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Guicciard.

croiffoit par la fageffe, par la prudence, par l'amour des Arts, par toutes les reffources d'un luxe éclairé,. bienfaisant, digne des plus grands Rois; ils ne donnoient à leur Patrie que des fers dorés qu'elle n'appercevoit pas, & qu'elle forgeoit quelquefois elle-même par l'hommage qu'elle rendoit aux vertus des Médicis.L'illuftre Côme fut honoré du titre de Pere & autres Aude la Patrie. Laurent & Julien fes pe- teurs. tits-fils, gouvernerent leur République en Citoyens, mais en Maîtres. La conjuration des Pazzy, qui fit périr Julien, rendit Laurent (1) fon frere plus cher aux Florentins par le danger qu'il avoit couru; fes ennemis en voulant le perdre, ne firent qu'augmenter fon pouvoir, il marcha fur les traces de Côme fon ayeul, & fit comme lui les délices de fa République. Pierre fon fils, moins habile & moins heureux, fit trop fentir le joug aux Florentins qui le fecouerent avec indignation; les pas témé

(1) Ce Laurent de Médicis fut furnommé le Peres des Mufes.

raires qu'il fit vers la Souveraineté, le rendirent odieux. Florence s'apperçut qu'elle n'étoit plus libre & voulut le redevenir, elle fe fouleva & chaffa Médicis qui ne put fe rétablir..

Le Cardinal Jean de Médicis (1), à force d'adreffe & de courage, ramena fa Maison triomphante dans Florence, elle reparut à la tête du Gouvernement avec une autorité accrue par la perfécution. Le Cardinal parvint au Pontificat à l'âge de 36 ans; il prit le nom de Léon X. C'eft ce Pape à jamais célebre par la protection magnifique qu'il accorda aux Arts, par les talens de toute efpece qu'il fit éclore en Italie. Une heureufe émulation les porta bientôt dans les Etats voifins, & Léon X fut le bienfaiteur de l'Europe. C'é toit ce grand Prince qui occupoit le Saint Siége, lorfque François I parvint à la Couronne. Le jeune Laurent de Médicis fon neveu, étoit, fous fa direction, véritable Souve

(1) Oncle de Pierre.

rain de la Toscané, fans en avoir le titre. Les Florentins n'ofant plus fpnger à détruire cette autorité, s'occupoient à la borner, les Médicis travailloient à l'étendre, & il étoit naturel de penfer que ceux-ci feroient portés à embraffer les intérêts du Prince, qui feconderoit le plus utilement leurs vûes.

Jules II avoit tiré parti de fes guerres contre la France; il avoit détaché du Milanès Parme & Plaisance qu'il s'étoit appropriées, il avoit humilié ou dépouillé la plupart des Feudataires du Saint Siége; il avoit chaffé de Bologne les Bentivoglio qui, depuis plus d'un fiécle, s'en étoient rendus les maîtres; il avoit enlevé au Duc de Ferrare, Modene, & Regge, &c. Tous ces petits Souverains étoient fous la protection de la France. On juge bien que Léon X ne leur avoit point rendu ce que Jules II leur avoit enlevé. François I voulant faire la conquête du Milanès avoit à choifir entre deux partis; l'un peut-être plus utile, étoit de s'affurer l'amitié du Pape, en lui laiffant

Parme & Plaifance, & en abandonnant les Feudataires ; l'autre certainement plus honnête, étoit d'avoir te Pape pour ennemi, en revendiquant ces deux Places & en foutenant contre lui les Princes d'Italie.

VENISE.

Les Vénitiens avoient trois grands objets qu'ils ne perdoient jamais de vûe: l'aggrandiffement de leurs Etats de terre - ferme, l'intérêt de leur commerce, & la balance de l'Italie. Un même principe réuniffoit ces trois objets & les faifoit marcher de front. Ces peuples enrichis par un commerce, qui embraffant l'Océan & la Méditerranée, s'étendoit depuis les ports de l'Angleterre jufqu'à ceux de la Mer Noire & de l'Egypte, fentoient que pour n'en être jamais privés, il falloit qu'ils dominaffent feuls fur la Mer Adriatique ; il falloit donc empêcher les diverfes Puiffances d'Italie, celles fur-tout qui avoient des ports fur cette mer, de s'accroître & de devenir formidables; il falloit donc les tenir dans un jufte équili

bre, les opposer les unes aux autres, les affoiblir toutes, fur-tout profiter de leurs dépouilles & aggrandir même les Etats de terre - ferme de la République, pour affermir fon Empire Maritime. C'eft en fuivant ce fyftême que les Vénitiens avoient pris fur l'Eglife les Places maritimes de la Romagne; fur les Rois d'Arragon, les ports les plus confidérables du Royaume de Naples ; fur la Maison d'Autriche, le Frioul & l'Iftrie; fur l'Empire ou fur fes Feudataires, le Trevifan, le Padouan, le Vicentin, & jufqu'au Veronez. Ils concouroient avec les Papes à chaffer entiérement l'Empereur de l'Italie, où le moindre établissement lui eût fourni le prétexte, & peut-être les moyens de faire revivre toutes les vieilles prétentions de l'Empire. Le Milanès même n'avoit point été à l'abri des invafions des Vénitiens; Philippe- Paul Jove Marie Visconti en 1430 avoit été vita duode. forcé de leur céder le Bergamafque Comitum. & le Breffan; François Sforce en 1455, leur avoit cédé auffi Crême & fes dépendances.

cim Vice

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