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l'Amiral de

Brion,

déle, s'empreffoit à le fuivre, à lui
plaire; s'attachoit à lui par les dou-
ces chaînes de l'égalité; il diftin-
guoit dès-lors Montmorenci, Brion
(1), & Montchenu. Brantôme Homm. 1
rapporte que ces trois jeunes Sei- luftr. Vie de
gneurs s'entretenant avec lui fur leurs
deftinées futures, lui demanderent
ce qu'il feroit pour eux lorsqu'il fe-
roit monté fur le Trône (alors les
deux fils de Louis XII morts au
berceau, relevoient les efpérances du
Comte d'Angoulême): defirez feu-
lement, leur dit François, & foyez
furs de tout obtenir. Montmorenci
défira d'être Connétable, Brion d'ê
tre Amiral, Montchenu borna fon
ambition à être premier Maître-
d'Hôtel; leurs vœux furent remplis
dans la fuite, & le conte fut aifé à
imaginer.

NÉGOCIATIONS POUR LE MARIAGE
DE FRANÇOIS.

La Comteffe d'Angoulême avoit perdu avec fon mari le goût de la

(1) De la Maison de Chabot.

1498.

retraite, elle développoit à la Cour un caractère fouple & altier, fait pour l'intrigue & la domination. Louis XII, fi long-tems traversé dans fon ambition & dans fa tendreffe, venoit de répudier Jeanne de France, & de replacer la veuve de Charles VIII fur le Trône. Son goût pour elle, irrité d'abord par les obftacles & par la privation, redoublé. depuis par la poffeffion, étoit plus fort, que jamais; il réuniffoit la vivacité de la tendreffe & la douceur folide de l'amitié. Anne de Bretagne méritoit ces fentimens, non-feulement par les fiens, mais encore par toutes les vertus d'une ame forte, élevée, bienfaifante, dont le caractère exprimé fur fa phyfionomie afaifoit dire : qu'en

la

voyant on croyoit voir la Reine du Monde (1).

Cette Princeffe diftinguoit toujours dan's fon cœur les droits de fon pays

י

(1) Qui voudroit, dit l'Auteur de l'Hiftoire du Chevalier Bayard, ses vertus ( d'Anne de Bretagne) fa vie defcripre, comme elle a mérité, il fauldroit que Dieu feit reffufciter Ciceron pour le latin, & Maiftre Jean de Meung pour le françois ; car les Modernes n'y fauroient attendre.

D'Argentre

Hift. de Bretagne, 1. iz

nean, Hift.

Preaves da

cette Hift

ceux de fon époux. Preffée par les armes de Charles VIII, fatiguée par les intrigues de fa propre Cour, effrayée de la confternation de fes Sujets, déterminée enfin par les remontrances généreufes de ce Duc d'Or léans qu'elle aimoit, 'elle aimoit, qui l'aimoit & qui avoit tant fouffert pour elle, elle D. Lobis'étoit facrifiée, en gémiflant, pour de Bretag. l. le falut de la Bretagne; elle avoit 21, 22. voulu du moins lui rendre ce facri fice utile: en époufant Charles VIII, elle avoit fait conferver aux Bretons leurs privileges; mais fans la confulter on avoit ftipulé dans le contrat de mariage, 1°. que fi le Roi mouroit fans enfans, Anne feroit obligée d'époufer fon Succeffeur; 2°. que fi elle mouroit avant lui, foit qu'elle eût des enfans ou qu'elle n'en eût pas, la Bretagne refteroit réunie à la France. De ces deux articles, le premier ne put lui déplaire, il lui laiffoit l'efpérance, quoiqu'éloignée & incertaine, d'époufer le Duc d'Orléans; le fecond la révoltoit; fon zèle pour les-intérêts bien ou mal entendus de la Breta

gne, lui faifoit voir avec indigna” tion ce Duché réduit en Province ordinaire de l'Empire François; elle vouloit lui affurer un Duc particulier; ce defir étoit dominant dans fon ame; auffi en époufant Louis XII fe fervit-elle de tout fon pouvoir fur lui pour le faire foufcrire aux deux conditions fuivantes; 1°. que fi elle mouroit fans enfans, le Duché retourneroit aux héritiers de fa Maifon; 2°. que fi elle avoit plufieurs fr enfans, le puîné auroit le Duché de Bretagne. C'étoit faire perdre à la France tout le fruit de fes travaux ; c'étoit lui préparer pour l'avenir les mêmes embarras, les mêmes troubles dont on avoit voulu couper la racine; c'étoit enfin procurer à la Bretagne une indépendance orageufe, qui l'eût toujours privée de la paix, le plus grand des biens politiques.

Tels étoient les vûes, les fentimens, le caractère de la Reine. Son empire étoit abfolu & univerfel; elle gouvernoit le Roi, qui lui accordoit sout, en difant: il faut fouffrir beau

Vie des Da

Loup d'une femme, quand elle aime fon Hilarion honneur & fon mari; elle enchaînoit de Cofte, la Cour, elle étoit refpectée du peu- mes illuftres, ple: on aimoit en elle jufqu'à la fier- tome 1. p. 6. té qui fembloit ennoblir toutes fes & autres,

vertus,

La Comteffe d'Angoulême paroît à la Cour & la partage. Peu foigneufe de plaire à la Reine, auffi fiere, moins vertueufe; plus adroite, jeune, belle, elle lui déplut bien-tôt, leur inimitié fut éclatante. En vain le Roi étoit fans ceffe occupé à les réconcilier; leur antipathie, fupérieure à fes efforts, rompoit toujours les nœuds trop foibles dont il les uniffoit; le rang de la Comteffe d'Angoulême, veuve du coufin-germain du Roi, mere de l'héritier préfomptif de la Couronne, lui donnoit un crédit redoutable à sa rivale. Tous ceux qui étoient moins frappés du préfent qu'inquiets fur l'avenir, tous les mécontens, qui font toujours en grand nombre fous le regne le plus heureux, groffiffoient & fortifioient fon parti; la Reine chercha des prétextes pour la renvoyer en Savoye,

A. Ferrona

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