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liv. I.

tout le Royaume. Ce Duc de Valois qu'elle alloit peut-être éloigner du Trône, s'avance jufqu'à Boulogne pour la recevoir avec les autres Princes du Sang & l'élite de la Nobleffe: elle eft conduite en triomphe jufqu'à Abbeville, où le Roi la reçut luimême & l'époufa. Les fêtes les plus fuperbes embellirent la cérémonie de ce mariage. On peut en voir la description dans les Mémoires du Maréchal de Fleuranges.

Mém. de Le Duc de Valois avoit porté à Du Bellay, Boulogne un cœur aigri contre le Duc de Longueville, il lui pardonna quand il eut vu la Reine; ce cœur vif & fenfible ne manqua pas de s'enflammer pour elle, & tandis qu'aux pieds de cette enchantereffe, Brandon oublioit fa naiffance & Louis XII fon âge, François oublia plus, il oublia fon ambition. Il fe la rappella pourtant, ou on l'en fit reffouveVarillas. nir. Grignaux, ou Duprat, ou Boisy l'avertit, dit-on, de ne fe point Mezeray. donner un Maître. Il femble que chaque Hiftorien revendique pour celui qu'il favorife l'honneur de ce

Brantôme,

Maréchal de
Fleuranges.

confeil fage fans doute, mais qui fe préfentoit fi naturellement à tous les efprits & que François s'étoit furement donné plus d'une fois à luimême. Il étoit aifé de voir qu'indépendamment des motifs communs à toutes les femmes, l'intérêt le plus preffant de la Reine étoit d'avoir un fils qui lui confervât fon rang en France, & qui la difpenfât de retourner en Angleterre fous l'autorité fâcheufe d'un frere. Les Médecins Mémoire du avoient affuré le Duc de Valois que le Roi ne devoit plus avoir d'enfans: il falloit pourvoir au refte. Eclairé par l'amour & par l'intérét, François s'apperçut bientôt que l'Ambailadeur d'Angleterre, comme dit Fleuranges, ne vouloit point de mal à la foeur de fon Maître; il fentit donc qu'il devoit veiller à la fois fur la Reine, fur le Duc de Suffolk & fur lui-même. La Ducheffe de Valois & la Comteffe d'Angoulême trouverent des prétextes pour ne jamais perdre la Reine de vue; on lui perfuada qu'elle n'osoit coucher feule, & la

Baronne d'Aumont, fa Dame d'honneur, réclama comme un droit de fa place, celui de coucher dans fa chambre en l'abfence du Roi. La Reine prit ou feignit de prendre. toute cette contrainte pour une étiquette dont fon rang la rendoit efclave. Varillas prétend que le Duc de Valois, non content de toutes ces précautions, prit encore celle de parler à Suffolk en particulier; que dans cet entretien, joignant les menaces aux promeffes & aux prieres, il l'avertit de modérer fes défirs pendant la vie du Roi, l'affura qu'on lui permettroit d'époufer fa veuve ; qu'on fe chargeroit de faire sa paix avec le Roi d'Angleterre, ou qu'on le dédommageroit en France de ce qu'il pourroit perdre en renonçant à fa patrie. Varillas ajoute qu'après la mort de Louis XII, François tint exactement parole à Suffolk, contre l'avis de tout fon Confeil, qui craignoit le mécontentement du Roi d'Angleterre & les troubles que fa vengeance eût pu exciter dans le Royaume au commencement d'un

nouveau regne. Varillas admire la franchise de ce procédé, qu'il pourroit bien avoir imaginé pour le plaifir de l'admirer; il eft peu vraifemblable que le Duc de Valois ait hafardé une démarche fi indécente, fi peu utile à fes projets, fi injurieuse à la Reine, fi délicate même à l'égard du Roi. Varillas eût mieux fait de s'en tenir au récit du Maréchal de Fleuranges, qui dit qu'après la mort de Louis XII feulement, François I dit à Suffolk: » Je connois vos fen» timens pour la Reine, & ceux de la >> Reine pour vous; fi le Roi d'An» gleterre mon frere, avec qui je veux > entretenir alliance & amitié, les » approuve, faites qu'il m'en écrive. Jufques-là promettez-moi de ne » rien entreprendre dont lui & moi ayions lieu d'être mécontens. Je » vous le promets, dit Suffolk, & je > confens que ma tête vous réponde » de ma conduite. A peine la crainte avoit-elle fait ce ferment, que l'amour l'avoit violé. Trois jours après cette converfation, le Duc de Suffolk époufa fecrętement la Reine;

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Mém. de Fleurang.

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le Roi l'apprend, il mande Suffolk: » Vous fçavez, lui dit-il, à quoi vous » vous êtes engagé, & vous fçavez » à quoi la juftice m'engage». Je » le fais, répond Suffolk en tremblant; » mais fi vous connoiffez l'amour, >>vous devez pardonner les fautes qu'il fait faire. Je ne vous pardonne ni ne » vous condamne, reprit François, je vais écrire au Roi d'Angleterre » mon frere, votre fort dépend de » lui ». Lorfque Henri VIII vit qu'il falloit faire trancher la tête à Petr. de fon favori ou le reconnoître pour fon Augi. epift. beau-frere, il prit le parti de la clémence. Marie retourna auprès de lui, &l'Angleterre qui l'avoit vue partir Reine de France, la vit revenir Du cheffe de Suffolk, plus contente de

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l'heureuse médiocrité de ce fecond état, que de la fplendeur gênante du premier. Il lui refta de fa Couronne un douaire de foixante mille livres de rente, bien payé quand la France & l'Angleterre étoient amies. Marie d'Angleterre mourut à trente- fept ans comme Anne de Bretagne.

Tous les Hiftoriens conviennent

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