Voit pu brifer, uniffoient alors François I avec Chriftiern, comme autre- 1518. fois Charles VIII avec Ludovic Sforce, & Louis XII avec les Borgia. Cette alliance du Dannemark, que Louis XII avoit donné l'exemple de cultiver, avoit pour objet d'oppofer le Dannemark à l'Empire, lorfqu'on étoit en guerre avec l'Empereur. En effet, le voifinage pouvoit rendre & avoit rendu autrefois ennemis le Dannemark & l'Empire. Charlemagne en 808 & 809, avoit enlevé aux Danois une partie du Slefwik. Henri l'Oifeleur le leur avoit enlevé prefque tout entier en 930 & 931, ils l'avoient repris & reperdu fous Othon II en 974 & 975. Sous Henri VII en 923, Waldemar II Roi de Dannemark pour fortir de la prifon où le retenoit le Comte de Schwerin, confentit à tenir fon Royaume en fief de l'Empire; les Etats de Dannemark défavouerent cette convention; cependant il en réfultoit toujours en faveur de l'Empereur des prétentions qui devoient naturellement aigrir contre lui les Danois, & les jetter dans les intérêts 1518. de la France. Mais pour ranimer ce motif fi foible & fi éloigné, qui cédoit à l'intérêt plus preffant d'affujettir la Suéde, il falloit que la France aidât le Dannemark dans cette entreprise. François I envoya donc contre les Suédois deux mille hommes d'infanterie commandés par Gafton de Brezé, Prince de Fouquarmont, excellent Capitaine, qui avoit fous lui Piéfou, La Lande, Saint-Blimont, le Baron de Gondrin, tous Capitaines choifis, ils gagnerent d'abord une bataille contre les Suédois dans la Gothie. Jamais les troupes Françoifes n'avoient pénétré fi avant dans le Nord, jamais elles n'avoient combattu dans des climats fi froids. Ily eut un fecond combat fur un lac glacé. L'armée Suédoife s'étoit fait par devant & fur les côtés de fortes paliffades autour de ce lac fur lequel elle étoit difpofée ; des arbres énormes couchés & entaffés les uns fur les autres, embarraffoient toutes les avenues par où on pouvoit arriver jufqu'à cette armée. Il ne reftoit qu'un 1518. fentier étroit & gliffant, où deux hommes pouvoient à peine paffer de front, en s'expofant à tous les coups des Suédois, qui ne l'avoient laiffé ouvert que pour tenter leurs ennemis & les engager dans une affaire. Ils n'avoient point paliffadé les derrieres de leur camp, ils s'étoient contentés de couper la glace de ce côtélà; mais la violence du froid l'ayant fait reprendre, ce fut par là que les François attaquerent, tandis que les Danois ayant inutilement tenté de forcer les Suédois par le défilé, fuyoient & abandonnoient leurs alliés. Les François qui n'avoient compté faire qu'une diverfion, fe virent donc obligés de foutenir feuls le combat avec des forces trop inégales, & avec tous les défavantages poffibles du terrein & de la pofition. La neige qui tomboit en abondance, portée par le vent dans les yeux des François, les aveugloit & les effarouchoit; les chûtes qu'ils faifoient à tout moment fur la glace, & dont ils ne fe relevoient qu'avec peine, les liv. 1. empêchoient de garder leurs rangs; 1518. tandis que les Suédois agiles, acMém. de coutumés à ces fortes d'exercices, Du Bellay voltigeoient avec légereté fur les monceaux de neige, gliffoient adroitement fur la glace, fans rompre leurs rangs ni tomber. La valeur ne pouvoit rien dans cette expédition, une adreffe d'habitude décidoit de tout, Les François furent taillés en piéces fans prefque pouvoir fe défendre, le brave Saint-Blimont fut tué; parmi ceux qui échapperent au carnage, les uns s'égarerent dans ce pays inconnu, & s'avançant vers le Nord périrent de froid & de faim, ou furent dévorés par les ours blancs; les autres demanderent des vaiffeaux à Christiern pour retourner dans leur patrie, & ce monftre eut la barbare ingratitude de leur en refufer, il fallut qu'ils s'en procurassent eux-mêmes ; il en revint à peine trois cens en France, tous fans armes, fans bagage, prefque nuds & périffans de mifere. Cependant ni leurs malheurs ni les crimes qui rendoient Christierp de plus en plus odieux n'empêcherent pas que la France ne conclût avec lui quelque tems après, 1518. une ligue offenfive & défenfive con- Le 20 Novem tre l'Angleterre, la Suéde & quel- bre 1518. ques villes d'Allemagne, ennemies du Dannemark; mais cette ligue ne produifit point d'événemens, & peu à peu le Roi se détacha de cette in digne alliance. Fin du premier Livre. |