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avec une modération plus digne d'un Philofophe que d'un Prince accoutumé à l'yvreffe du pouvoir abfolu. Il mourut en 1504.

Ferdinand n'avoit confenti au traité qui lui affuroit une moitié du Royaume de Naples, que dans l'efpérance & dans le deffein d'envahir l'autre moitié. Il fuppofa que les limites du partage n'avoient pas été clairement fixées; il prétendit que la Capitanate, Pays plus important qu'étendu, faifoit partie de la Pouille; les François la revendiquoient comme appartenante à l'Abbruzze. De-là quelques hoftilités fufpendues par des tréves perfides que les Efpagnols rompoient toujours. Confalve, digne inftrument des fourberies du Roi d'Arragon, violant fans pudeur les engagemens les plus facrés, pour fer- liv. 6. vir fon Maître & pour l'imiter, reparant les échecs à force de dextérité, dérobant les faveurs de la fortune à force de vigilance & d'adreffe, profitant de toutes les conjonctures, & les faifant naître, attaquant à propos les François endormis & défarmés

François Guicciard

par des propofitions de paix toujours frauduleufes, gagna en perfon fonne ou par fes Lieutenans les batailles de Seminare dans la Calabre. de Cérignoles dans la Poüille (1), conquit tout le Royaume de Naples, & fe combla de gloire en se perdant d'honneur (2).

Ferdinand devenu maître du Royaume de Naples, ne parla plus du traité de partage, il revendiqua contre la branche bâtarde les droits de la Maifon d'Arragon, qu'il prétendoit n'appartenir qu'à lui : il est à remarquer pourtant qu'il n'alléguoit point la raison de la bâtardife, parce que, comme on l'expliquera dans la fuite, il ne poffé

(1) La Bataille de Seminare eft du Vendredi 21 Avril 1503, & la Bataille de Cérignoles du Veadredi 28 Avril fuivant. On prétend que ce font ces deux échecs, fi voifins l'un de l'autre, & reçus tous deuxle Vendredi, qui ont fait regarder chez les François le vendredi comme un jour malheureux.

(2) On pouvoit appliquer à ce Général les traits dont Tite-Live peint le cœur d'Annibal, après avoir fait l'éloge de fes vertus Militaires: Has tantas viri virtutes ingentia vitia aquabant, inhumana crudelitas, perfidia plusquàm Punica, nihil veri, nihil fancti, nullus Deum metus, nullum jusjurandum, nulla, Religio

doit rien lui-même qu'à titre de fucceffeur de bâtards. L'objection de la bâtardife, fi fpécieufe en France, avoit bien moins de force, (peutêtre même n'en avoit-elle point du tout) en Efpagne & en Italie. Mais Ferdinand prétendoit qu'Alphonfe fon oncle, ayant été élevé fur le Trône de Naples par les forces & l'argent du Royaume d'Arragon (ce qui n'étoit pas exactement vrai ); le premier de ces Royaumes étoit dépendant du fecond, & qu'Alphonfe n'avoit pu l'en détacher pour le tranfporter à fon bâtard.

Louis XII fit encore une tentative malheureuse fur le Royaume de Naples. Son armée, après bien des revers,fut forcée d'évacuer ce pays fatal aux François. Ferdinand goûta encore le plaifir flatteur de le vaincre, & le plaifir honteux de le tromper.

Cependant Ifabelle femme de Ferdinand mourut, & l'Europe prit une nouvelle face par le changement d'in térêts: l'Archiduc Philippe leur gendre devint l'héritier des Etats d'Ifabelle, & l'ennemi de Ferdinand;

celui-ci, forcé par ces conjonctures; fe détermina enfin à faire une paix fincere avec la France; il époufa même Germaine de Foix, fœur du célebre Gafton & niéce de Louis XII. Louis lui donna en dot la part du Royaume de Naples qu'il n'avoit plus, à condition qu'elle appartiendroit à Ferdinand, fi Germaine mouroit la premiere, & que fi Germaine furvivoit fans enfans, le Roi rentreroit dans la portion qu'il cédoit à fa niéce. Le fecond cas arriva dans la fuite, mais il n'étoit point encore arrivé, lorfque François I. monta fur le Trône.

DROITS DE LA MAISON D'ARRACON.

Maintenant s'il s'agiffoit de pefer les droits des divers Prétendans au Royaume de Naples, on douteroit d'abord fi le dernier rejetton de la Maifon de Suabe, fi le légitime héritier du Trône, traîné indignement fur un échafaut, prêt à périr d'une main & d'une mort infames, appellant un vengeur dans ces horribles momens, & lui tranfportant tous fes

droits, n'a pas armé la Maifon d'Arragon d'un titre plus faint & plus augufte que cette inveftiture témérairement donnée par un Pontife ambitieux, au gré de l'intérêt & de la politique.

Ôn douteroit encore fi Charles le Boîteux, prifonnier à Palerme, n'a pas pu, pour recouvrer fa liberté, renoncer à cette inveftiture en faveur de la Maifon d'Arragon, & file prétexte de la violence a dû fuffire pour annuller cette rénonciation.

DROITS DE LA COURONNE DE FRANCE.

Mais on ne peut douter que les conventions libres, confirmées par la poffeffion & par le tems, ne foient des chaînes facrées qui doivent ker les Souverains; ainfi les conjonctures ayant changé, les convenances générales de l'Europe ayant exigé le démembrement du Royaume de Sicile, les droits de la premiere Maifon d'Anjou fur le Royaume de Naples, font devenus inviolables en vertus des Traités : ces droits ont été tranfmis à la feconde Maifon d'An

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