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Mém. de Du Bellay.

Mém. de

que fi les charmes de cette nouvelle époufe contribuerent à confoler Louis XII de la perte qu'il avoit faite, ils contribuerent auffi à rejoindre plus promptement fes cendres aux cendres de fa premiere femme; il ne vécut que deux mois & demi avec Marie, parce qu'il employa trop ce tems à lui plaire. Outre qu'il avoit changé pour elle toute fa maniere de vivre, il avoit voulluft, dit Fleuranges, faire du gentil compaignon avecq fa femme, mais il n'étoit plus homme pour ce faire, car de long-tems il étoit Fleuranges. fort malade. On a dit que, comme le pélican, il s'étoit facrifié pour le falut des fiens, parce qu'il n'avoit confenti à ce mariage, qui devoit lui être fi fatal, que pour procurer la paix à fes peuples. Cette comparaifon jufte ou non peint bien du moins la tendreffe paternelle de Louis XII pour fes Sujets; ce Titus de la France perdit à peine un jour. Parvenu au Trône par le chemin utile de l'adverfité, il y fit monter avec lui toutes les vertus, fur-tout la clémence & l'oubli généreux des injures; les

Mezeray, grande hift.

D'Auton. S. Gelais. Seyffel. Paffim.

28 Juillet 1488.

amis de la Dame de Beaujeu qui avoient fervi le reffentiment de cette Princefle contre le Duc d'Orléans, se rappelloient en tremblant avec quelle ardeur Louis XI, dès les premiers jours de fon regne avoit couru à la vengeance contre les Miniftres de fon Pere; mais le caractere de ces deux Princes étoit bien diffé rent, les mêmes leçons avoient agi diversement fur leurs ames. L'ad verfité avoit aigri Louis XI, elle avoit adouci Louis XII. Tout le monde fçait la réponse qu'il fit à ceux qui oferent lui conseiller la vengeance. Senfible au mérite, infenfible aux injures, il employa dans les guerres d'Italie ce Louis de la Tremoille, par qui, fous le regne précédent, il avoit été fait prifonnier à la bataille de Saint Aubin du Cormier en Bre

tagne. A fon avenement, fon premier foin fut de diminuer les tailles, de fupprimer une multitude d'impôts qu'il ne rétablit jamais, de foulager le peuple en toutes manieres. Sa paffion dominante étoit de le rendre heureux; de-là ces réglemens fi fages

pour l'exécution des Loix, pour l'adminiftration de la Juftice, pour en abréger les longueurs, pour diminuer les frais; de-là l'Echiquier rendu fédentaire à Rouen; de-là l'érection du Parlement de Provence, & de quelques autres Tribunaux qui lui parurent néceffaires au bien public; de-là cette indifférence plus qu'héroïque pour les conquêtes d'Italie,quand il crut ne pouvoir les faire ou les conferver qu'en chargeant trop fon peuple. Libéral fans prodigalité, œconome fans avarice, bon fans trop de foibleffe, pieux fans fuperftition, affable, acceffible, ami de la juftice & de la vérité, il fut l'amour des François & l'exemple des Rois. On ne peut lire fans attendriffement & fans volupté les témoignages d'amour que les peuples, toujours bons quand ils font bien traités, lui prodiguoient. Ses voyages étoient des triomphes; on voloit en foule au-devant de lui, on jonchoit fon chemin de feuillages & de fleurs; les gens de la campagne au bruit de fa marche abandonnoient leurs travaux ; ils accouroient de dix,

de vint, de trente lieues pour le voir, ils l'entouroient, ils le preffoient, ils pleuroient de joie & de tendreffe; ils faifoient toucher des linges à fa perfonne, à fes habits, à fon cheval, & les gardoient comme les plus précieuses reliques; on n'entendoit que murmures flatteurs, que voix paffionnées, que transports d'allégreffe, que cris du cœur pour la conservation de ce Pere, de cet ami, de ce bienfaiteur de la Patrie. Maximilien eut befoin de toute fa prudence pour empêcher les Flamans, jaloux du bonheur des François, de fe donner à Louis XII. A fa mort, les Crieurs des corps difoient d'un Mém. du ton lamentable : le bon Roi Louis, Matéch. de le Pere du peuple eft mort; tous les Fleuranges. François croyoient entendre leur arrêt fatal; le ciel fembla auffi annoncer cette horrible nouvelle par des tempêtes; un vent impétueux renverfa dans Paris plufieurs maifons. Ce jour mémorable par l'effroi & par la douleur fut le r Janvier 1515. Le Roi fe fentant affoibli par la fiévre & la dyffenterie, mande le Duc de

1515.

Mém. du

Valois, il lui tend fes bras exténués & languiffans; Je me meurs, lui dit-il, je vous recommande nos Sujets. Cet ami de l'humanité que de fi douces chaînes attachoient au monde, qui ne pouvoit ouvrir les yeux fans qu'ils rencontraffent un ami, qui ne voyoit enfin que des raifons d'aimer la vie, témoigna, dit-on, quelque foibleffe, Maréchal de quelque regret d'être enlevé fitôt (1) à Fleuranges. tant d'objets fi chers & fi tendres. Le Duc de Valois fondant en larmes, le confoloit, l'encourageoit dans ces momens où la malheureufe humanité a tant befoin d'encouragement & de confolation: il le conjuroit d'efpérer; perfonne en effet ne le croyoit encore en danger; il expira au bout de quelques heures entre les bras du Duc de Valois.

Quel Roi la calomnie refpecterat-elle, puifqu'elle n'a pas épargné Louis XII? Les Courtifans qu'il n'engraiffoit pas du fang de la Patrie, ont ofé l'accufer d'avarice; quelques-uns d'entre eux, mécontens de n'avoir

(1) Il n'avoit que einquante-trois ans.

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