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temps qui peut feul dévoiler la vérité.

faites

Il y a des mots, (on l'a obfervé avant moi), qui à force de paffer par des bouches peu pour les prononcer, finiffent par n'avoir plus de fignification précife, il pourroit en être ainfi de ce mot: Leftyle de l'Hiftoire; il a le ftyle de l'Hiftoire ; il n'a pas le ftyle de l'Hiftoire. Le peuple des Lecteurs répète ces jugemens, & vrai-femblablement il ne les entend guères. Eft-il même bien fûr qu'il y ait un style affecté à l'Hiftoire, comme il y en a un affecté à la Tragédie, à la Comédie, au genre Oratoire facré ou prophane, enfin à tous les genres inconteftablement fixés? S'il y a un pareil ftyle pour l'Hiftoire il doit être à peu près au ftyle Oratoire, ce que le ftyle Oratoire eft à la Poëfie, mais qu'il

me foit permis de propofer fur cela quelques doutes.

Avant que la réfléxion & l'ef prit de méthode euffent fixé les genres, les raifons qui devoient un jour les faire fixer existoient. La Nature avoit mis de la pro portion entre les difcours & les choses; elle enfeignoit à dire tristement les chofes triftes, plaifamment les chofes plaifantes, noblement les chofes nobles; mais dans un ouvrage elle mêloit, confondoit ou du moins rapprochoit trop ces couleurs & ces nuances; elle plaçoit le rire trop près des larmes, le noble à côté du familier. L'art a féparé tout cela, il a raffemblé les chofes de même nature, les a rapportées à un genre fixe & lui en a formé un Domaine exclufif, en lui interdifant tout le refte. Mais qu'a - t'il affigné à l'Hiftoire ?

pas

tout. Que lui a-t'il interdit? rien. C'eft une erreur de croire qu'il n'y ait que les chofes graves & jugées férieufes qui appartiennent à l'Hiftoire, & il ne faut abufer de cette fiére maxime d'Ammien Marcellin, vraie pourtant jufqu'à un certain point: Hiftoria affueta difcurrere per negotiorum celfitudines, non humilium minutias indagare caufarum. Faudra-t'il donc diffimuler les pe. tites caufes qui ont produit de grands événemens ou faudra t'il les exprimer avec majesté? Ce ne feroit que les traveftir. On ne doit certainement rien négliger de ce qui caractérise les Siécles, les Nations, les Princes. Or, les Siècles, les Nations, les Princes ont des erreurs; de ces erreurs, les unes produifent des crimes, il faut les détefter, les autres ne pro

duifent que des ridicules, il faut ofer en rire. Je crois en effet d'après des exemples heureux & d'après la nature des chofes, que l'Hiftoire peut quelquefois defcendre avec décence jufqu'au foûrire philofophique, je ne puis penfer qu'elle fe dégrade en ne faifant que ce que fait la Philofophie.

Quel feroit donc le principe général fur le ftyle de l'Hiftoire? Le voici, c'eft Sallufte qui le fournit : Facta dictis funt exaquanda (1). Varier le style felon les chofes, prendre toujours le ton propre aux événemens qu'on raconte & aux perfonnages qu'on produit fur la fcène, ne pas retracer du même pinceau

(1) Ce principe, malgré fon extrême généralité. paroît plus clair que ce que dit Ciceron, que le flyle de l'Hiftoire doit être elatum atque incitatum.

& les

les violences de la guerre fubtilités de la négociation; conferver aux caractères toute leur énergie, aux crimes toute leur

horreur, aux vertus toute leur nobleffe, aux grandes actions tout leur éclar; ne point dégrader l'héroïfme par un ftyle foible, ne point glacer les paffions par un ftyle froid, ne point donner auffi par un ftyle élevé une fauffe importance aux petits refforts, aux intrigues frauduleufes, aux jeux fouvent puériles de la Politique. Leftyle de l'Histoire doit réunir & appliquer à propos tous les caractères que QuinFab. L. tilien donne à l'éloquence : Magna non nimia, fublimis non abrupta, fortis non temeraria, fevera non triftis, gravis non tarda, LET A non luxuriofa, plena non turgida. Dicet idem graviter, feverè, acriter, vehementer, concitatè, copios

12. C. IO.

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