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LA

POESIE PASTORALE

a cru appercevoir dans les Eglogues de Théocrite, de Virgile, de Racan, de ECRITSSUR Ségrais, & de quelques autres; après quoi il difcoure fur les anciens & les modernes: Et voilà ce qui occupe plus de la moitié de ce petit écrit, où le but de l'Autcur, comme il le dit lui-même, eft de prouver qu'on ne doit point avoir pour les anciens un refpect fi aveugle qu'il nous ferme les yeux fur leurs négligences, ni auffi un mépris qui nous faffe éviter leurs tours & leurs penfées comme un écueil. Il fait fur cela de fort bonnes réfléxions.

CHAPITRE VIII.
Des Ecrits fur l'Elégie.

ELégie vient de deux mots Grecs,

L'ELEGIE.

qui fignifient dire, hélas ! ou de ECRITSSUR deux autres dont la fignification eft, dire des chofes touchantes. Cette forte Roll. hift. de poëfie, dont on ignore l'inventeur, anc. t. 12. p. étoit deftinée dans fa premiere inftitution aux gémiffemens & aux larmes ; elle ne s'occupa d'abord que de malheurs & d'infortunes: elle n'exprima d'autres fentimens, elle ne parla d'au tre langage que celui de la douleur.

ECRITSSUR
L'ELEGIE.

Mém.

de

belles lettres,

Négligée, comme il fied aux perfonnes affligées, elle cherchoit moins à plaire qu'à toucher: elle vouloit exciter la pitié, & non l'admiration. On l'employa enfuite à toutes fortes de fujets, & furtout à la paffion de l'amour. Mais elle retint toujours fon premier caractere; elle n'oublia point fa premiere origine. Ses pensées furent toujours naturelles, & éloignées de toutes recherches d'efprit, fes fentimens tendres & délicats, fes expreffions fimples & faciles: toujours elle conferva cette marche inégale, c'eft-à-dire, les vers hexamétres & pentamétres, dont Ovide lui fait un fi grand mérite, & qui donne à la poëfie élégiaque des anciens tant d'avantage fur la nôtre.

Voilà en deux mots le précis de deux PAcad. des écrits fur l'élégie de MM. Fraguier & tom. 6 & 7. Souchay, de l'Académie des infcriptions & belles lettres, les premiers que je connoiffe que l'on ait faits fur ce fujet en notre langue, fi l'on en excepte le caractere élégiaque, petit écrit que Juges Pilet de la Mefnardiere publia en 1640. in-4°. & qui n'eft point à méprifer. Tout ce qui eft dit dans les deux difcours de MM. Fraguier & Souchay fur l'effence & le caractere de l'élégie

fe

ECRITSSUR

fe réduit là. Mais chaque principe, chaque regle a fes exemples & fes preu- L'ELEGIE. ves, furtout dans le difcours de M. l'abbé Souchay, où la matiere eft encore mieux développée. Le goût des deux Académiciens y brille encore plus que l'érudition, & c'eft même une preuve de leur goût, de ce que l'érudition n'y eft jamais employée qu'à propos. Le fecond dans deux autres difcours examine en historien critique le génie, le caractere, le mérite & les défauts des Poëtes élégiaques Grecs & Latins. C'est une excellente introduction à la lecture de nos anciens Poëtes; & il faut les avoir lûs foi-même avec beaucoup de réfléxion, pour en avoir fi bien pénétré l'efprit & le caractere.

L'un & l'autre ne confiderent l'élégie que chés les anciens; ils en font l'apologie, & tout ce qu'ils en difent fait aimer ce genre de poëfie. Mais il a bien changé de face chés nous, fi l'on en croit M. Rémond de faint Mard. « C'eft, felon lui, le genre de notre « poëfie Françoise le plus infipide. » Il la poësie. n'y trouve ni deffein, ni nœud, ni situation. « On n'y voit que des amans << malheureux. Ces amans fe plaignent toujours, fe défefperent; ils veulent «

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Tom. III.

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abfolument brifer leurs chaînes; & ce qui eft beaucoup plus confidérable » ils veulent mourir. Or comme tout cela fuppofe du courage, ils en de» mandent à la raifon. Ils implorent le fecours de l'orgueil, ils appellent à > eux le devoir. Mais vous ne fçauriés concevoir combien ces apoftrophes » font faites mal-à- propos, propos, combien > elles font peu afforties à la paffion. » Le ton furtout qui n'y devroit pas » être, le ton épique regne d'un bout à » l'autre de ces petits poëmes.... On

s'y guinde, on s'y efforce, on s'y » livre fans ménagement à la pompe & » à l'enflure.»

Si ce portrait eft naturel, voilà l'élégie bien dégradée chés-nous. Mais ce portrait ne convient point à toutes. M. Rémond en excepte lui-même plufieurs, S'il cenfure impitoyablement une élégie de la Comteffe de la Suze, qu'il rapporte en entier, qu'il analyfe enfuite, dont il montre les défauts & le ridicule, il trouve des qualités toutes oppofées dans une autre élégie de Madame Deshoulieres, dont il fait autant d'éloge qu'il blâme la premiere. Il excepte encore de fa cenfure les élégies qui font, dit-il, en quelque forte fondues dans les

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tragédies, telles que font, par exemple, l'Ariane de Thomas Corneille, & la Bérénice de Racine. Et pourquoi les eftime-t'il jufqu'à les traiter de charmantes? C'eft que là rien ne fe paffe en récit; que nous voyons tout ; que les gens que nous avons à plaindre font fous nos yeux; que nous les fuivons dans leurs malheurs; que nous avons eu tout le tems de nous interreffer à eux. Au lieu qu'il n'en eft pas de même de l'héroïfme, de ce qu'on appelle vulgairement élégie. « Nous ne la connoiffons « point, nous ignorons totalement fes & avantures; elle n'en dit qu'un mot, « & le dit communément de mauvaise & grace. Ainfi elle doit avoir beaucoup de peine à nous toucher, & il faut & avoir bien de la pitié de refte pour la « plaindre ? »

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M. Rémond fait grace à une autre efpece d'élégie où nous ne pleurons point, pour ainfi dire, fur notre compte, mais pour celui de nos amis dont nous pleurons les avantures défagréables. Telle eft l'élégie de M. de la Fontaine fur la difgrace de M. Fouquet. -Madame Deshoulieres donne auffi une élégie à la tête de fon recueil de poëfies. Mais eft-ce bien une élégie? Selon moi,

ECRITSSUR

L'ELEGIE.

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