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y répandiflent le découragement, il mit dans fon dépit la hauteur d'un 1516. Général, cette hauteur avec laquelle Alexandre avoit traité les Macédo

10, 11.

Quinteniens révoltés; il les licentia fur le curce, liv. champ comme des Soldats rebelles, 10. cap. 9, indignes de fervir fous lui. Le Connétable vouloit éloigner de fon Armée la contagion de la désobéissance, il fentoit aufli que s'il retenoit les Suiffes fous fes drapeaux, s'il s'obftinoit à les mener au combat, il ne feroit que les pouffer à la défection, que les jetter dans le parti de l'Empereur, au lieu qu'en les renvoyant bien payés fur leur premier refus il les laiffoit dans la difpofition de remplir le refte de leurs engagemens & de ne pas du moins combattre contre la France, s'ils ne vouloient pas combattre pour elle; il fe doutoit bien d'ailleurs que l'Empereur n'auroit jamais affez d'argent pour les prendre à son service.

Albert de la Pierre étoit trop attaché aux François, pour les abandonner, il refta & força de refter sa Compagnie de trois cens hommes ;

mais elle exigea que l'on ne l'em1516. ployât que contre les Allemands, & protesta de ne point combattre contre les Suiffes.

L'Empereur averti que les treize mille Suiffes avoient quitté l'armée des François, fe crut maître de Milan. Il parla en vainqueur, il dicta des Loix, il menaça, il fit souvenir les Habitans que l'Empereur Frédéric Barberouffe, ayant détruit leur Ville de fond en comble, avoit femé du fel dans le lieu où elle avoit été bâtie; il jura de la faire difparoître de nouveau, fi elle n'apportoit fes clefs. Sur le refus qu'on en fit, il diftribua fes quartiers autour de la Ville, & crut au moins qu'il alloit lever des contributions fuffifahtes pour remplacer l'argent du Roi d'Angleterre, qu'il avoit dépensé à toute autre chofe qu'à payer fes Troupes; mais tous fes projets échouerent par le bon ordre que le Connétable établit par-tout, & le défaut d'argent excita bien-tôt une révolte parmi les Suiffes de l'Armée Impériale.

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Le jour qu'ils devoient toucher un

mois de leur folde, étoit paffé, fans 1516. qu'on eût entendu parler de payement; le lendemain matin le Colonel Stafler va trouver l'Empereur dans fon lit, & lui demande de l'argent avec l'infolence fi familiere alors à ces Troupes étrangeres, lorfqu'elles étoient mal payées. L'Empereur s'irrite, s'appaife, menace, promet, conjure, mais vainement. On lui déclare que fi l'on n'est payé dans l'inftant, on acceptera la folde qu'offroit le Connétable de Bourbon. A ces mots l'Empereur eft frappé comme d'un coup de foudre ; Ludovic Sforce, l'Oncle de fa femme livré aux François par les Suiffes fe retrace à fa mémoire; il répond en tremblant qu'il ira le foir au quartier des Suiffes avec le Cardinal de Sion. (Ce Cardinal alors languiffant, & en apparence voifin du tombeau, ayant perdu sa force & sa santé, avoit confervé toute fa haine pour les François, & vouloit mourir en les combattant. ) L'Empereur fe leve avec précipitation, & au lieu d'al

Paul. Joy. 20. Lib, 3. paffim

Vita Leonis,

ler au quartier des Suiffes, se réfugie 1516. dans celui des Allemands, où il croit à peine être en sûreté; Trivulce augmente sa terreur par un ftratagême heureux, il écrit aux Capitaines Suiffes de l'Armée Impériale une lettre qui annonçoit une fausse intelligence & un prétendu complot contre l'Empereur. Il prend fi bien fes mefures, que la lettre eft interceptée; Maximilien l'ayant lûe, ne doute plus que fa perte ne foit jurée, il envoye le Cardinal de Sion porter au Suiffes feize mille écus, & leur en promettre beaucoup davantage afin de les amufer; en mê me tems il fuppofe qu'on doit lui payer dans la Ville de Trente une lettre de change de quatre vingt mille écus; il y court en pofte, mais cette lettre de change n'étoit qu'un Guicciard. prétexte, & ce voyage n'étoit qu'une fuite. Ses troupes l'attendoient en Du Bellay, vain au-delà de l'Adda, il ne revint point; le trouble se met dans cette armée dépourvue à la fois de Chef & d'argent; les Suiffes fe débandent, & pour l'argent qui leur

liv. 12.

Mém. de

liv. I.

étoit dû, vont piller Lodi & faint Ange. Le fiége de Milan eft levé, 1516. les Allemans abandonnés ne fongent plus qu'à la retraite. Le Connétable envoye à leur pourfuite le Comte de faint Pol, Montmorenci & Lef cun (1), qui troublerent leur marche, chargerent leur arriere-garde, & leur tuerent beaucoup de monde.

Telle fut la ridicule iffue d'une entreprise qui s'annonçoit avec un appareil fi formidable. Cet affront termina la carriere militaire de l'Empereur Maximilien I, il ne reparut plus à la tête de fes armées. Ce Prince qu'on avoit vu dès l'âge de vingt ans, triompher à Guinegafte de l'expérience de Defcordes, le plus fameux Capitaine de fon tems, démentit toute fa vie les efpérances qu'avoit données fa jeuneffe, & finit à cinquante-huit ans par être le premier déferteur de fon armée.

Ces fréquentes révoltes des Suiffes qui rendoient alors leurs fervices fi

(1) Lefcun fe nommoit Thomas de Foix, il étoit Frere du Maréchal de Lautrec,

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