LETTRES EDIFIANTES ET CURIEUSES, ÉCRITES PAR DES MISSIONNAIRES DE LA COMPAGNIE DE JESUS. MÉMOIRES DE LA CHINE, &c. LETTRE Du Pere Jartoux, Miffionnaire de la Com pagnie de Jefus à la Chine, au Pere de Fontaney, de la même Compagnie. A Peking, ce 20 d'août 1704. MON RÉVÉREND PERE, P. C. Je me fouviens que quand vous partites de la Chine, vous me chargeâtes 413778 de vous faire part, tous les ans, de nos croix & de nos confolations. Graces à Dieu, j'aurai bien de quoi vous fa tisfaire fur le premier point: mais il ne fied pas toujours aux difciples de Jefus Chrift de faire eux-mêmes le détail de leurs peines: c'eft bien affez pour eux que Dieu daigne leur en tenir compte. Agréez donc que je m'attache uniquement à ce qui peut vous faire plaifir & yous édifier. Je commence par l'ouverture folemnelle de notre églife, qui fe fit enfin le 9 de décembre de l'année 1703. Ce fut, comme vous fçavez, au mois de janvier de l'année 1699, que l'Empereur accorda au Pere Gerbillon la permiffion de la bâtir dans ce grand emplacement qu'il nous avoit donné, & qui eft renfermé dans l'enceinte même du Palais. Quelque temps après, ce Prince fit demander à tous les Miffionnaires de la Cour, s'ils ne vouloient pas contribuer à la conftruction de cet édifice, comme à une bonne œuvre à laquelle il vouloit auffi avoir part. Enfuite il fit diftribuer à chacun cinquante écus d'or, donnant à entendre que cette fomme devoit y être employée. Il fournit encore une partie des matériaux, & nomma des Mandarins pour préfider aux ouvrages. On n'avoit que deux mille huit cens livres quand on creufa les fondemens; on comptoit, pour le refte, fur les fonds de la Providence; &, par fa bonté infinie, elle ne nous a pas manqué. Quatre années entieres ont été employées à bâtir & à orner cette église, une des plus belles & des plus régulieres de tout l'Orient. Je ne prétens pas vous en faire ici une description exacte, il me fuffit de vous en donner une légere idée. On entre d'abord dans une cour large de quarante pieds fur cinquante de long: elle eft entre deux corps-de-logis bien proportionnés ; ce font deux grandes falles à la Chinoife : l'une fert aux con. grégations & aux inftructions des Catéchumenes, l'autre fert à recevoir les perfonnes qui nous rendent visite. On a expofé dans cette derniere les portraits du Roi, de Monfeigneur, des Princes de France, du Roi d'Efpagne régnant, du Roi d'Angleterre, & de plufieurs autres Princes, avec des inftrumens de Mathématique & de Mufique. On y fait voir encore toutes ces belles gravures recueillies dans ces grands livres qu'on a mis au jour pour faire connoître à tout de vous faire part, tous les ans, dé nos croix & de nos confolations. Graces à Dieu, j'aurai bien de quoi vous fa tisfaire fur le premier point: mais il ne fied pas toujours aux difciples de Jefus Chrift de faire eux-mêmes le détail de leurs peines: c'eft bien affez pour eux que Dieu daigne leur en tenir compte. Agréez donc que je m'attache uniquement à ce qui peut vous faire plaifir & vous édifier. Je commence par l'ouverture folemnelle de notre églife, qui se fit enfin le 9 de décembre de l'année 1703. Ce fut, comme vous fçavez, au mois de janvier de l'année 1699, que l'Empereur accorda au Pere Gerbillon la permiffion de la bâtir dans ce grand emplacement qu'il nous avoit donné, & qui eft renfermé dans l'enceinte même du Palais. Quelque temps après, ce Prince fit demander à tous les Miffionnaires de la Cour, s'ils ne vouloient pas contribuer à la conftruction de cet édifice, comme à une bonne œuvre à laquelle il vouloit auffi avoir part. Enfuite il fit diftribuer à chacun cinquante écus d'or, donnant à entendre que cette fomme devoit y être employée. Il fournit encore une partie des matériaux, & nomma des |