élevé à l'Empire par les foldats: il étoit à peuprès de même caractére qu'Aurélien. Sa trop grande févérité le rendit peu propre au gouvernement, & il fut assassiné par les mêmes foldats qui l'avoient proclamé Empereur. Le difcours que Gracian lui fait dire, eft raporté par Trébellius Pollio.

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