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Vincennes, s'affeoit au pié d'un chefne, & faifoit affeoir ces feigneurs auprès de lui: alors tous ceux qui avoient affaire à lui venoient lui parler, fans qu'aucun huiffier ni autre les empêchât. Le roi demandoit tout haut de fa bouche fi quelqu'un avoit partie, & appelloit quelques feigneurs pour les expedier; mais s'il trouvoit quelque chofe à redire aux plaidoyez des avocats, lui-même les reprenoit gracieufement. Il tenoit quelquefois ces audiences au jardin de fon palais à Paris, où eft à present la place Dauphine. Le fire de Joinville qui rapporte tout ceci, étoit fouvent de ces juges de la porte.

AN. 1264.

XXVIII
Suite de l'affai-

re de Sicile.

10.

22.33%

La même année 1264. le pape Urbain envoya en France Simon de Brie cardinal de fainte Cecile, en qualité de légat, avec charge de deman- Rain. 1164. n.9. der au clergé une décime pour la guerre contre Mainfroi, & de traiter avec Charles d'Anjou des conditions aufquelles il devoit recevoir le royaume de Sicile, refervant au pape de lui en donner l'inveftiture. La commiffion eft du vingtcinquième d'Avril; & le troifiéme de Mai le pape écrivit à faint Louis une lettre, où il lui reprefente ainfi le peril où la religion étoit expofée en Italie, par la geurre qu'y faifoit Mainfroi, fur la nouvelle qu'il avoit eue du traité avec le comte d'Anjou. Il s'eft mis en poffeffion, dit le pape, de plufieurs églifes cathedrales & de plufieurs monafteres, où il protege des intrus, donne d'autres en commande comme il lui plaît, tournant les revenus à fon usage; cependant les

& en

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herefies pullulent prefque par toute l'Italie, la AN. 1264. foi catholique eft deprimée, le fervice divin diminué, les loix & les libertez ecclefiaftiques foulées aux piés. Les prelats & les clercs font envoïez en exil, jettez dans des prifons, mutilés ou mis à mort. Les lieux confacrez à Dieu font dépoüillés de leurs biens, & convertis à des ulages profanes. On force quelques ecclefiaftiques à celebrer les divins offices dans des lieux interdits, & à adminiftrer les facremens à des excommuniés.

Papeb.con.p.47.

XXVI.

A ce fujet fe raporte ce que dit Matthieu Spinelli, qui vint l'automne fuivant dans l'armée de Mainfroi: Le troifiéme de Septembre 1264. vinrent trois nobles envoyez par les Napolitains, pour prier le roi de faire la paix avec le pape; parce que la ville demeuroit excommuniée, & l'archevêque ne vouloit pas que l'on dit la meffe. Le roi repondit, que ce n'étoit pas fa faute fi on faifoit la guerre, mais la faute du pape, qui vouloit le chaffer de fon roïaume, & il ajoûta: J'envoïra à Naples trois cens Sarrafins, qui feront dire la meffe par force: envoïezmoi dans une galere les prêtres & les moines qui le refuseront. Les deputez repondirent : Seigneur, n'envoyez point de Sarrafins, Naples ne voudra pas les loger. Et le roi entra en grande colere.

Pendant que le pape Urbain étoit ainfi occupé de la guerre contre Mainfroi, il ne laiffa pas Revelations de d'inftituer la fefte du faint facrement de l'autel; Montcornillon. & la celebra pour la premiere fois cette année

Julienne de

7264. le dix-neuviéme de Juin, qui étoit le jeudi d'après l'octave de la Pentecofte: ce qu'il faut AN. 1264. reprendre de plus haut. Lorfqu'il étoit archidiacre de Liege, il connut particulierement une fainte fille nommée Julienne, religieuse hospitaliere à Mont-cornillon, près une des portes de la ville. Elle eut toute la vie une devotion particuliere Boll. to. p. 437. au faint facrement, & dès l'âge de feize ans, c'est-à-dire en 1208. toutes les fois qu'elle s'ap- Po 459. pliquoit à l'oraifon, il lui fembloit voir la lune pleine, mais avec une petite brêche; & cette image se presentoit à elle fans qu'elle pût l'empêcher, ce qui dura pendant long-temps. Elle crût que c'étoit une tentation, & fit beaucoup de prieres pour en être délivrée enfuite elle en demanda la fignification, & il lui fut dit interieurement que la lune fignifioit l'églife; & la brêche le défaut d'une felte, qui devoit être celebrée tous les ans, pour honorer l'inftitution du faint facrement. Il lui fut dit qu'elle devoit commencer cette fefte, & annoncer la premiere, l'obligation de la cele

brer.

Quoique Julienne crût avoir reçû cet ordre de Jefus-Chrift même, elle s'en défendit long tems, difant qu'une commiffion de cette importance conviendroit mieux à quelques docteurs autorisez dans l'églife: enfin après plus de vingt ans elle fe rendit & découvrit la chofe, premierement à Jean de Laufenne chanoine de faint Martin de Liege, homme d'une vertu finguliere; & le pria de confulter fur ce fujet les meilleurs theologiens fans

la nommer. Il communiqua le tout à Jacques PanAN 1264. taleon, alors archidiacre de Liege, depuis pape Urbain IV. à Hugues de faint Cher, alors provincial des freres Prefcheurs & depuis cardinal, à Gui ou Guiard de Laon évêque de Cambrai, au chancelier de l'églife de Paris, aux trois profefleurs de theologie, qui enfeignoient alors à Liège, & à plufieurs autres hommes favans & vertueux. Ils furent tous d'avis qu'il étoit jufte & utile à l'église de celebrer l'inftitution du faint facrement plus folemnellement que l'on n'avoit fait jusqu'alors, Julienne ainfi affurée fit compofer un office du faint facrement, par un religieux de la même maison, nommé Jean, encore jeune & peu inftruit, mais d'une 'vie très pure.

chap:av.c. 6.

Boll. p. 442.

ries.

que

Le Projet de cette fefte étant divulgué, plufieurs ecclefiaftiques s'y oppoferent difant qu'elle étoit fuperflue, que l'on faifoit tous les jours à la messe la memoire de l'inftitution de l'euchariftie, & que les revelations de Julienne n'étoient des reveMais Robert de Torote évêque de Liege n'en jugea pas de même, & par une lettre adref fée à tout le clergé de fon diocese en 1246. il ordonna que la felte du faint facrement feroit celebrée tous les ans, le jeudi après l'octave de la Trinité, avec jeûne la veille. Il avoit refolu d'en publier l'ordonnance dans fon fynode, mais il fut prevenu par la mort, qui arriva la même année le feizième d'Octobre. L'année fuivante 1247. les chanoines de faint Martin celebrerent les premiers la feste du saint sacrement. Hugues de faint Cher

qui

Chap. c. 8.

qui étant provincial des freres Prêcheurs, avoit approuvé le projet de cette fête, fut fait cardinal AN. 1264. du titre de fainte Sabine, & envoyé légat en Allemagne, & comme il étoit à Liége on lui montra l'office du faint facrement, dont il fut très-content après l'avoir bien examiné. Il voulut même donner l'exemple, & celebra la nouvelle fête à faint Martin du mont; où au milieu d'une grande multitude, il prêcha fur ce fujet, puis dit la messe avec grande folemnité. Enfuite il fit une lettre adressée à tous les prélats & à tous les fideles dans l'étenduë de fa légation, où il ordonne que la fête du faint facrement foit célebrée tous les ans le jeudy après l'octave de la Pentecôte, & exhorte les fideles à s'y préparer, de forte qu'ils puffent ce jour là communier dignement. La lettre eft du vingtneuviéme de Décembre 1252. Deux ans après le cardinal Pierre Capoche auffi légat étant à Liege, «. » fit une pareille ordonnance.

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Henri de Gueldres fucceffeur de Robert dans c.1 l'évêché de Liege, étoit plus militaire qu'ecclefiaftique, & de fon tems la licence fut grande dans le diocese; enforte que plufieurs du clergé déclamerent contre la nouvelle fête, & les revelations de Julienne, qu'ils perfecuterent & obligerent à fortir de Liege. Elle mourut en 1258. le cinquième d'Avril, & eft honorée dans le pays comme bienheureuse. Elle avoit une amie particuliere nommé Eve, réclufe à Liege près de faint Martin, & connuë auffi du pape Urbain lorfTome XVIII.

G

Boll.p.442.443.

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