taine Doce fut pris en vie; mais fa mort fut bien plus cruelle. Le peuple eut tant d'horreur de fon crime, qu'on fe jetta fur lui, & impitoyablement il fut déchiré en un million de pieces. La vengeance n'en refta pas là, on apprit que Griti faifoit venir fes deux fils, escortez par cinq cens Turcs; Quendi Ferens, un des plus grands & des plus puiffans Seigneurs de la Province, alla les chercher, & les ayant joints, il fit main baffe fur leur escorte, & les conduisit à l'armée, ou auffi-tôt ils furent décapitez, comme fi le crime du pere devoit être imputé à toute fa race. Les Tranfilvains fe trouvant affemblez, délibererent fur leurs affaires, pour affurer leur tranquilité. Voyant que le Roy étoit toûjours en guerre avec Ferdinand, & que l'un ni l'autre ne pouvoient les mettre à couvert

des infultes des Turcs, ils refolurent de fe maintenir neutres, jufqu'à ce que l'un de ces deux Princes fut paifible poffeffeur de

la Couronne.

Tous ces évenemens étoient délicats & dangercux. D'un côté le Roy craignoit de perdre la Tranfilvanie, qui étoit la plus belle partie de fon Royaume, & dont il tiroit les principales forces; de l'autre il apprehendoit le reffentiment de Soliman, fi fenfible aux injures qu'on faifoit aux fiens; il falloit donc élire un Vaivode d'une habileté & d'une prudence confommée, pour ménager les affaires dans des conjonctures fa difficiles. Quoique ce Prince eût un grand nombre de bons & fidelles fujets, cependant il n'en trouva pas de plus digne de cetre élevation, ni de plus capable de faire revenir la Tranfilvanie dans le devoir &

de calmer l'indignation de Soliman, que fon fidéle Miniftre George Martinufius. Il le nomma d'abord à l'Evêché de Varadin, le plus riche & le plus noble du Royaume, après l'Archevêché de Strigonic. Enfuite il I honora de la dignité de Vaivode ou Viceroy de Tranfilvanie; les Grands & les peuples applaudirent à un choix fi jufte & fi neceffaire, & Martinufius juftifia par fa conduite la juftice de cette élection.

Il alla prendre poffeffion de fon Evêché, mais plus attentif aux devoirs de fon Miniftere, qu'à la grandeur de fa dignité: fes premiers foins furent de connoître & regler fon Diocefe: il entra d'abord dans les interêts de fon peuple pour leur procurer les foulagemens neceffaires, dans des temps fi malheureux. Il examina la conduite & la doc

trine du Clergé, & par fes fages réglemens & fes exhortations patetiques, il inspira aux Corps Reguliers & Seculiers, ce zele dont lui-même étoit animé contre le venin des Sectes nouvelles, qui infectoient les Royaumes voifins: il leur fit entendre avec force, que le moyen le plus effectif pour conferver la foi Catholique, étoit la pratique exacte de la morale de l'Evangile ;

que

le relâchement fur l'obfervation des Commandemens, étoit la feule caufe de l'alteration des dogmes; mais fon exemple fit encore plus d'impreffion que fes paroles; exact à tous fes devoirs, il remplit les fonctions de l'Epif copat avec un zéle, une pieté, une vigilance, qui lui ont attiré de grands éloges, même de la part de fes plus cruels ennemis, comme nous le verrons dans la fuite.

En même temps qu'il fe montroit fi digne du rang où il avoit été élevé dans l'Eglife, il fit connoître qu'il l'étoit également de celui dont le Roy l'avoit hono ré dans l'Etat. En Hongrie, le Vaivode de Tranfilvanie ne reconnoît que le Roy au deffus de lui. C'eft une dignité de diftinction & de confiance, & ce n'eft. que depuis le démembrement de cette puiffante Monarchie que les choses ont changé de face, & que chaque Province a voulu conferver fes droits entre autres la Tranfilvanie, qui par fes richeffes, le nombre de fes habitans & de fes Villes, & enfin par fa fituation, peut feule former un Royaume. D'abord que Martinufius fur pourvû de cet important Gouvernement, il fit fçavoir à ces peuples, que ce qui le touchoit le plus dans les honneurs & les graces que le