a blit, la couronnant plus par ses vertus très chrétiennes, Il y a cependant une grande diférence entre fonder un peut Les : Les Monarchies ne doivent point toujours leur établissement aux mêmes principes : ces principes varient suivant la disposition des tems , & le génie des fondateurs. Ainsi César transforma l'Aristocratie en Monarchie, il n'eut pas moins de vertus que de couronnes : les Romains avoient conquis la plus grande partie du monde , César subjuga les Romains : autant qu'il y eur de Sénateurs & qu'il vainquit de capitaines, ce furent autant de Rois qu'il s'assujétit. Le Grand Constantin (15) donna lieu à la naissance de la Monarchie Pontificale : il transporta son Empire en Orient , & fit de ses armes victorieuses un rempart à l'Eglise: il facilita la réduction de tout le monde sous le joug de la foy ; les successeurs n'ont point sçu finir ce qu'il avoit commencé ; ils n'ont point fçu profiter des circonstances qu'il leur avoit préparées. Ismael Sophi (16) fut doublement grand par sa valeur & par fa prudence. Il établit son Empire, non sur les ruïnes d'une (15) Constantin premier Empereur , tions de leurs prédécesseurs & les augo Chrétien fit bâtir la ville de Constanti- mentérent. nople, où il transporta le siége de l’Em- (16) Ismael Sophi étoit du sang pire qui étoit à Rome; mais néanmoins d'Hali , dont il fit revivre la secte. Il cette ville & toute l'Italie demeura sous fut aimé des Soldats qui venoient de sa domination ; & après lui palla sous tous cotés se ranger sous ses étendarts. celle de ses successeurs. Les Papes doi- Il rétablit la Monarchie des Persans, vent l'établissement & la confirmation l'augmenta considérablement , subjúga de leur Monarchie à Pépin , à Charle- la Mésopotamie,& réduisit le Sultan de magne & aux Rois de France leurs suc- Babilone. Il étoit contemporain de Sécesseurs. Pépin s'acquit l'Italie par droit lim Empereur des Turcs; tous deux jeude conquête sur les Lombards qui l'a nes,ambitieux , vaillans, entreprenans, yoient usurpée sur les Empereurs Grecs, cruels & heureux dans leurs entreprià qui leur foiblesse ne permettoit plus de ses. Sélim entra dans la Perse, enleva protéger les Papes contre l'injustice & Tauris ; mais il fut baru dans sa retraiLouisle Débonnaire & Charles le Chau-Princes furent l'un à l'autre un obstacle ye ratifiérent successivement les dona-là l'acroillement de leur grandeur. B > : d'une Monarchie chancelante, mais en enlevant aux Ottomans leurs plus belles conquêtes, en arrêtant le cours de leurs succès, lorsqu'il sembloit que leur puissance êroit dans son plus haut période; il fut l'instrument dont se servir la divine Providence , toujours atentive à la conservation du nom Chrétien , pour rabatre l'orgueil de cette Nation enflé par une suite continuelle de victoires. La ruse est une maniére particuliére de fonder un Etat : elle consiste à saisir l'ocasion. Après que les Princes Chrétiens eurent, par des guerres inconsidérées, consumé alternativement leurs forces, épuisé leurs trésors, détruit leurs armées , les Turcs (17) profitant de leur foiblesse les ataquérent , enlevérent tout sans résistance : les histoires sont plus remplies d'accidens que de combats. La barbare Afrique vit son ancienne gloire renouvelée dans son sage Xérif (18) doublement héros, valeureux & politique. Ginghis ( 17) C'est à l'animosité des Prin-| le de Nicée. Dans les guerres qu'il eut ces Chrétiens que l'on doit reprocher avec diférens Princes d'Asie, tantôt la destruction de l'Empire des Grecs , ligué avec l'un , & tantôt avec l'autre, l'établissement de celui des Turcs, & il se servoir successivement de leurs peu de succès des Croisades. Un de forces pour les détruire. ceux qui sçut le mieux diviser ses éne- (18) Xérifou Zédamer donna commis & profiter de leur division , fut mencement à l'Empire des Chérifs, qui Orchan fils & successeur d'Ottoman. se rendirent insensiblement maitres des Il n'eut pas moins d'habileté , de pru- Royaumes de Fès & de Maroc. Il s'êdence & d'ambition que son pére. Il toit retiré dans le désert pour y meêtoit libéral envers les Chrétiens, & ta- ner une vie solitaire , & s'atirer la véchoit de se les arirer, ce qui lui réuslit nération des peuples. Il n'en sortit que avec tant de bonheur que leurs dissen- pour faire la guerre aux Portugais & sions lui acquirent plus de lauriers que aux Chrétiens : animant ses fils de ses propres forces. Il prit pour femme i l'aparence de son zéle, il se servit de la fille de l'Empereur Cantacuzéne, & | leur disposition à la profession des arà la faveur de la guerre que ce Prince mes pour s'élever sur le Trone , & il fit à l'Empereur Paléologue, dont ilde y réussit par la force & la fourberie vint le concurrent après en avoir été soutenuë d'une grande aparence de le tuteur , il se rendit maitre de la vil. I religion. Il en transmit la succession le Ginghis (19) émule d'Alexandre, envieux de sa gloire, conquit tour l'Orient depuis les murailles de la Chine, julqu'aux forêts de Moscovie. Il commanda toute la Tartarie sous le nom de GRAND KAM: il laissa à ses successeurs le soin de soutenir ce grand nom. Dans tous ces fondateurs de Monarchie, la grandeur d'ame correspondit à celle de leur Empire. Peu de leurs successeurs les égalérent : aucun ( 20 ), même de ceux qui étendirent les bornes de leur Etat , ne les surpassa en valeur. Le rang que le soleil tient parmi les astres , Ferdinand le Catholique le tient parmi ces héros. La nature l'orna de ses qualités, la fortune le combla de ses faveurs, la renomée l'honora de ses aplaudissemens , le ciel le revêtit de toutes les grandes vertus qui brillérent dans les Rois fondateurs : l'Empire qu'il établit, jouit de tout ce qu'on admire de meilleur dans toutes les autres Monarchies : il réunit plusieurs Couronnes en une seule (21), & un monde ne lufisant point à la grandeur, fa capacité & fon bon heur à ses descendans, sous le nom de CHÉ- exemples qui lui seroient contraires. Rif qui signifie personnage fage. Ce ne sera point la seule pensée de (19) Le vrai nom de Ginghis êtoit Gracian,qui ait besoin de restriction. Temufin , car Ginghis est un furnom (21) Ferdinand posséda toute l'Esqui signifie Conquérant. Il naquit l'an pagne, excepté le Portugal. Son maria1154, d'un petit Prince Tartare. Il a ge avec Isabelle réunit l’Aragon à la êté un très-grand Prince &un très-grand Caftille , & sous fon régne l'Espagne héros, & ce n'est point une éxagéra - monta dun si haut dégré de grandeur & tion que de le comparer à Aléxandre. de puissance que depuis, elle a donné Il transmit fes conquêtes à ses succef- de la terreur ou de la jalousie à tous les feurs avec le nom de grand Kam , & autres Etats de l'Europe. Sous Philippe plusieurs ( quoiqu'en dise Gracian ) le H , tous les Royaumes d'Espagne fufoutinrent avec dignité. La postérité de rent soumis à un seul Monarque: certe ce Prince régne encore aujourd'hui en union dura peu, & sousPhilippe IV son Tartarie sur les Usbecs. petit-fils, les Portugais révoltés se don. (20) Cette pensée est trop générale , nérent un Roy. & l'Histoire pourroit produire plusieurs pour des > heur lui en découvrirent un autre ( 22 ). Il aspiroit à à orner son front des pierres orientales , ainsi qu'il avoit fait des perles (23) occidentales : fi de les jours il n'en vint point à bout , il en enseigna le chemin aux Princes que fon alliance rendit ses successeurs. Il employoit l'art, où la force ne pouvoit avoir lieu. Ferdinand fur de la race héroïque des Rois d'Aragon, toujours féconde mére (24) de héros. Une (22) L'Amérique fur découverte en tion la plus dificile , qui consiste à 1492 par Christofle Colomb, à qui Fer- apaiser par la seule autorité des sédidinand après sept années de solicita- tions toutes formées. A peine fut-il détions avoit donné le commandement barqué, que les Soldats prirent le prede trois vaisseaux. Il avoit êté aupara- mier prétexte qui se présenta vant refusé par les Génois , par le Roy mander leur retour. Ximénés alla se de Portugal, & par le Roy d'Angleter- mettre au milieu d'eux , saisit au colec re qui avoient traité ses propositions de le plus factieux , le fit éxécuter à mort chiméres. Christofle Colomb entreprit sur le champ , & intimidales autres de cette glorieuse découverte sur les mé- forte qu'il ne leur arriva plus de se soumoires que lui remit un Pilote, dont le lever. Oran & Melille furent prifes , vaisseau allant en Afrique avoit êté jet- Bugie & Tripoli rendus tributaires ; & té par les tempêtes aux côtes de l'Amé. Ximénés s'en retourna dans son Eglise rique. de Toléde avec tant de gloire & de de (23) De ces expressions métapho-pouilles, que Ferdinand n'osa plus penriques , l’une signifie les projets de Fer- Ter à lui. dinand contre les Turcs , & l'autre ses (24) Quand on ne sçauroit pas que conquêtes en Amérique. Ferdinand en- Gracian fut Aragonois, on le connoivoya en 148: des Ambassadeurs aux troit par cette pensée qu'il semble répéPrinces d'Italie , pour former une ligue ter avec plaisir dans plusieurs endroits contre le Turc. Elle n'eut point d'éfet; de cet ouvrage , & je n'en suis pas sur& loin de les ataquer, on fut réduit à pris ; car on louë volontiers sa patrie se défendre. Pour les conquêtes d'Afri- lorsqu'on la peut louer avec vérité. En que, elles ne furent pas les fruits des éfet il y a eu peu d'Etats , où de grands travaux de Ferdinand, mais de ceux du Rois aient fuccédé à de grands Rois, Cardinal Ximénés. Ce Prélar disgracié avec plus de constance qu'en Aragon. par Ferdinand , qu'il avoit toujours bien La nécessité de faire la guerre aux Moservi, leva une armée de 16 mille hom- res, le peu de revenu afecté à la Coumes avec ses propres deniers, & la con- ironne, les éxemples de leurs sujets & duisit lui-même en Barbarie. Il de- le mépris où ils seroient tombés; mais vint Capitaine dans le peu de tems qu'il plus encore les loix de l'Etat les rendiemploya à passer le trajet de la Médi- rent tous guerriers. Quelques-unes de terranée, qui sépare l'Espagne & l’Afri- ces loix méritent d'être raportées à cause que : il en pratiqua d'abord la fonc- A de leur singularité. Les Aragonois après |