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DE

PIECES.

M. D. C. C. L I I

Bayerische Staatsbibliothek

Munchen

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LETTRE DE M. L'ARCHEVEQUE DE *** à M***

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Confeiller au Parlement de Paris.

N ne peut, Monfieur, lire do fang froid & vos Remontrances au Roi, & vos Arrêtés, & votre Arrêt du 18 de ce mois, fans reconnoître que vous & vos Confreres n'êtes pas inftruits ni des faintes Régles qui dirigent notre conduite dans l'adminiftration des faints Sacremens, ni même de plufieurs vérités appartenantes à la Foi, qu'il eft du devoir des Evêques de vous remettre devant les yeux. Quelques grandes que foient vos lumieres dans l'ordre de la Jurifprudence, & même fi vous voulez, de la politique, vous pouvez ignorer une matiere qui n'eft pas de votre reffort; de même que, quelqu'appliqués que nous foyons à la méditation des faintes Ecritures & à l'étude des Canons, nous pouvons ignorer, & nous ignorons fouvent ce qui concerne les Loix civiles. Ainfi je ne ferai pas injure à la réputation que vous avez d'être un Juge fçavant, expérimenté & équitable, quand je vous découvrirai fimplement les égaremens ou vous êtes tombé d'un concert commun, dans des matieres qui ne font pas de votre compétence, & qui appartiennent à la Loi de J. C. Inftruifez-vous donc, ô vous qui jugez la terre, vous crie le Prophête, Erudimini qui judicatis terram. Et par qui ferez-vous inftruits fur ce qui concerne la Religion que vous profeffez? Sinon par ceux que J. C. a chargés d'en inftruire & les Grands & les Petits, & les Magiftrats & les Rois mêmes: Ite, docete omnes Gentes, & à qui il a commandé d'annoncer à tous ce qu'ils auront à croire & à pratiquer felon fon Evangile, de telle forte que celui qui ne les croira pas, fera condamné de lui: Qui non crediderit, condemnabitur.

&

C'est ce qui m'engage, Monfieur, à remettre fous vos yeux des vérités que vous paroiflez ignorer, & dont l'ignorance occafionne des difputes & des procédés fi vifs de votre part, & fi funeftes à la Religion. Et d'abord je vois par vos Remontrances & par vos Délibérations que c'est la crainte du Schifme qui vous allarme, & dont vous voulez prévenir les funeftes effets. Je loue votre crainte, elle eft digne d'un cœur qui aime l'Eglife & l'Etat; mais nous avons la même crainte que vous nous n'avons pas moins d'horreur d'une divifion qui cauferoit non-feulement la perte de tant d'ames, mais dont le malheur fe communiqueroit à la postérité de ceux qui y feroient engagés. Jufques-là nous fommes d'accord, Mais où commence votre erreur? C'eft que vous confondez le refus des Sacremens fait aux indignes, avec la féparation que le fchifme opere. Les Sacremens fe refufent aux pécheurs publics, aux concubinaires, aux comédiens, & autres perfonnes notées & fcandaleuses; on leur refufe s'ils ne réparent pas autant qu'il eft en eux, le fcandale qu'ils ont donné, mais ce refus ne fut jamais accufé de Schifme, & cette pratique néceffaire dans l'Eglife pour préferver le Corps & le Sang de J. C. de la prophanation, &le fidele da la mort érernelle, ne fut jamais regardé comme une démarche fchifmatique. Ainfi dès votre premier pas, & dans le motif fondamental de vos demarches, vous vous égarez en confondant l'un avec l'autre, & fur ce fondement faux & ruineux vous bâtiffez un édifice aifé à renverfer.

Quant au refus des Sacremens fait spécialement à la mort à un homme publiquement criminel, pouvez-vous

ignorer que c'eft-là un des premiers & principaux devoirs de tout Pasteur chargé du foin des ames qui lui font confiées. C'est l'Apôtre qui nous prefcrit de reprendre & de corriger * devant tout le monde ceux qui font dans ce malheureux état ; & de le faire de maniere à infpirer la crainte à ceux qui font témoins de notre févérité. C'eft lui, c'eft cet Apôtre qui nous dit que celui qui reçoit la fainte Euchariftie en état de péché, commet un facrilege, & qu'il fe rend coupable du Corps & du Sang de J. C. qu'il prophane. D'où il fuit que celui qui participe fciemment & volontairement à cette prophanation, eft lui-même un prophanateur & encoure le même Jugement. Voilà la Loi de l'Evangile, & c'eft cette Loi que nous exerçons envers ceux, qui coupables de péchés pu blics, n'ont pas donné des marques publiques de leur pénitence & de la réparation du fcandale qu'ils ont caufé. Tous les Conciles l'ordonnent ainfi ; & ceux qui ignorent cette Régle, n'ont pas les premiers principes du miniftere Eccléfiaftique.

C'eft en conféquence de cette Loi, & pour prévenir une criminelle Communion, que l'on refufe les Sacremens, même à la mort, aux comédiens, farceurs, & autres gens de Théâtre, fi par Acte public ils ne renoncent à leur criminelle profeffion; on la refufe aux concubinaires publics, aux impies & incrédules qui ont fait gloire de leur incrédulité, aux femmes fcandaleufes par leurs débauches. Tous les Statuts & Rituels de nos Diocèles le prefcrivent expreffément, même l'Assemblée du Clergé en 1634. défendit d adminiftrer les Sacremens au mourant bleffé par un duel, s'il ne répare par la pénitence le fcandale de fon crime. Prétend-t'on dans ces occafions faire fchifme avec ces pécheurs ? Eft-on fchifmati que pour exécuter envers eux cette fainte & falutaire rigueur? Ceux qui par Acte public & par uue notoriété conftante fe déclarent défobéiflans à l'Eglife, méprisent ouvertement fes Décrets, & qui fe font gloire d'en être Appellans, ne font-ils pas dans le même cas des pécheurs publics Et pouvons-nous ne les pas regarder comme tels, quand J. C. nous a dit fi expreflément que celui qui n'écoute pas l'Eglife, qu'il vous foit comme un payen publicain. Les Apôtres Saint Paul & Saint Jean portent même plus loin la conduite que nous pourrions obferver à la rigueur contre ces fortes de gens, qui bien loin de cacher leur défobéiflance à l'Eglife, en font gloire, qui infultent au Pape & aux Evêques par leurs Libelles, & qui fe mêlent de répandre les Livres condamnés par eux, & ces Gazettes calomnieufes & menfongeres, pleines d'erreurs dans la foi. Saint Paul nous preferit de noter de tels gens ; & Saint Jean même de leur refufer le falut: Nec ave ei dixeritis. Ce qui, pris à la rigueur, iroit à les chafler de la Société des Fidéles, par une vrai excommunication dont ils fe rendent dignes. Mais la charité qui efpere tout, qui eft patiente & benigne, nous engage à les traiter avec moins de rigueur, dans la crainte d'arracher le bon grain avec l'yvraie, & de précipi er leur postérité dans le malheur d'une féparation éclarante, Mais fans opérer cette funefte léparation ne pouvonsnous pas, & ne devons-nous pas obferver avec des hoinmes publiquement coupables, ce que le même Evangile nous preferit touchant l'administration des vénérables

* Peccantes coram omnibus argue, ut & cateri timorem habeant,

A

un

& divins Sacremens, pour ne pas les prophaner en les livrant à ceux qui en font notoirement & publiquement indignes,

Nous ne les traitons donc pas, ainfi que vous le dites, comme étant hors de l'Eglife mais comme des gens qui, renfermés dans fon fein par des liens extérieurs, la fatiguent, la bleffent, & la furchargent par leur défobéillance, & c'eft par un abus manifefte des termes que votre ignorance des Régles Eccléfiaftiques vous fait faire, que vous appellez fchifmatique une conduite fi mefurée. Or la preuve évidente qu'elle eft mefurée fur les différens devoirs que J. G. nous prefcrit à leur égard, c'est que tout indignes qu'ils font des Sacremens, nous leur accordons aifément la Sépulture Eccléfiaftique. Ce qui prouve évidemment que nous ne les traitons pas en excommuniés, & que nous les regardons comme ces autres pécheurs publics qui par leur impénitence, fe rendant indignes du Corps & du Sang de J. C. ne laiffent pas de jouir parmi nous de la liberté d'entrer dans nos Eglifes, d'y affifter aux faints Myf teres, & d'y recevoir les honneurs de la Sépulture. C'est done une injure que vous faites aux Pasteurs de PEglife quand vous les traitez de fchifmatiques; & que Vous accufez de fchifme la fage & prudente mefure qu'ils obfervent envers ceux qui fcandalifent les Fidéles, & les entraînent par leurs exemples dans la révolte contre les Décrets que l'Eglife prononce dans l'ordre de la Foi.

Mais tandis que vous montrez un zéle fi mal fondé contre ce que vous appellez schifme, vous ne voyez pas que vous y courez par votre conduite, & que vous travaillez à le réalifer, ce fchifme funefte, fous prétexte de le prévenir. Car premieremenr par le mépris que vous faites d'un Décret dogmatique que toute l'Eglife a adopté, vous appuyez un Parti qui de lui-même court au fchifme dans les lieux où il eft libre, qui eft déja fchifmatique reconnu en Hollande, qui depuis bien des années y fait bande à part, féparé des Catholiques Ro mains; qui fous des Evêques nommément excommuniés par le Saint Siege, forme des Eglifes qui y por tent publiquement le nom d'Eglife Janfénifte, leparées de Communion des Eglifes Catholiques; c'eft ce que l'on voit à la Haye, a Amfterdam, à Utrecht. Ce qui faifoit dire à feu M. le Duc de Bourgogne au commencement de ce fiecle, dans une Lettre qu'il écrivoit au Pape, qu'il les connoiffoit pour fchifmatiques en Hollande, & pour ennemi de toute fubordination envers le Saint Siége & les premiers Pasteurs Un Parti qui ne rougit point de fon fchi me dans des Etats voifins, n'en rougira pas dans le nôtre, quand accrédité par vos Arrêts & multiplié par l'impunité, il fe croira aflez fort pour le féparer de l'Eglife Romaine, qu'il ofe accufer d'erreur & de tyrannie.

Vous le réalifez encore plus, ce Schifme que nous évitons, quand par vos Arrêts vous voulez forcer les Evêques & les Curés à donner, contre leur devoir & leur confcience, le Saint des Saints à ceux qui le prophanent fans crainte, & à fe rendre coupables, avec eux, du Corps du Sang de J. C. & complices du crime de ces prophanateurs. Car enfin il fe trouvera dans le Clergé de France & parmi ces Evêques, affez de Prélats fermes & courageux qui vous diront comme les Apôtres difoient au Sénat des Juifs : Jugez vous-mêmes, Meffi urs, s'il est juste que nous vous obéiffions plutôt quà Dieu. Nous perlifterons dans des refus que vous nous défendez, tandis que l'Evangile de J. C. nous les preferit. Vous vous irriterez de notre fermeté, vous rendrez contre nous des Jugemens odieux, vous faifirez nos revenus, vous nous pourfuivrez criminellement. Puitliez-vous porter vos vélations plus loin, banniffez

nous, emprisonnez-nous, condamnez-nous à la mort nous fommes tous prêts à fouffrir ce que J. C. nous a predit que nous aurions afouffrir en foutenant fes intérêts & défendans fa Loi. Mais ce fetont ces violences que vous exercez, fous prétexte de prévenir le Schifme, qui le confommeronr. Le parti oppreffeur méprife le Parti opprimé & s'en fépare ; & le Parti opprimé fe divife de même d'avec le Parti oppreffeur, & ne pouvant fe défendre que par fes armes puiffantes en Dieu comme dit l'Apôtre, pour réprimer ceux qui s'élevent contre la fcience de l'Evangile, il fera forcé de prononcer ces Anathèmes funeltes que confommeront une divifion que vous aurez excitée par vos Arrêts & par vos rigueurs.

Mais fi vous aviez un vrai zéle contre le Schifme. que ne le faifiez-vous valoir contre ceux du Parti que vous protégez, qui ont effayé fous vos yeux & à votre porte, de le former & le réalifer. en innovant, nonfeulement dans le dogme, mais même dans le culte public de la Religion. N'avez-vous pas vû des Curés aux portes de Paris qui avoient introduit une nouvelle maniere de célebrer la Meffe folemnelle, fpectacle auquel on couroit en foule avec curiofité, les uns applaudiflans à ces nouveautés, & les autres les envisageant avec horreur ? N'avez-vous pas vu un Evêque appellant & de votre refort, innover pareillement dans le culte public, dégradant les Autels de fon Diocèfe de leurs ornemens en excluant les Crucifix mêmes, & réduifant les cérémonies de la fainte adminiftration del Euchariftie prefque à la maniere feche & groffiere dont la cêne fe diftribue dans les prêches des Huguenots? Le même Parti ne s'eft-il pas emparé d'une Eglife de vo tre Ville, pour y tenir des aflemblées tumultueufes autour du tombeau d'un Appellant, & y jouant fous vos yeux les indécentes & ridicules convulfions, fans aucun obftacle de votre part? Ces traits ne font ils pas fentir combien ceux qui innovent en fait de dogme, fe portent à innover de même en tout, & a fe féparer de ceux qu'ils accufent à leur tour d'erreur & de prévarication? Ces nouveautés ont été réprimées avec lagefle & modération de la part des Prélats que vous appellez Schifmatiques; & l'autorité du Roi fans la vôtre, implorée par eux a diffipé ces tentatives criminelles. Mais ce même Parti. a montré par-là ce qu'il fera capable de tenter quand, triomphant par vos Arrêts, & alluré de l'impunité, il ne fera plus contraint que par la réclamation des Pafteurs, dont il méprife, par fyftême fuivi, la parole & l'autorité.

Ce qui accélerera encore plus cette divifion que nous prévoyons, c'eft le crédit que vous donnez par vos Arrêts a une doctrine tant de fois réprouvée par l'Eglife, & le difcrédit où vous prétendez réduire un Décret rendu pour condamner un Livre qui par cent tours captieux avoit travaillé à mettre es mains des plus fimples fidé les les erreurs que l'Eglife ne cefle de condamner depuis deux ficcles, dans les Livres de Baius & de Janfenius. Tout ce que l'Eglife a prononcé depuis tant d'années, tout ce que vous avez vous-mêmes enregistré tant de fois, foit pour la condamnation de ces Livres, foit pour le maintien du Formulaire, n'eft plus d'aucun poids a vos yeux, dès-là que par vos dernieres Délibéra tions, les ennemis de ces décifions, & ceux qui les méprifent ouvertement, font devenus des gens innocens & vertueux, dignes de recevoir les Sacremens de l'Eglife, & fi dignes qu'on ne peut méme leur demander s'ils s'y font préparés au moins par la Confeflion,

Il est vrai qu'il femble que vous n'en voulez qu'à la Bulle Unigenitus; mais vous ne voyez pas que cette Bulle n'eft précieuse à l'Eglife & odieufe au Parti que

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