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Le sept mai, quand montait l'ardeur des litanies,
Messager qui disiez la fin des agonies

On vous vit, gigantesque et grave, sur le fort,
Rentrer dans le fourreau le glaive de la mort;

Et, depuis lors, on voit, ainsi qu'un campanile,
Votre image en ce lieu qui plane sur la ville,

Afin que les Romains, lorsqu'ils lèvent les yeux,
Vénèrent votre geste auguste dans les cieux'.

- Près de Constantinople, au temple des Vestales, Vous avez éployé vos ailes triomphales.

Vous files, pour guérir le fiévreux Aquilin,
Un breuvage de poivre et de miel et de vin.

Le Michaëllium où dansaient les déesses
Devint le lieu sacré d'où fluaient vos largesses 2.

Vous ôtez de nos pas la ronce et les cailloux.

Si votre nom béni s'échappe de nos lèvres,
Vous écartez la peste et triomphez des fièvres.

Immortel Guérisseur, intercédez pour nous!

1. Guérison de la peste de Rome, commémorée par la statue colossale du fort Saint-Ange.

2. Pèlerinage de Michaëllium, près de Constantinople, dans un ancien temple de Vesta.

Triomphateur, debout sur les célestes brèches,
Archer, qui répandez les invisibles flèches,

Vous avez soutenu, prompt ainsi que le vent,
Ceux de Manfrédonie et ceux de Bénévent.

Pour eux, après trois jours de jeûne et de prière,
Vous vous êtes dressé dans l'éclat du tonnerre,

Et vous avez brisé sous le poids des destins
Les troupes de Satan et des Napolitains1.

Divin Dompteur des cavales échevelées,
Imperator qui vous plaisez dans les mêlées,

Vous qui, dans la nef triple où jaillit toujours l'eau, Laissâtes sur l'autel votre rouge manteau;

Vous dont la crypte garde, au fond des sombres arbres, Vos pas surnaturels imprimés sur les marbres2;

Archange adolescent à quelque dieu pareil;
Jeunesse belliqueuse aux cheveux de soleil;

Vous qui savez unir d'une façon suprême

La main qui nous châtie à la main qui nous aime;

1. Victoire miraculeuse de Manfrédonie et de Bénévent sur Naples.

2. Miracles accomplis dans la crypte de l'église à trois nefs du mont Gargan, où l'Archange, à diverses époques, fit jaillir une source merveilleuse, laissa son manteau rouge sur l'autel et imprima ses pas sur les marbres.

O Sauveur qui frappez de formidables coups,

Réalité dont Apollon fut l'effigie,

Si nous vous célébrons suivant la liturgie,

Duc des poètes, Michaël, bénissez-nous.

SUR LE TOMBEAU DE JEAN RACINE

PIÈCE

PRÉSENTÉE AU CONCOURS

Par M. ARMAND PRAVIEL

« Les restes de Jean Racine, mort le 21 avril 1699, ont été rapportés de Port-Royal-desChamps et inhumés près de ce pilier le 2 décembre 1711. R. I. P. »

(Inscription placée à Saint-Etienne-duMont.)

Saint-Etienne-du-Mont. Une date. Un pilier.
C'est près d'ici que dort le poète oublié;
On sait qu'il fut placé sous l'une de ces dalles.
Et, seule, triomphant d'un peuple de Vandales,
Une plaque funèbre, illuminant le mur,
Fait resplendir ce nom dans ce retrait obscur.
La tombe de Pascal, pareille, est la voisine.

Hé quoi! vous gisez-là, restes de Jean Racine!
Il faut que ton hasard, carré de marbre blanc,
M'apprenne que celui que l'on nomme en tremblant,

Dont les siècles diront la parole immortelle,

Repose en cet endroit sans croix, sans fleurs, sans stèle!
D'autres, les conquérants, les puissants, les vainqueurs,
Qui font frémir l'histoire au bruit de leurs rigueurs,
Qui brisent un pays d'un seul de leurs paraphes,
Dressent insolemment l'orgueil des cénotaphes;
La Victoire et la Mort, protégeant leurs tombeaux,
Semblent y secouer de fastueux flambeaux;
Muettes, s'inclinant et deux doigts sur la bouche,
Elles veillent autour de la suprême couche,
Et le héros glacé, souriant à demi,

Pour les âges futurs ne paraît qu'endormi.

On croit qu'il vit encor dans le bronze ou la pierre.
Mais toi, doux créateur de songes de lumière,
O divin enchanteur des rythmes et des vers,
Et dont, seuls, les écrits vaudraient l'ennui de vivre,
Toi qui désespéras ceux qui voulaient te suivre,
Nul n'a donc protégé tes cendres de l'oubli?
Les muses n'ont pas su, de ton funèbre lit,
Qu'elles environnaient comme un vol de colombes,
Faire pieusement la plus belle des tombes?

Mais, le soir, n'est-ce pas? lorsque les vieux vitraux
Ne tachent plus de reflets rouges les carreaux,
A travers les arceaux tout embrumés de rêve
Où la cire et l'encens honorent Geneviève,
Vous venez quelquefois, fuyant le grand Paris,
Princesses qu'il aima, filles de son esprit!
Portant des urnes d'or, comme aux Thesmophories,
Vous passez, vous passez, en lentes théories,

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