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il l'eft bien plus par le témoignage de Quintilien. Perfe, dit ce Rhéteur célèbre, s'eft acquis beaucoup de gloire, mais de cette gloire vraie & folide, par le peu de vers qu'il a faits. Multùm & vera gloria, quamvis uno libro, Perfius meruit. Valérius Probus rapporte que, du moment que ce petit livre fut mis en lumiere, on l'admira; le Libraire entouré d'acheteurs, n'y pouvoit fuffire, on fe l'arrachoit des mains. Editum librum continuò homines mirari & diripere cœperunt. Le docte Cafaubon l'égale aux Poëtes fatyriques les plus habiles & les plus anciens; il s'en fait une affaire, & emploïe un grôs volume pour le prouver. J'ai vû encore une interprète latin fort fubtil, qui en dit tous les biens poffibles. Voici fes termes, à peu près, Perfe affecte d'être obfeur; il répand exprès fur fes écrits des ténèbres & des ombres, cependant quantité de gens de mérite & d'un profond fçavoir, Le goûtent & l'aiment : ils ont raifon,

car il eft fi folide, fi fententieux, il s'exprime avec tant d'énergie & d'une maniere fi concife, qu'à tout prendre, aucun de fes confreres ne l'emporte fur lui: il pourfuit le vice ardament,

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donne à la vertu toute la loüange qu'elle mérite. Lifez-le, vous lui arouverez beaucoup de capacité, un Stile châtié & poli, une grande va» rièté de mille agréables choses ; vous n'y verrez rien de commun, rien que -vous ne foiez ravi d'apprendre. Il eft fort petit j'en conviens ; les perles prétieufes & les diamants le font aufis moins il pèfe, plus il vaût ; & d'eft peut-être ce que Martial a voulu nous faire entendre. Jugez-en vous-mêl me, Monfieur, vous verrez que fes difcours font vifs, ferrez, justes, éxacts, élégants, colorez par endroits du ftile & des écrits d'Horace, qu'il s'étoit rendu familier & qu'il avoit fait paffer, fi j'ôfe m'exprimer de la forte, dans la substance de fon efprit à force de le lire. Je fçai bien qu'il n'eft pas d'abord fi intelligible,

& qu'il ne tenoit qu'à lui de s'éxpli quer plus nèttement; mais le moien fous le règne de Néron? c'ètoit un terrible homme, qui n'entendoit nullement raillerie; & comme il avoir droit plus que personne de prendre pour lui ce qu'il pourroit y avoir de plus fin & de plus piquant dans une fatyre, pour peu que cela eût été clair; je ne fuis pas furpris de voir, que Perfe ait affecté d'être énigma tique & mystérieux. Vous fçavez ce qu'il en couta au mal- heureux Lucain pour ce feul vers. Unde tuam Spectes obliquo fydere Romam. Néton étoit louche & fon regard équivoque. L'épithète, obliquo, le défola, le transporta de fureur; il fit mourir de Poëte. Si Lucain emploïa cèrte épithère par malignité, il eut grand tort. Jamais un honnête homme pour peu qu'il fçache vivre, ne s'eft avifé de reprocher à perfonne, des défauts purement naturèls, dont on ne peut être coupable. Néron avoit tant d'autres vices; il étoit cruel

Languinaire; c'ètoit un monftre de nature & l'horreur du genre humain. Ainfi, quand Jules Scaliger traite Perfe de docte fébricitant; apparament il n'y penfe pas; & je fuis fur que ce critique fi fier & fi redouta→ ble, eût été lui-même faifi de violents friffons, & eût tremblé de tout fon corps à la feule vûë de Néron. J'admire même l'audace de Perfe d'avoir une fois voulu fe jouer à cèt Empereur: car ce petit bout de vers. Auriculas afini Midarex habet, ètoit mis là exprès pour lui; c'en etoit fait du Poëte, fi le fage, le difcrèt Cornutus n'eut fupprimé le nom propre, & n'eut fubftitué à la place de la perfonne, un mot auquel, heureux le petit nombre qui n'y a point de part. Je ne conçois pas même comment ce Philofophe éxilé depuis par le Tyran pour n'avoir pas cru devoir aprouver le deffein de fon Poëme, fouffrit que fon difciple s'éxpôlât à produire avec un éfprit malin, comme un modèle de vers ache

vez.

vez. Torva mimalloneis, &c. Tout le ridicule de ces quatre vers eft rendu à merveille par les huit vers que Monfieur l'Abbé de Maroles a mis dans fa traduction, je n'y ai rien changé. Je ne finirois point fur Per fe, fi je m'en croiois; quand de ne feroit que pour le dédommager du peu de place qu'il tient dans ce livre:: il y entre auffi de ma part un peu de reconnoiffance m'ètant apperçu que fon style, qui tient du ftyle des Ota+ cles, ne m'a pas beaucoup gèhné, & m'a laiffé une honnête liberté de m'exprimer comme il n'a plu à la faveur de l'interprétation que le P.. de Jouvancy en a faite, en quoi certes, je ne lui ai pas une petite obli gation. J'oubliois une réflexion qui m'eft venuë, & que je crois affez. vraie..

En relifant un endroit, où je voUS repréfente Perfe, qui défigue Nérom en style obscur & mystérieux, j'ai lieu de douter; m. Si fous le nom de Midas, il avoit Néron en veuë. 2o..

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