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mais le Roi n'y voulut jamais cons fentir.

On traitoit depuis long-tems à la Cour des plus grands intérêts; Louis XII & Anne de Bretagne n'avoient plus d'enfans mâles, mais il leur ref toit deux filles, Claude & Renée. La Reine prétendoit difpofer de leur établissement, fur-tout de celui de l'aînée, parce qu'elle avoit une (1) Souveraineté importante à lui donner. Tous les vœux des François étoient pour la réunion de la Bretagne à la Couronne, & pour le mariage de Madame Claude avec le jeune Comte d'Angoulême; mais fa mere étoit trop odieuse à la Reine, & la Reine étoit trop fidéle au projet de donner un Duc particulier à la

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(1) Ces titres de Souverain & de Souveraineté échappent quelquefois quand on parle des grands Vaffaux de la Couronne. Nous demandons qu'on les entende toujours dans le fens où les employe Beaumanoir. Cet Auteur dit que chacun des Barons., fi eft Souverain en (a Baronie, mais que le Roi eft Souver. rain par-defjus tous, & fi n'eny a nul, fi grand deffous ly qui ne puift être trais en fa Cour pour défaute de droit on de faux jugement, & pour tous les cas qui tonquent au Roi,

Bretagne. D'un autre côté, la Comteffe d'Angoulême, qui fentoit de quelle importance étoit ce mariage pour fon fils, en faifoit l'objet de toutes fes négociations; mais inca pable d'abaiffer fon orgueil aux pieds de fon ennemie, elle mettoit fa gloire à obtenir la Princeffe directe ment du Roi & de l'Etat, & à l'arracher, pour ainfi dire, des bras de la Reine; c'étoit à la fois fatisfaire fa haine & fon ambition, s'élever avec fon fils & humilier fa rivale.

Varillas prétend que pour rompre ces mefures, Anne de Bretagne traita fecretement en Flandre & en Allemagne du mariage de fa fille avec le Prince d'Espagne Charles, & qu'elle prétendoit conclure ce mariage fans la participation du Roi, L'autorité feule de Varillas ne fuffit pas pour perfuader un fait fi incroyable & fi mal expliqué; mais il eft certain que la Reine eut toujours en vue l'alliance du Prince d'Efpagne, & qu'elle contribua beaucoup à tant de Traités (1),

(1) Traité de Trente en 1501, de Blois auffi en soi, de Lyon cn 1503, de Blois en 1 504.

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où Claude fut promise à ce Prince.

Pendant cette fermentation, le Roi eut une maladie qui fembla lui ouvrir le tombeau; les Médecins défelpérerent de fa vie; la douleur de la Reine ne l'empêcha pas de prendre des mefures pour fe retirer en Bretagne avec fes filles. Déja quelques bateaux, chargés de fes meubles les plus précieux, defcendoient vers Nantes par la Loire; le Maréchal de Gyé, Gouverneur de l'Anjou, ofa penfer qu'il étoit de fon devoir de faire arrêter ces bateaux. La Reine dont il étoit né fujet, fentit cette injure jufqu'au fond du cœur; fes grandes vertus lui avoient laiffé le grand défaut d'être implacable. En vain le Roi parut applaudir à la fidélité hardie du Maréchal de Gyé, il ne put éternellement réfifter aux plaintes d'une femme adorée, il fallut livrer le Maréchal à fon reffentiment, elle fit rechercher avec rigueur toute fa vie; on vouloit des crimes, on ne manqua pas d'en trouver. Le Confeil du Roi nomma pour faire le procès au Maréchal, le Parlement de Touloufe 名

Toufe, parce qu'il avoit la réputation d'être le plus févere du Royaume ; mais ce Parlement fi févere ne fit que manifefter l'innocence duMaréchalde Gyé par la douceur des peines qu'il lui. infligea; il fe contenta de le fufpendre pendant cinq ans des fonctions de Maréchal de France, & de le bannir à dix lieues de la Cour : le Public trouva encore ce jugement trop rigoureux; on en rit au lieu de s'en indigner, c'eft le génie François : on joua dans un Collége de Paris une farce dans laquelle on difoit, fuivant le goût de plaifanterie du tems: Qu'un Maréchal ayant voulu ferrer un âne, en avoit reçu un fi grand coup de pied, qu'il avoit été jetté par dejus les murailles de la Cour jufques dans le Verger. La fin de cette groffiere allégorie (1) s'explique par la retraite du Maréchal de Gyé dans fon Château du Verger en Anjou.

(1) Du même goût eft le prétendu fonge de Marguerite d'Autriche, qui étant venue en France pour époufer Charles VIII, & ne l'ayant point époufé, parce qu'il préféra l'alliance d'Anne de Bretagne, rêva, dit on, qu'elle dicit dans une prairie ù un ane lui coupoit l'herbe jeus le pied. Tome I.

B

Brantome, luftr.

Homm. il

Mezerai, Grande Hift

où Claude fut promise à ce Prince.

Pendant cette fermentation, le Roi eut une maladie qui sembla lui ouvrir le tombeau ; les Médecins défelpérerent de fa vie; la douleur de la Reine ne l'empêcha pas de pren→ dre des mesures pour fe retirer en Bretagne avec fes filles. Déja quelques bateaux, chargés de fes meubles les plus précieux, defcendoient vers Nantes par la Loire ; le Maréchal de Gyé, Gouverneur de l'Anjou, ofa penfer qu'il étoit de fon devoir de faire arrêter ces bateaux. La Reine dont il étoit né fujet, fentit cette injure jufqu'au fond du cœur; fes grandes vertus lui avoient laissé le grand défaut d'être implacable. En vain le Roi parut applaudir à la fidélité hardie du Maréchal de Gyé, il ne put éternellement réfifter aux plaintes d'une femme adorée, il fallut livrer le Maréchal à fon reffentiment, elle fit rechercher avec rigueur toute fa vie; on vouloit des crimes, on ne manqua pas d'en trouver. Le Confeil du Roi nomma pour faire le procès au Maréchal, le Parlement de Touloufe

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