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de rage & de terreur, après la ba1515. taille de Marignan ; au bruit de l'approche du Roi, il s'enfuit chez l'Empereur pour l'engager à faire un effort en faveur des Sforces; il prit la précaution fatale à la France, de mener avec lui à la Cour de l'Empereur, le jeune François Sforce, frere puîné du Duc Maximilien, afin que fi ce dernier tomboit entre les mains du Vainqueur, l'autre pût continuer la querelle, en foutenant les droits de la Maifon. C'étoit le feul moyen de nuire aux François, qui reftât au Cardinal. L'affaire de Marignan avoit détruit fon crédit parmi fes Compatriotes. Le fuccès l'ayant condamné, on ne vit plus en lui que le fléau de fa Patrie: on lui redemanda le fang de tant de braves Soldats, de tant d'excellens Capitaines facrifiés à fa fureur: peu s'en fallut que les Suiffes ne le facrifiaffent à la leur. Le refpect qu'infpiroit fa croix de Légation, lui fut très-utile en cette occurrence; mais ce refpect pouvoit avoir des bornes, le Cardinal le craignoit, & en fe fauvant de

Milan chez l'Empereur, c'étoit moins encore les François qu'il fuyoit, que fes propres Compatriotes.

1515.

Quelques Suiffes crurent cepen- Guicciard. dant que l'honneur les engageoit à liv. 12. fuivre jufqu'au bout la fortune de Maximilien Sforce: ils s'enfermerent avec lui dans le Château de Milan. Auffi-tôt que le Roi parut à la vûe de la Ville, les Habitans s'emprefferent de lui porter les clefs, le Roi ne crut pas devoir y faire fon entrée, tandis que le Château réfiftoit encore.

Ce Château paffoit pour une des plus fortes Places de l'Europe. Sforce avoit des vivres pour plufieurs mois, fes affaires n'étoient point défefpérées. Les Suiffes, quoique mécontens d'avoir manqué l'occafion de faire à Galéra une paix avantageufe, se regardoient comme engagés malgré eux dans la querelle du Milanès; leur Diéte générale tenue à Zurich depuis Belcar. liv. la bataille de Marignan, venoit de 15. n. 27. décider que la Nation s'armeroit de nouveau pour la défense de Sforce, & leveroit jufqu'à cinquante mille hommes en fa faveur. D'un autre

côté il étoit poffible que l'activité du 1515. Cardinal de Sion arrachât l'Empereur à fon indolence. Le Pape même qui n'avoit point encore conclufon Traité avec le Roi, alloit peut-être envoyer fes Troupes au fecours du Château de Milan,, & les Troupes Efpagnoles s'y fuffent jointes infailCuicciard. liblement. Les François, pour en

Jiv. 12.

Du Bellay, liv. I.

lever à Sforce toutes ces reffources, preffoient la Place avec la plus grande vivacité : c'étoit le Connétable qui conduifoit le fiége, la partie du génie étoit abandonnée aux talens connus de Navarre.

Navarre ne fe propofoit pas moins que de faire fauter en l'air le Château de Milan, par le moyen des P.Jov.lib.is mines, il penfa lui-même être la victime de fon art terrible; il avoit poufMém. de fé la tranchée jufqu'à un baftion de la Place, fes Travailleurs étoient couverts, les défenses extérieures des Affiegés abattues, les foffés defféchés ; une cafemate du Boulevard qu'il fit voler en l'air, & dont il fe trouvoit trop près, l'enfevelit sous ses ruines; on ne l'en tira qu'avec peine, pref

que écrafé, couvert de bleffures; les travaux que lui feul fçavoit diriger, 1515 en fouffrirent quelque tems. Dès qu'il fut en état de les continuer, les Affiégés s'allarmerent, la cafemate renver e les menaçoit d'un péril plus grand. L'art des mines effrayoit d'autant plus, qu'il étoit plus nouveau, & que les fecrets en étoient moins connus : il n'arrivoit de fecours d'aucun côté ; on avoit appris que le Viceroi de Naples, à la nouvelle du fuccès de Marignan, s'étoit trouvé trop heureux de pouvoir ramener dans le Royaume de Naples fes Troupes découragées, pleines d'effroi, & dont il n'étoit plus le maître; Laurent de Médicis, fe voyant abandonné des Efpagnols, ne voulut point traverfer par une démarche téméraire, le Traité déja fort avancé entre Léon X & François I. L'Empereur promettoit toujours & reftoit immobile. La lenteur avec laquelle les Suiffes exécutoient le recès (1) de la Diéte de Zurich,

(1) Le recez d'une Diéte eft le recueil ou le cayer des délibérations de cette Diéte. Recez, receffus vient de recedere, parce que cet acte fe fait Lorsqu'on eft fur le point de fe retirer.

M

annonçoit affez qu'ils prêtoient l'o

1515. reille aux propofitions que le Roi vouloit bien encore leur faire de renouveller les anciennes alliances; peut-être même la fierté du recès du Zurich n'avoit-elle eu pour objet que d'obtenir du Roi des conditions plus avantageufes. Cependant le Château de Mifan pouvoit fauter en l'air avec le Duc & tous les Affiégés; il y avoit d'ailleurs de la méfintelligence entre ceuxci; les Suiffes s'accordoient mal avec les Italiens de la garnifon. Le Connétable fçut à quel point ces confidérations ébranloient la conftance de Sforce, il jugea que la voie de la né-gociation feroit efficace & prompte, Guicciard, il y employa Jean de Gonzague fon Oncle, Favori de Sforce; il gagna par fon moyen Jerôme Moron, Chancelier de Milan, lame du Confeil de Sforce, homme adroit & ambitieux.. (1) Quelques Hiftoriens accufent ces deux hommes d'avoir déshonoré leur Maître, en lui faisant figner une

liv. 12.

P. Jov. I, is.

י

(1) On le verra par la fuite jouer un grand rôle dans les révolutions du Milanès.

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