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tous les vendredis dans un lieu très-fecret, difpofé exprès en chacune de ses maifons. Quand il étoit AN.1267. affis pour se confeffer fuivant l'ufage du tems, s'il p. 447. vouloit qu'une porte ou une fenêtre fut fermée, il fe levoit promptement & la fermoit, pour en épargner la peine à fon confeffeur, difant : Vous êtes le pere, & moi le fils. Après fa confeffion, il recevoit toûjours la difcipline de la main de fon confeffeur, avec cinq chaînettes de fer attachées au fond d'une petite boëte d'yvoire, qu'il portoit dans une bourfe à fa ceinture; & il donnoit quelquefois de femblables boëtes à ses enfans & à fes amis particuliers. Il avoit deux confeffeurs, un de l'ordre des freres Mineurs & l'autre des freres Prêcheurs, afin d'en avoir toûjours un de preft. Outre fes confeffeurs, il choififfoit encore quelques personnes qu'il prioit de lui rapporter fidelement fans l'épargner ce qu'ils entendroient dire, ou qu'ils verroient en lui digne de reprehenfion; & il recevoit leurs avis avec beaucoup de douceur & de patience. Il portoit le cilice les vendredis en avent & en carême & aux vigiles de la Vierge; mais il le quitta enfin par le confeil de fon confeffeur, avoüant qu'il l'incommodoit notablement.

Voici comme il paffoit tous les ans le vendredi faint. Après avoir affifté aux matines commencées à minuit, il revenoit à sa chambre, où seul avec un chapelain il recitoit tout le pfeautier. Puis fans fe recoucher ni dormir, il fortoit vers le lever du foleil, nuds pieds & humblement vêtu : il alloit Tome XVIII.

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par les rues de la ville où il fe rencontroit, marAN.1267. chant fur les pierres & la bouë : il entroit dans les églifes & y prioit, fuivi d'un aumônier qui donnoit largement à tous les pauvres. Il revenoit à fon logis très-fatigué, & un peu après il entendoit le fermon de la paffion. Enfuite il affistoit à l'office qu'il faifoit celebrer folemnellement, & quand ce venoit à l'adoration de la croix, il fe levoit de la place nuë tête & nuds pieds pauvrement vêtu, & venoit de loin à genoux fuivi de les enfans, avec des marques d'une telle humilité, que les affistans en étoient touchez jufqu'aux larmes. Le fervice fini, il fe mettoit à table, & faifoit fon petit repas de pain & d'eau. C'est ainsi qu'il paffoit ce faint jour.

Joinu. p. 6.

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Il lavoit les pieds aux pauvres le jeudi faint, & exhortoit les autres à le faire, comme le Sire de Joinville le témoigne de lui-même. Mais de plus le faint roi lavoit les pieds à trois pauvres vieillards. tous les famedis, puis il leur donnoit de l'argent & Duck. 447. leur fervoit lui-même à manger. Si fon peu de fanté ne lui permettoit pas de s'en acquitter, il le faifoit faire par fon confeffeur en prefence de l'aumônier. Ses aumônes étoient immenfes : tous les jours. quelque part qu'il fût, plus de fix vingt pauvres étoient nourris chez lui, de pain, de vin & de viande. On en augmentoit le nombre en carême, en avent & aux autres jours de dévotion.. Le roi les fervoit souvent de fa main, & à quelques vigiles folemnelles il en fervoit ainfi deux cens avant que de manger. Tous les jours à dîner & à fouper il faifoit manger près de lui trois paur

Joinv. p.. 124.

vres vieillards, & leur envoyoit des mets de fa table. Il donnoit abondamment aux pauvres mai- AN. 1267. fons religieufes d'hommes & de filles, & aux hôpitaux. Tous les ans au commencement de l'hiver, il envoyoit une certaine fomme aux Cordeliers & aux Jacobins de Paris, & difoit : O que cette aumône eft bien employée à tant de freres, qui viennent de tout leur cœur à ces convents pour étudier les faintes lettres, & répandre enfuite ce qu'ils ont appris par tout le monde pour la gloire de Dieu & le falut des ames.

Il fonda grand nombre de monafteres, comme Roïaumont de l'ordre de Cifteaux, plusieurs maifons de Jacobins & de Cordeliers en divers lieux Duch. p. 473. du royaume. Il augmenta les revenus de l'HôtelDieu de Paris, & fonda ceux de Pontoise, de Compiegne & de Vernon. Il fonda les Quinzevingt de Paris, où il affembla plus de trois cens cinquante aveugles: il retira aux filles-Dieu plufieurs femmes perdues, ou en danger de fe perdre. Or fachant que quelques perfonnes de sa maison P.455. murmuroient de la profufion de fes aumônes, il leur difoit Puifqu'il faut quelquefois faire de dépense, j'aime mieux la faire pour Dieu que pour le monde & la vanité ; & récompenfer les dépenses exceffives qu'on ne peut éviter pour les choses temporelles. Il ne laiffoit pas d'être magnifique, foit dans l'état ordinaire de la maison, foit dans les occafions extraordinaires des cours royales, des parlemens & des autres assemblées : enforte qu'il étoit fervi avec plus d'abondance &

:

trop

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de dignité qu'aucun de fes prédéceffeurs.

La ville de Milan étoit depuis quatre ans en interdit, pour le refus de recevoir Otton Visconti fon archevêque. Ce trifte état faifoit grande peine à Napo de la Torré, qui avoit la principale autorité dans la ville : c'eft pourquoi il envoya au mois de Mai 1267. des ambassadeurs à Rome, prier le pape de lever cette cenfure. Mais le pape Clement loin de leur donner audience, leur fit même défendre d'entrer à Rome. Ils allerent trouver Charles roi de Sicile qui les reçût favorablement, & ayant appris le fujet de leur voyage, il les renvoya àRome accompagnez de les ambaffadeurs, qui obtinrent du pape audience publique pour eux & pour les Milanois. Ils furent oüis en confiftoire, où étoit prefent l'archevêque Otton, & le chef de l'ambaffade du roi Charles parla le premier, priant le pape & les cardinaux d'écouter favorablement les Milanois, qui avoient toûjours été dévoüez au pape, & ennemis de l'empereur, & avoient donné à l'armée du roi Charles tous les fecours necessaires, quand il étoit entré en Italie pour le service de l'églife.

L'ambaffadeur de Milan parla enfuite, & dit en substance: Si nous n'étions réfolus, faint pere d'obéir à vos commandemens, & fi nous n'avions un extrême respect pour la dignité du faint fiege; nous ferions retournez chez nous, quand vous nous avez renvoyez, & nous aurions cherché à faire des alliances avec nos ennemis, afin de foutenir la guerre. Entrant en matiere il continuë ainfi ::

L'archevêque Leon ne s'appliqua pendant fon pontificat, qu'à semer la divifion, & armer la nobleffe AN. 1267. contre le peuple. Après la mort, le peuple qui s'étoit mis fous la protection des Turriens, fit élire pour archevêque, Raimond de cette famille, efperant que fon élection réuniroit les citoyens divilez; mais il s'éleva des difputes, & François Settara fut élû archevêque par un parti foible. Alors le pape Urbain votre prédéceffeur, ne voulant approuver ni l'une ni l'autre élection, élût un troifiéme fujet d'entre ceux qui confpiroient depuis long-tems pour la ruine de leur patrie, & qui en étoit banni par fes crimes. L'ambaffadeur Milanois continua fur le même ton, parlant avec grand emportement contre la nobleffe, & en particulier contre Otton, qu'il voulut même rendre fufpect d'herefie; & il conclud en demandant au pape un autre archevêque.

Otton Visconti parla à fon tour, mais avec plus 2884de moderation. Il releva les avantages de la .nobleffe, & l'ingratitude du peuple de Milan, qui s'étoit élevé contre elle, & l'avoit perfecuté jufqu'à la bannir du païs. Il accufa en particulier de ces maux, Martin de la Torré, qu'il traita de tyran, &. dit qu'il avoit été caufe de la mort de l'archevêque: Leon. Il releva leur defobéiffance envers le pape,. qui l'avoit fait lui-même leur archevêque, & l'indignité avec laquelle ils l'avoient repouflé à main.. armée. Enfin il décrivit fi vivement leurs cruautez, que les affiftans l'interrompirent, ne pouvant en entendre le recit ;; & il rendit les Turriens f

P. 292.

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